Madoui : «Objectif, reconquérir notre 2e place»

Il est le plus jeune entraîneur de la Ligue 1. Au tout début de cette saison, il a pris en main la barre de l’Entente Sétifienne, un des plus prestigieux clubs du pays. En dépit de beaucoup de problèmes d’ordre administratif et financier, lui arrive quand même à maintenir le cap pour une équipe que l’on disait en fin de cycle. Kheiredddine Madoui refuse, en tout cas, de croire que c’est le déclin, au contraire il pense que c’est tout juste une période de transition qui ne durera que le laps d’une, voire deux saisons. Courtois, cet entraîneur-intellectuel (il est titulaire d’une licence en sciences économiques) ne se dérobe à aucune question.

Pour commencer, il n’y a pas mieux que de revenir sur cette prestigieuse qualification pour la phase des poules en Ligue des champions africaine. Félicitations. Ca a été dur, n’est-ce pas ?

Merci pour les félicitations. Oui, très dur, bien sûr, ce n’est jamais facile de jouer des matches de Ligue des champions, sachant que vous rencontrez dans cette compétition des équipes d’un très bon niveau. Je pense franchement que notre qualification est amplement méritée en ce sens où nous avons mis le cœur à l’ouvrage. Cette qualification est arrivée au très bon moment. C’est très motivant pour les joueurs, pour l’équipe, pour le club, etc. Pour ce qui me concerne, c’est un immense honneur pour moi que de conduire mon club à être parmi les meilleures formations du continent. C’est ma quatrième qualification aux phases des poules, trois en coupe de la CAF et cette dernière en Ligue des champions. Mais les trois premières, je les ai eues en ma qualité d’entraîneur adjoint, cette fois  je suis qualifié en tant qu’entraîneur en chef.

 

Selon vous, qu’est-ce qui fait que l’ESS, si brillante en compétition internationale, se voit lâcher en championnat national ?

Il ne faut pas perdre de vue le fait que l’Entente est aux premières loges depuis des années maintenant. Etre au top durant toutes ces années vous amène forcément à traverser des périodes difficiles. C’est ce que nous sommes en train de vivre actuellement en championnat. C’est très dur de se maintenir au sommet des années durant. Et puis, je ne vous apprends rien si je vous disais que le club a été confronté à de sérieux problèmes financiers. Nous avions aussi dû faire face à des blessures répétées de certains joueurs, ce qui nous a grandement pénalisés. Mais dans tout cela, tout n’est pas noir. Nous avons des satisfactions, comme ces jeunes que nous avons lancés dans le bain. Quatre joueurs issus du cru qui vont s’affirmer au fil des saisons.

 

Lesquels ?

El-Eulmi, Bouchar et Amokrane, des U21 qui promettent beaucoup ainsi que Laroussi, un jeune qui n’a pas joué depuis deux années et que nous sommes en train de remettre sur les rails.

 

Il est bien connu que l’Entente est un des clubs formateurs du pays. Nous avons, malheureusement, vu ces dernières années l’ESS «importer» des joueurs… Paradoxal, non ?

C’est, je crois, en fonction de la politique du club. Les dirigeants voulaient des résultats immédiats, c’est ce qu’ils ont eus. De ce fait, ils ont alors négligé la formation qui fut, c’est vrai, une des vertus de notre club. Là, maintenant, c’est bon nous sommes en train de revenir à la formation. Comme je viens de vous le dire, nous avons des jeunes que nous avons mis dans le bain et qui sont en phase d’apprentissage. Ceux-ci vont éclore dans très peu de temps, comme il y a des jeunes qui frappent eux aussi à la porte de l’équipe première et qui auront leur chance. Je pense que d’ici deux ans, nous aurons une équipe formée à hauteur de 80% de joueurs issus du cru. Ce qui est quand même un grand acquis pour un club comme le nôtre qui a connu ses heures de gloires avec des joueurs qu’il a lui-même formés.

 

Vous avez parlé tout à l’heure de problèmes financiers. Vous pouvez nous en dire plus…

Oui, il s’agit d’arriérés de salaires. Des mensualités impayées et que les joueurs ne cessaient de réclamer. Entre trois et cinq mensualités que les joueurs réclamaient et faisaient pression sur la direction du club. C’était surtout çà comme problème qu’il fallait gérer. Mais ce que je peux dire aussi à ce sujet, c’est que tout a été réglé parce qu’il y a un climat de confiance entre le président et les joueurs. La confiance dont jouit le président Hamar auprès des joueurs a fait qu’il n’y ait jamais eu implosion du groupe.

 

Depuis que vous êtes aux manettes, quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

Disons que c’est justement ce problème financier. C’est difficile de gérer un vestiaire qui réclame à tout-va de lui payer ses mensualités. Pour moi, ce fut ce seul qui problème qui m’a, quelque peu, été difficile à surmonter du fait que la solution n’était pas entre mes mains. Il fallait être diplomate, pédagogue et fin négociateur pour motiver un groupe dont le moral est atteint. J’ai, en tout cas, fait du mieux que j’ai pu. En somme, ce fut parmi les principales difficultés que j’ai rencontrées.

 

Un groupe auquel manquait un homme sur et en dehors du terrain, comme ce fut le cas avec Delhoum…

Ah ! Pour ça, oui. Delhoum nous a beaucoup  manqué. Avoir un garçon comme lui dans le groupe, ça vous règle beaucoup de problèmes, c’est moi qui vous le dis. En plus d’être un excellent joueur sur le terrain, Mourad est le capitaine qui par son aura et son charisme sait faire canaliser toutes les énergies du groupe vers une seule force, celle de l’équipe. Il nous apportait de la sérénité dans le jeu. Mais bon, c’est un joueur et à ce titre il a droit de penser à lui et à sa carrière.

 

On parle de son éventuel retour au pays. Il y a des équipes comme l’USMA et la JSK qui affichent ostentatoirement leur intérêt pour lui et comptent l’enrôler lui qui ne retournera certainement pas en Arabie saoudite. Un commentaire…

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Un garçon comme Delhoum, tout entraîneur veut l’avoir dans son équipe, moi le premier.

 

Justement, vous comptez le faire revenir à l’Entente…

Oui, j’ai discuté avec le président Hamar à ce sujet. Bien évidemment qu’un retour au bercail n’est pas à écarter. Delhoum est actuellement en vacances, nous comptons le voir pour discuter de tout cela.

 

En évoquant le probable recrutement de Delhoum, dites-nous franchement qui est chargé du recrutement. Vous, le président, une tierce personne ? Qui recrute vraiment ?

Moi. Mais pas seulement. Il faut dire que ce n’est pas une affaire d’une seule personne. Il y a aussi le président qui propose des joueurs, comme il y a un manager qui lui aussi nous fait des propositions. C’est un travail collégial. Le recrutement est un dossier sensible, donc c’est le travail de toute une équipe dont moi. On recrute en fonction des besoins et aussi en fonction des moyens.

 

Vous avez tout récemment annoncé votre démission, mais vous êtes resté. Qu’est-ce qui s’était passé et pourquoi avoir annoncé cette démission ?

En fait, c’était juste pour mettre un peu la pression sur la direction du club, parce que la pression pesait lourdement sur moi. C’était après le match contre le CSC, oui j’avais dit que ce serait mon dernier match. Je sortais d’une très mauvaise passe, avec trois défaites et un seul point pris en quatre matches. Je ne vous cache pas, à cette période, je me suis tellement senti seul que j’avais eu vraiment besoin de partir, de souffler un peu. J’ai alors dit que je quitterais la barre. Juste une sensation comme ça, puis tout est rentré dans l’ordre.

 

Quels sont les objectifs de l’ESS aujourd’hui, maintenant que le championnat est, pratiquement, perdu ?

Il faut tout d’abord reconquérir la deuxième place, celle qui nous qualifiera d’office pour la prochaine Ligue des champions. Ensuite, il faudrait tenter de s’extraire des poules de la LDC afin de faire partie du dernier carré.

Vous êtes jeune, vous n’êtes qu’à l’aube de votre carrière, vous êtes bien de chez nous et vous enregistrez des résultats fort honorables. C’est une preuve que l’entraîneur algérien est compétent. Pourtant, d’aucuns ne veulent pas entendre parler des entraîneurs locaux. Un commentaire…

Il y a de la compétence chez nous, c’est sûr. Je pense qu’un entraîneur a besoin de temps et surtout de confiance pour réussir dans sa mission. Je suis à ma cinquième année à l’Entente, la première en qualité d’entraîneur en chef, j’ai beaucoup appris auprès des coaches qui se sont succédé à la barre technique du club. Là, maintenant, j’ai la confiance totale de mon président. Il est évident que je puisse mettre en œuvre ce que j’ai comme projet. Si on ne donne pas le temps à un entraîneur de mettre en place sa philosophie du jeu et sa façon de faire fonctionner son équipe, il ne pourra jamais réussir, qu’il soit local ou étranger.

 

Ancien international, quel regard portez-vous sur l’équipe nationale aujourd’hui et sa prochaine participation à la phase finale de la Coupe du monde au Brésil, l’été prochain ?

Je pense que nous sommes tombés sur un groupe assez costaud, avec la Belgique qui est une des meilleures équipes du moment et la Russie qui reste quand même assez redoutable. Je pense que pour notre équipe, tout se jouera dans le premier match. Si on s’en sort avec un excellent résultat, on peut espérer passer au second tour.

 Je crois que Halilhodzic a su redonner une âme à l’équipe, ce qui en fait une bonne équipe, stable, homogène, etc.

 

Vous avez des offres actuellement…

Oui, mais je suis encore sous contrat à l’ESS.

 

S’il faut remercier quelqu’un pour tout le bien qui vous arrive…

Les joueurs qui se sont comportés en vrais professionnels, puis le président Hamar pour la confiance placée en moi et bien sûr le public sétifien qui nous soutient toujours. Je n’oublie pas Compétition qui m’a permis de m’exprimer en m’ouvrant ses colonnes.

 

M. O.

Bio express

Kheireddine Madoui est né le 27 mars 1977 à Sétif. Il a fait toutes ses classes à l’ES Sétif. Jeune prodige, ce défenseur central a tout de suite tapé dans l’œil des sélectionneurs, c’est pourquoi il a fait aussi toutes les sélections. Totalisant vingt sélections, son premier match international il l’a joué à Mindélo au Cap Vert, sous la houlette de Nacer Sandjak. Après de bons et loyaux services à l’ESS, il signe en 2000 au Chabab de Belouizdad où il ne restera que deux saisons avant de revenir à l’Entente finir sa carrière. En tant qu’entraîneur, il a eu à diriger le WRB M’sila (Nle 2 amateur), le MCA aux côtés de Geiger et, bien entendu l’ES Sétif qu’il dirige seul depuis le début de la saison.

Un œil sur les jeunes

Formé au club, le coach sétifien sait mieux que quiconque que le club avait depuis toujours fait confiance à ses jeunes. C’est pourquoi aujourd’hui, lui aussi se tourne vers les catégories jeunes du club. Cette saison, Madoui a lancé dans le bain quatre jeunes U21 et il promet d’en faire autant dans les années à venir pour arriver à un taux de 80% dans moins de deux années.

 

Un homme sociable

Sous contrat à l’ESS, Kheireddine Madoui sait qu’il n’est pas éternel à l’Entente. «Pour l’instant, je suis à Sétif, mais demain je ne sais pas où je serai. Si j’ai choisi de faire ce métier, je savais déjà que je serai un jour amené à aller ailleurs.» Etant sociable et très adaptable à toutes les situations, Madoui, qui a déjà entraîné M’sila et le MC Alger et joué au CRB, sait qu’un jour il va falloir faire ses valises.

 

 

«Un garçon comme Delhoum, tout le monde veut l’avoir dans son équipe. Moi, le premier.

 

«Tout n’est pas noir. On a des satisfactions, comme ces jeunes que nous avons lancés

 

 

 

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