EN : Le Nigéria, un exemple à suivre

Même si la CAN 2013 n’est pas encore finie, les deux finalistes sont désormais connus, et sans faire offense aux Etalons du Burkina Faso et aux Super Eagles du Nigéria, nous pouvons commencer à tirer les enseignements de cette Coupe d’Afrique des nations, sans attendre de connaître celui qui va brandir le trophée.

C’est l’heure des bilans

Ce genre de joutes que représentent le Mondial, la Copa America, ou encore la CAN, n’ont pas seulement pour but de désigner un champion. Elles permettent aussi à la FIFA, la CAF, ou encore l’UEFA, d’étalonner, d’évaluer, à la fois le niveau du football mondial et continental et de faire toute une batterie d’essais grandeur nature, de savoir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Cela a permis par exemple de tester et d’invalider le fameux but en or.

La FAF doit aussi faire son évaluation

Mais il n’y a pas que les confédérations qui profitent de cette aubaine, toutes les fédérations nationales africaines dont les nations qui étaient à la CAN ou non, dépêchent suivant leurs moyens, un ou plusieurs membres de la DTN, la direction technique nationale, pour évaluer ce qui n’a pas marché dans leur propre équipe, et copier ce qui se fait de mieux. Par exemple, au lendemain du sacre mondial de l’Espagne, toutes les fédérations du monde ont décidé de s’inspirer du football espagnol pour la formation des jeunes. Même la Fédération algérienne de football, ne déroge pas à cette règle primordiale, d’après tournoi, qui permet aux nations de progresser. Chez nous les manques durant ce tournoi, ont très vite été évalués. Et pour cause, lors de nos trois matchs, le manque de réalisme offensif se voyait comme le nez au milieu de la figure, une autre erreur de gestion a été passée sous silence, l’isolement total de l’équipe nationale.

La gestion du groupe doit aussi être repensée.

Car si notre équipe nationale dispose aujourd’hui, comme l’a bien dit Sofiane Feghouli dans nos colonnes, de tous ce dont la pratique du football de haut niveau nécessite, l’isolation totale de l’équipe, apparue pour la première fois, à la veille d’Algérie-Egypte, en juin 2009,  au Castelet, sous l’impulsion de Walid Sadi, qui occupait à l’époque le poste de manager de l’EN, se révèle aujourd’hui contre-productive.

Manga club, Kwa Maritane, les résultats parlent d’eux-mêmes

Ce qui partait au départ d’un bon sentiment, celui de permettre à l’équipe nationale de se préparer dans la sérénité, sans une omniprésence de la presse et des supporters ultras, pour mieux se concentrer, en mettant les joueurs dans des palaces, avec des vastes domaines, s’est transformé en une situation de «prison dorée». Les joueurs sont coupés du monde, coupés des supporters et de la presse, qui jadis les maintenait en contact avec le peuple, qu’ils ne ressentent plus comme un soutien mais comme des «intrus». Résultat des courses, les joueurs ne savent plus ce qui se passe dehors, se mettent une énorme pression, refont le match cent fois dans leur tête, flanchent mentalement et c’est le fiasco. Souvenons-nous de la préparation du match Maroc-Algérie, avec un stage à La Manga Club, dans un camp de vacances vide, hors saison, transformé en camp retranché avec policier et maître chien, résultat 4–0. Et que dire de la préparation de cette CAN 2013 à huis clos, où même un simple safari officiel de l’équipe devient une affaire d’Etat. Pendant ce temps-là, d’autres équipes ont eu une stratégie diamétralement opposée et les faits sont là, c’est leur politique qui a été payante. Le Nigéria de Stephen Keshi en est le parfait exemple.

Les Super Eagles ont prôné l’ouverture

Car lorsqu’on évalue le Nigeria de Keshi et l’Algérie de Vahid Halilhodzic, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de points communs. Deux équipes rajeunies à 70%, avec des joueurs locaux, encadrés par deux ou trois joueurs chevronnés, comme Obi Mikel, Yobo ou encore Moses, qui, malgré son jeune âge, fait office de cadre. Et des cadres de l’équipe comme Martins, laissé à la maison. Cela ressemble trait pour trait à l’équipe d’Algérie, à une grosse différence près, la gestion de la vie du groupe. Lorsque l’Algérie s’enfermait et avait peur de son ombre, le Nigeria, au contraire, ouvrait ses portes.

Une équipe alliée à ses supporters et aux journalistes

Lorsque chez nous tout devient grave et une quasi affaire d’Etat, lorsque les gardes du corps s’invitent jusqu’en conférence de presse, chez les Super Eagles c’est à la bonne franquette. Nous nous sommes rendus à l’entraînement du Nigeria, à la veille du match capital face à la Côte d’Ivoire, sans rendez-vous et nous avons pu travailler tranquillement. L’entraînement était ouvert au public, les supporters nigérians ont pris toutes les photos qu’ils voulaient. Stephen Keshi a répondu à toutes les sollicitations, de la presse comme des supporters.

Obi Mikel : «Assieds-toi à côté de moi sur le banc de touche, dès que j’aurai lacé mes chaussures je répondrai à tes questions»

Nous étions sur la main courante et il suffisait d’approcher le joueur de notre choix pour qu’il nous parle. Yobo, le capitaine, a même interrompu son échauffement pour nous répondre. Moses était d’une politesse extrême et nous remerciait presque de l’interviewer, quant à la grande star, Obi Mikel, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea, il nous a dit lorsque nous l’avons sollicité : «Assieds-toi à côté de moi sur le banc de touche, dès que j’aurai lacé mes chaussures je répondrai à tes questions.» Vous voyez la différence. Certains supporters algériens venus au bout du monde supporter les Verts, nous ont avoué avoir pu prendre des photos avec Drogba, Kalou, Adebayor, Yobo et aucun joueur de l’équipe nationale. Seuls les plus chanceux, ont eu la main heureuse, en croisant les Fennecs à Sun City, lors du quartier libre, mais après un entraînement, ce n’est même pas la peine d’y penser.

Keshi en a même ajouté une couche

Après sa victoire face aux Ivoiriens, Stephen Keshi en a même ajouté une couche en disant : «Je remercie Dieu, mes joueurs et la presse qui nous a fait confiance en venant en masse du Nigeria nous suivre.» Pour Keshi, la presse et les supporters sont des alliés, chez nous, l’isolement des Verts, a fait d’eux des «quasi ennemis».

Le Nigeria est en finale non ?

La stratégie du Nigéria ne l’a pas conduit au désastre, puisqu’ils sont en finale en ayant battu la Côte d’Ivoire et le Mali dans le temps réglementaire. Cela prouve bien qu’on peut réussir sans s’isoler. La preuve, les deux équipes les plus enfermées, l’Algérie et la Côte d’Ivoire sont passées à la trappe. Notre équipe nationale, pour enlever la pression aux joueurs, serait bien inspirée de suivre à l’avenir l’exemple des Super Eagles, qui, par leur stratégie d’ouverture, ont enlevé toute pression à leurs joueurs et sont peut être en passe de devenir champions d’Afrique.

 

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