La Une de Compétition fait le buzz sur la planète foot

A situation exceptionnelle, une Une exceptionnelle. Notre journal, habituellement si pondéré et si mesuré dans ses analyses, ses critiques et ses Unes, a décidé, au vu de l’arbitrage scandaleux qui a eu lieu, lors de la deuxième mi-temps du match de barrage aller, Burkina Faso 3-2 Algérie, de déroger à cette règle de la retenue qui est généralement la nôtre depuis 20 ans que Compétition existe.

Nous avons décidé, au vu de la situation, d’appliquer la seconde mamelle du journalisme, celle de dénoncer un scandale et une injustice flagrante en décidant de frapper un grand coup en publiant une Une explicite au lendemain du match Burkina  Faso - Algérie, qui dénonce l’arbitrage curieux, voire partial, de monsieur Janny Sikazwe afin de rompre le silence sur certaines pratiques obscures de l’arbitrage en Afrique et responsabiliser ses arbitres qui sont souvent dédouanés de tout compte à rendre par rapport à leurs prestations, contrairement à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Journalistes sportifs, mais journalistes quand même

Car même s’il s’agit du domaine sportif, il s’agit tout de même de journalisme et notre obligation éthique, puisque certains aiment à nous critiquer en invoquant l’éthique, est de dénoncer des pratiques et un système douteux. Et nous nous inscrivons dans la même lignée qu’Emile Zola lorsqu’il a publié à la Une de l’Aurore le fameux «J’accuse» ou encore dans celle des deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, qui ont dénoncé le scandale du Watergate. Notre Une que certains qualifient de «choc» n’a en tous les cas pas laissé indifférents, puisqu’elle a été commentée dans pas mal de pays dans le monde. Si certains ont aimé, d’autres n’ont pas du tout aimé. Nous vous proposons une petite revue de presse de tout ce qui s’est dit sur cette fameuse machette : «Cet arbitre est un salaud».

La France entre hommage à Thierry Rolland et donneurs de leçon !

C’est dans l’Hexagone que notre Une a fait le plus de bruit. Le pays d’Albert Londres a énormément parlé de ce Burkina Faso-Algérie et de son arbitrage si particulier. Si certains, comme l’émission dominicale culte du sport, diffusée sur France 2, Stade 2, l’équipe nationale a été victime d’une grosse faute d’arbitrage qui a mis tout le pays en colère ; une colère illustrée par la Une du journal sportif Compétition qui en profite pour rendre hommage au regretté Thierry Roland, en reprenant la fameuse phrase qu’il avait prononcée en 1978 lors d’un certain France – Bulgarie : «Cet arbitre est un salaud !». L’émission a même montré la Une de notre journal en concluant par «le match retour risque d’être chaud, chaud, chaud à Blida.»

Du côté de la presse écrite quotidienne française, on s’est contenté de relater les faits en toute objectivité. Du côté de L’Equipe, du Figaro et du journal Le Monde, si l’on a certes illustré les articles avec notre Une, car elle symbolisait le mieux la situation et l’état d’esprit qui prévalait en Algérie au lendemain de ce match, on s’est attardé sur la qualité de l’arbitrage du referee zambien de cette rencontre. Le Monde qui cite encore Thierry Roland parle d’un penalty imaginaire et d’Algériens qui ont du mal à digérer ce fait de jeu en attendant le match retour, du côté du Figaro, on parle d’un tollé de la presse algérienne consécutif à ce penalty contesté, mais aussi concernant le penalty non sifflé sur Feghouli, le carton jaune sévère à Guedioura et surtout les 7 minutes d’arrêts de jeu. Le journal L’Equipe, enfin, s’est contenté d’un papier d’ambiance d’après match en faisant un tour d’horizon des différents gros titres de la presse nationale au lendemain de la rencontre. Concernant la presse écrite française, seul l’hebdomadaire satirique So Foot, qui en profite encore une fois pour taper sur tout ce qui bouge, ne s’attardant pas sur le penalty en faisant mine qu’il n’était contesté que par les Fennecs et en soulignant et en se moquant du  chauvinisme de la presse nationale et en écrivant que si monsieur Janny Sikazwe comptait passer ses vacances à Oran, c’était fichu.

C’est du côté des radios françaises, que notre Une a été le plus critiquée. D’un ton condescendant, la page web de RMC écrit : «85e minute, Janny Sikazwe siffle un penalty pour le Burkina Faso, à la demande de son assistant, pour une main prétendue de Belkalem. Bancé inscrit le penalty qui précipite la défaite des Fennecs. Compétition, quotidien algérien, a commenté ce fait de match avec le titre équivoque ci-dessus. Recul, analyse, éthique, du grand journalisme.» Du côté de sa concurrente RTL, ce n’est pas mieux, car sous le titre la presse algérienne se lâche est écrit : «Contente d'un bon résultat nul acquis à l'extérieur, l'Algérie a vu l'arbitre de la rencontre siffler un penalty pour une main dans la surface (86e). Ce qui a provoqué la colère des joueurs de Vahid Halilhodzic. Et que dire de la réaction de la presse nationale algérienne dimanche ? «Cet arbitre est un salaud !», ose le quotidien national Compétition«Fallait-il donc que Belkalem se coupe les bras ?», s'interroge le journal à propos du penalty sifflé par l'arbitre zambien Janny Sikazwe. «Par contre, RTL ne précise pas le caractère litigieux du penalty. Concernant l’éthique, le recul, l’analyse et l’éthique, la presse sportive algérienne n’a aucune leçon à recevoir d’une certaine presse française qui s’est rendue célèbre par le passé de Une du type : «Anelka à Domenech : Va te faire e… fils de p… » ou encore cette même radio qui publiait en 2012 un article à charge contre l’international français Samir Nasri en reprenant l’insulte de fils de p… qu’il avait dit à un confrère de l’AFP en faisant exprès d’omettre que cette insulte de Nasri était en réaction à un «Ben, vas-y, casse-toi !» de ce même journaliste en zone mixte lors de l’Euro 2012. La presse algérienne sportive ou non a payé de sa vie sa liberté de ton lors de la décennie noire.

La Belgique partagée

Du côté du plat pays de Paul Put, le sélectionneur des Etalons du Burkina Faso, la Belgique, on est plutôt partagés. Si du côté de 7sur7.be, on souligne le fait que notre journal a dérapé et n’y est pas allé de main morte, en affirmant qu’aucune situation ne justifie que l’on s’en prenne à un arbitre de la sorte, du côté de DH.be, c’est un tout autre son de cloche. Nos confrères vont dans le sens de Compétition en soulignant que l’Algérie a été volée dans le pays des Hommes intègres (Burkina Faso). Publiant un article qui a pour titre Le Burkina Faso a remporté le match aller des barrages 3-2 grâce à un penalty imaginaire, notre confrère insiste sur le penalty : «Littéralement, Burkina Faso signifie "pays des Hommes intègres". Ce n'est certainement pas ce qu'ont pensé les joueurs algériens après leur défaite ce samedi. Les hommes de l’entraîneur belge Paul Put, qui avaient séduits l'Afrique en janvier dernier en atteignant la finale de la CAN, ont arraché une victoire in extremis sur fond de polémique.»

L’Europe du Sud traduit le mot «salaud»

Enfin, l’évènement est totalement passé inaperçu en Europe du Sud, où la presse sportive, très chaude, ne considère pas notre Une comme un évènement en soi. En Espagne, seuls nos confrères d’IDEAL.es, un média de la région de Grenade qui a parlé de la rencontre, en arguant que trois joueurs appartenant au Granada CF s’y trouvaient, Yebda, Brahimi et Belkalem, nos confrères ibériques, tout comme nos confrères italiens de Chepalle. Gazetta.it se sont contentés d’expliquer la polémique en même temps qu’ils ont parlé du match, en produisant sur leur site la vidéo du penalty litigieux, et ont traduit le mot «salaud» qui n’existe pas dans la langue espagnole et italienne par celui de «bastardo».

Mohamed Bouguerra

 

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