Un Vahid agité, un Vahid sous pression

Contrairement aux fois précédentes où il était serein, sûr de lui et de ses arguments, Vahid Halilhodzic a été trop sur la défensive hier à Blida à l’occasion de sa conférence de presse durant laquelle il a annoncé la liste des joueurs convoqués pour le match gala face à la Bosnie mercredi prochain.

Il a même dit qu’il pouvait partir à n’importe quel moment, chose qu’il n’a jamais faite depuis qu’il a pris les commandes de l’EN il y a 16 mois. Ce sentiment d’être la cible de la presse, des anciens joueurs et d’anciens sélectionneurs nationaux a été nourri par la pression que ressentent les entraîneurs la veille de chaque grand tournoi. Vahid Halilhodzic n’a pas mâché ses mots, il est même allé jusqu’à dire une phrase qui en dit long sur son désarroi et sa non-compréhension de certaines déclarations parues dernièrement dans la presse : «Ce qui me cherchera me trouvera», dira-t-il avec un air très menaçant. Ainsi, et pour démontrer, déclarations à l’appui, l’agitation et la gêne que ressent le sélectionneur national, on va reprendre certains passages de sa conférence de presse.

«Si on perd face à la Tunisie, serait-ce une surprise ?»

«Si je suis votre raisonnement, ça sera une finale Algérie-Côte d’Ivoire. Heureusement que je ne pense pas comme vous, parce que sinon… Dites moi franchement, si on perd le premier match face à la Tunisie, est-ce que ça sera une surprise ? Non, bien sûr. Même le Togo n’est pas une faible équipe. Je serai très heureux si je passe en ½ ou en finale, ou pourquoi ne pas gagner le trophée ! Mais je suis réaliste et je sais que ça sera difficile», dira-t-il, et d’enchaîner : «Oui, la Zambie a gagné le titre, moi aussi, je veux le faire, je serai même très heureux, mais est-ce qu’on a les moyens de le faire ? Ça, c’est à vous d’en juger…»

«Si ça va mal, c’est Vahid, si ça va bien, c’est les joueurs»

Vahid, presque allergique aux questions relatives aux objectifs de l’EN lors de cette CAN, veut à tout prix faire redescendre tout le monde sur terre. A propos de l’interview qu’il a accordée à France Football dans laquelle il dit qu’il ambitionne de jouer la ½ finale de la Coupe du monde et gagner la CAN, il dira : «Le dirigeant avec lequel j’ai discuté était comme vous, optimiste. Il m’a parlé de demi- finale de la Coupe du monde et de finale de la CAN, j’ai dit, OK, mettez-le noir sur blanc. De toute façon, ça aurait changé quoi dans mon contrat, il est écrit que je peux partir à n’importe quel moment, donc… » Par ailleurs, Vahid, en marge de sa réponse à une question d’un confrère, ajoutera : «De toute façon, je sais que pour vous tous, si l’équipe nationale gagne, c’est grâce aux joueurs, mais si jamais ça va mal, c’est à cause de Vahid. Ça, je l’ai compris il y a plusieurs années de cela…»

«Quand je suis arrivé en Afrique du Sud, j’ai trouvé l’Algérie au 3e chapeau, pourquoi ?»

Vahid Halilhodzic a essayé par tous les moyens de faire comprendre à l’opinion publique que la tâche ne sera pas facile, et qu’au vu de la situation actuelle des joueurs de l’EN, la majorité des joueurs sont soit blessés ou non compétitifs, passer au deuxième tour sera déjà un grand exploit. «Quand je suis arrivé en Afrique du Sud, j’ai trouvé l’Algérie au troisième chapeau, pourquoi ? C’est vrai qu’on est 2e meilleure équipe en Afrique et 19e au monde, selon le classement FIFA, et ça m’honore et me rend très fier, mais la vérité est que l’Algérie ne s’est pas qualifiée à la CAN-2012 et les résultats avant ma venue étaient catastrophiques. Personnellement, trouver qu’être 2e en Afrique et figurer dans le chapeau 3 n’est pas normal. Il y a beaucoup d’équipes meilleures que nous. C’est ça la verité. Donc, pour résumer tout ça, je dirai qu’on a avancé pas mal durant les 16 derniers mois, mais il faut arrêter de rêver. Etre présent à la CAN est déjà un grand pas pour nous.»

«Je ne suis pas sous pression, parce que je sais ce que j’ai trouvé en arrivant»

Constatant qu’il est paru un peu sous pression et trop sur la défensive, Vahid Halilhodzic s’est ressaisi un moment pour dire : «Vous voulez connaître mon objectif à la CAN ? Et bien, c’est d’aller le plus loin possible. Je sais que ça ne sera pas facile. Le chemin sera même très difficile, mais il faut continuer d’avancer. Tout vient avec le travail et j’estime qu’on est en train de faire le nécessaire pour ne pas stagner», et d’enchaîner : «Ne pensez pas que je suis sous pression, parce que ce n’est pas le cas. Vous savez pourquoi ? Parce que je sais ce que j’ai trouvé en arrivant ici et je vois ce qu’on est devenu en l’espace de 16 mois. On est 2e en Afrique et 19e dans le monde, et ça, c’est grâce à nos derniers résultats. En 10 matchs, on a gagné 8, un match nul et une seule défaite durant lesquels on a marqué 21 buts et encaissé 5 seulement. Vous voulez que je vous donne les statistiques des 10 derniers mois avant ma venue ? Les voici : en 10 matchs, l’Algérie a marqué 4 buts et encaissé 11, c’est pour vous dire qu’on a pas mal avancé. Il faut continuer à travailler et avancer.» 

«Dehors, les gens me félicitent. Ils ne m’ont jamais insulté, car ils reconnaissent mon travail»

Au cours de cette conférence de presse, Halilhodzic, à sa façon, s’est permis de critiquer certains écrits de presse qu’il a jugé irréalistes, voire provocateurs. Sans citer l’organe, il s’est adressé à eux sans même que les journalistes ciblés ne posent la moindre question provocatrice. «Vous écrivez ce que vous voulez, ça m’est égal. Vous pouvez berner les gens, tromper l’opinion publique, dire qu’on a la meilleure équipe du monde, les meilleurs joueurs de la planète… mais pas Vahid. Mais quand je me balade dans la rue, au restaurant, dans l’avion ou ailleurs, les gens m’interpellent, me pose des questions : Pourquoi vous n’avez pas convoqué tel joueur, pourquoi faire appel à celui-là, je pense que vous devriez faire ça… Mais jamais on m’a insulté ou critiqué mon travail. Ils me félicitent tous, parce qu’ils reconnaissent mon travail, et cela pour moi est largement suffisant», dira Vahid. 

«Je peux partir quand je veux et c’est dans mon contrat»

Aussi, Vahid Halilhodzic a parlé de démission. Il est même allé jusqu’à divulguer une clause qu’on ne connaissait pas jusque-là dans son contrat et qui lui donne le droit de quitter son poste à n’importe quel moment. Une question d’un confrère relative aux objectifs des Verts à la CAN et aux conséquences d’un échec l’a poussé à bout. «Si on perd, je serai viré, c’est ce que vous voulez dire ? Ecoutez, dans mon contrat, il est écrit que je peux partir à n’importe quel moment. Je peux partir maintenant si je veux, vous le savez ? Si quelqu’un peut dire publiquement qu’il peut emmener cette équipe en finale, je lui laisserai ma place sur le champ, parce que moi, je ne dirai jamais une chose

pareille, parce que je sais qu’une défaite pourrait tout changer. Je l’ai déjà vécu une fois, et croyez-moi, je sais de quoi je parle.»«J’ai des propositions que vous ne pouvez même pas imaginer»

Toujours sur son intention de quitter le navire si jamais il le juge utile, Vahid Halilhodzic a encore une fois fait savoir aux gens présents qu’il ne chômera pas en cas de départ de l’Algérie. «J’ai des propositions que vous ne pouvez même pas imaginer», dira-t-il. Une fois, au Maroc, Halilhodzic nous dira : «Vous voulez que je vous montre les propositions que j’ai ? Je reçois chaque jour un appel de la part d’un président pour m’offrir un poste, mais je refuse même de discuter avec eux, parce que je suis sur place et mon travail prend tout mon temps. Aucun entraîneur au monde n’organise autant de stages que moi.» C’est pour dire que Vahid est très inquiet avant cette CAN. Les blessures, les joueurs qui ne jouent plus dans leurs clubs et aussi la pression sont de mise chez le sélectionneur national. Espérons que ça ira mieux à l’avenir pour lui et pour l’EN et qu’on retrouvera le Vahid Halilhodzic souriant, blagueur et sûr de lui qu’on a l’habitude de voir.

«Si je quitte l’Algérie, ça sera la tête haute»

«Partout où j’ai été, j’ai quitté ma place la tête haute. En Côte d’Ivoire, des joueurs m’appellent toujours pour prendre de mes nouvelles et me féliciter ou m’encourager. En Algérie, ça sera pareil. Si jamais je quitte mon poste, ça sera la tête haute»A. B.

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