«La qualif’ au Mondial a effacé 30 mois de souffrance»
Aussi ému que lors de cette soirée du 19 novembre 2011, Halilhodzic se souvient : «Ce fut un mélange de soulagement et de fierté ! Pour un entraîneur, le plaisir ne réside que dans la victoire. Et la victoire, elle, passe par de la souffrance… C’est un immense cadeau de voir la joie qu’un tel succès peut procurer aux supporters ou aux gens avec lesquels on travaille… Rien ne peut acheter cela. Quand on voit les gens autour de soi sauter de joie, deux ans et demi de souffrance s’envolent d’un coup… J’ai eu un drame personnel il y a un an : mon frère est décédé. C’est quelqu’un qui a beaucoup compté dans ma vie, qui a tracé ma carrière, qui m’a poussé à jouer au football. Un an jour pour jour avant ce match face au Burkina Faso, il m’avait rendu visite en Algérie... Personne ne savait que j’avais vécu ce drame intérieur. Après le match, j’ai explosé.»
«En Algérie, je suis un étranger»
«Ce n’est pas la première fois que je qualifie une équipe pour un Mondial. En tant qu’entraîneur, j’ai participé à deux Ligues des champions et j’ai remporté la Ligue des champions de la CAF. En tant que joueur, j’ai gagné l’Euro espoir. J’ai été meilleur joueur et meilleur buteur de la compétition. J’ai gagné beaucoup de titres... Mais l'expérience que je vis avec l’Algérie est peut-être plus intense. Etre entraîneur de l’Algérie, ce n’est pas toujours un cadeau. Il faut avoir un sacré caractère et une certaine conviction dans ce que l’on fait. La pression est énorme et je suis un étranger à la tête de leur équipe nationale. Ce n’est pas toujours facile.»
«La sincérité de mes joueurs m’a convaincu de rester»
«Après avoir été remercié de mon poste de sélectionneur de la Côte d’Ivoire, je ne pensais plus diriger une équipe africaine. J’ai même envisagé arrêter le football. Ce licenciement montre comment l’Afrique peut-être cruelle. Mais il ne faut jamais dire jamais… Lors de mon premier rendez-vous avec l’équipe algérienne, un joueur m’a interpellé et m’a dit : «Coach, est-ce qu’on peut parler ?» Une discussion a alors débuté avec toute l’équipe. Elle a duré deux heures, durant lesquelles tous les problèmes sont remontés à la surface. Et ils étaient nombreux. Je me suis dit : «Ce n’est pas pour moi, je pars.» Mais finalement, face à autant de franchise, j’ai choisi de continuer l’aventure. C’est cette sincérité, dès le premier contact, qui m’a convaincu de poursuivre. Avec les gens sincères, on peut toujours faire quelque chose… Entre notre premier stage à Marcoussis en juillet 2011 et décembre 2013, il s’est passé beaucoup de choses, nous avons beaucoup travaillé et nous en avons été récompensés à l’arrivée», raconte Vahid.
«L’Afrique est cruelle»
«… Dans mon pays, la Yougoslavie, j’étais considéré comme l’un des meilleurs joueurs du pays. J’ai participé à chaque match de qualification, et nous avions obtenu notre billet pour Espagne 1982. Arrivé là-bas, l’entraîneur a décidé de changer de tactique et m’a mis remplaçant. J’ai mal vécu cela, sachant que j’ambitionnais de devenir meilleur buteur de la compétition… De la même façon, c’est terrible pour un entraîneur qui qualifie un pays (la Côte d’Ivoire) pour la Coupe du monde, en remportant tous les matches, d’être finalement privé de ce grand rendez-vous… Se qualifier avec l’Algérie n’est pas une revanche, mais cela console un peu. L’Afrique peut être cruelle», raconte le coach national.
«Celui qui ne respecte pas le drapeau n’a pas de place avec nous»
Sur une question relative aux talents que possède l’Algérie, Vahid Halilhodzic répondra : «Quand j’ai pris les commandes de l’Algérie, l’équipe était composée de mondialistes de 2010. Elle était démoralisée. J’ai tout de suite compris qu’il fallait la renouveler. L’évolution a été faite étape par étape. J’ai commencé peu à peu à convoquer des joueurs franco-algériens qui évoluaient en France ou en Italie. C’est un processus plus compliqué qu’il n’y paraît dans la mesure où les Algériens sont très attachés à leur nation. Quelqu’un qui n’a pas le respect du drapeau n’est pas le bienvenu. Il faut donc faire preuve de diplomatie pour réussir l’intégration de joueurs binationaux dans un groupe déjà construit. On a
énormément travaillé sur le plan social, sur l’adaptation et sur la discussion. On a veillé à retrouver un esprit collectif, combatif, généreux et solidaire. Aujourd’hui, c’est le point fort de mon groupe et c’est ce qui a été déterminant dans notre parcours.»
«Le public algérien est mon inspiration, je suis honoré d’être leur sélectionneur»
A propos du public algérien, il dira : «Il faut vivre en Algérie pour voir à quel point ce pays est passionné par le football. Je lui ai d’ailleurs dédié la qualification. Mon discours n’avait rien de populiste. J’ai vraiment ressenti une fierté de pouvoir offrir à ce peuple ce sésame pour la Coupe du monde. Ils sont mon inspiration.» Sur les rumeurs qui ont circulé concernant sa demande de devenir algérien, sa danse au rythme raï et son amour pour l’Algérie, il dira : «Je ne suis amoureux que de mon métier et du football. Mais j’ai beaucoup de respect pour l’Algérie, parce qu’être sélectionneur d’un pays comme ça, c’est un honneur. Mais aussi une grosse responsabilité. Là-bas, je suis critiqué. Même si je devenais champion du monde, je serai critiqué. J’ai du mal à comprendre cela, mais c’est comme ça…», regrette l’ex-coach du PSG.
«Je suis à l’écoute de tous, mais c’est moi qui décide»
«Quand vous faites ce métier, il faut avoir des convictions. Il faut savoir être à l’écoute des autres, mais c’est toi qui décide sur le plan sportif. Et là-dessus, je suis assez déterminé. Je n’ai peur de rien. J’aime la pression, cela veut dire qu’il y a un bon match à jouer et non une rencontre pour la 15e place de tel ou tel championnat. La tension n’existe que dans des matches de Ligue des champions ou de Coupe du monde, et c’est pour celle-là que je vis et que je travaille. Je suis très respectueux du football. C’est ma foi. Il m’a de temps en temps fait souffrir, mais il m’a aussi beaucoup donné. Je lui suis redevable», rappelle, pour qui veut l’entendre, le coach national. Synthèse Amirouche Boudjedou