Une liste qui s’avère plus compliquée que prévu en raison des problèmes de blessures et du temps de jeu, et dans laquelle certains postes comme celui d’arrière droit ou celui de défenseur central font défaut, compte tenu des critères de sélection de Vahid Halilhodzic. Ce qui explique cet emballement ces derniers jours autour du jeune Bentaleb, de Stambouli ou de tout joueur pouvant renforcer l’équipe nationale. Parmi cette longue liste de noms qui circulent à longueur d’année, un joueur semble avoir été oublié. Il s’agit du défenseur central de l’Uniao Madeira, Kheireddine Zarabi. C’est donc au lendemain de son 4e but marqué face au rival Maritimo Funchal, que nous avons contacté le défenseur algérien qui a accepté d’ouvrir son cœur aux lecteurs de Compétition, sans langue de bois aucune.
Entretien réalisé par Mohamed Bouguerra
- Kheireddine, vous venez d’inscrire votre 4e but cette saison. Etes-vous sûr d’être défenseur central et pas avant-centre ?
- (Rire) Non, non, je suis bien défenseur central. Ma priorité, c’est de défendre ma zone de vérité mais j’ai toujours été un opportuniste qui monte systématiquement sur les balles arrêtées et qui joue à fond le peu d’occasions qui s’offrent à lui. Cette saison, j’ai inscrit déjà 3 buts en championnat et un autre en coupe.
- Marquer pour un défenseur, sans encaisser comme hier, lors de la 27e journée de Liga de Honra, la deuxième division portugaise, ça doit vous faire plaisir sur le plan personnel, on imagine…
- Je ne vous cache pas que je suis très content de ma prestation de la veille, mais comme tout footballeur ou joueur de sport collectif, la joie collective est plus forte car ce match face à Maritimo B était le match derby de Madère face à un adversaire direct au classement et nous avons gagné 2 à 0 tout en gagnant une place au classement, puisque nous sommes désormais 13es sur 22. Les supporters étaient aux anges hier et ça fait vraiment plaisir.
- Votre départ d’Algérie vers la Finlande a été un véritable pari et finalement vous faites une belle carrière au Portugal. Peut-on dire «pari gagnant» ?
- Oh que oui pari gagnant. J’étais bien dans mon pays en Algérie, mais à l’époque, il était impossible pour un footballeur de faire une carrière «normale». Il y avait toujours des problèmes, des salaires impayés et autres soucis. C’est pour ça que lorsque j’ai eu l’opportunité de partir pour la Finlande, je l’ai fait. El-hamdoullah, je ne suis pas resté longtemps en Finlande puisque j’ai eu une ouverture au Portugal et je crois que je me débrouille bien d’autant qu’à Setubal, mais surtout à Leixoes, Arouca et surtout l’Uniao Madeira où j’évolue actuellement, tous les compteurs sont au vert pour moi.
- L’année dernière, tous les observateurs du football portugais ont été unanimes pour dire que vous avez été l’un des artisans de la montée du FC Arouca en première division. Pourquoi ne vous ont-ils pas gardé pour évoluer à l’échelon supérieur cette saison ?
- Que voulez-vous que je vous dise. Le football est un sport d’étiquettes. Et sur la mienne, il est écrit : «joueur spécialiste pour faire monter les clubs en Ligue 1». Je fais parti de ces joueurs «hybrides» qui se situent entre la Ligue 1 et la Ligue 2 et qui ont la force de caractère pour contribuer à faire monter une équipe à l’échelon supérieur. Je pense avoir le niveau de la Ligue 1 et mon travail finira bien par payer incha Allah.
- Et l’équipe nationale, vous y pensez…
- J’y pense tous les jours mais c’est l’équipe nationale qui ne semble pas s’intéresser à moi.
- Que voulez-vous dire par-là ?
- Je veux dire que depuis mon passage en équipe nationale espoir, j’ai l’impression que du côté de la fédération et du staff de l’EN, on a oublié que je suis Algérien. Mon père est de Mekhadma wilaya d’Ouargla, ma mère est d’Alger. Je suis né, j’ai grandi et j’ai appris mon métier de footballeur au NAHD comme Madjer, Merzekane, Bilel Dziri et Rafik Halliche, mais la FAF croit peut-être que je suis du Cap Vert, de l’Angola ou du Brésil, comme je suis black et qu’en Europe on m’a rebaptisé «Kiko» car Kheireddine était trop dur à prononcer pour eux. J’ai ma carte nationale verte, je n’ai que la nationalité algérienne, mon passeport est vert et j’ai même ma carte consulaire (rire).
- Vous semblez remonté…
- Non, je ne suis pas remonté, je suis surtout triste. J’adore mon pays et comme tout Algérien, j’aime l’équipe nationale. J’ai fait une très bonne saison l’année dernière et cette année j’ai déjà 20 titularisations et 4 buts, mais je n’ai pas reçu d’appel et aucune personne du staff n’est venue me superviser. C’est vrai je suis perdu sur mon île, mais mon frère Rafik Halliche, Nahdiste comme moi, lorsqu’il était ici à Madère, il avait de la visite lui. Moi, non. Je ne dis pas que je suis le numéro un mais même quand il y a eu une hécatombe de blessures dans le poste où j’évolue, personne n’a prononcé mon nom, ne serait-ce que pour un remplacement. Par ailleurs, je lis tous les jours dans la presse qu’on supplie des joueurs qui se font prier pour répondre favorablement à l’appel du drapeau. Par contre, si on avait fait appel à moi, je serais venu gratuitement pour mon pays. J’aurais donné mes primes de matches aux orphelins car le drapeau national ne se monnaye pas, el-hamdoullah, mon club me paye suffisamment.
- Ne pensez-vous pas que le fait de jouer en division 2 vous pénalise ?
- Non, je ne crois pas d’autant que Mehdi Mostefa jouait en Division 2 lorsqu’il est devenu international. Pareil pour Walid Mesloub. Aujourd’hui, deux des cadres absolus des Verts, Essaïd Belkalem et Adlène Guedioura, jouent ou jouaient en Division 2. Donc, je ne pense pas que ce soit ça le problème. Peut-être que je passe inaperçu vu que je suis un joueur discret. D’autant que chez nous, tout fonctionne avec les médias.
- Quel est votre message aux dirigeants du football national ?
- Le seul message, c’est que j’ai 29 ans et si l’entraîneur Vahid Halilhodzic cherche un défenseur central ou veut en tester un, je pense mériter ma chance. Je n’ai pas pris ma retraite internationale et physiquement, je suis en pleine forme. Si l’on me fait appel, je répondrai présent.
- Votre père Abdelaziz et votre frère Abdelraouf ont porté le maillot national. Il ne manque plus que vous…
- Ils l’ont porté parce qu’ils l’ont mérité. Moi aussi je veux le porter si je le mérite. Mais je veux au moins concourir car là, je me sens abandonné par mon pays. Tous les jours je lis les journaux et les médias retrouvent même des Algériens qui évoluent aux fins fonds de la planète. Quant à moi, fils de l’Algérie, on ne cite jamais mon nom. Certains réussissent un crochet et sont supervisés ou approchés par la FAF la semaine suivante. Je veux juste qu’on me juge ou qu’on me teste, ensuite que le meilleur l’emporte. Moi, avant d’être joueur, je suis supporter de l’équipe nationale et j’adore mon pays.
- Avez-vous un message pour Vahid Halilhodzic ou Mohamed Raouraoua ?
- Franchement, ces deux hommes font un super travail. Celui qui dira le contraire est un menteur. J’ai vu l’équipe nationale à l’époque de mon frère et même les espoirs à mon époque et ce qu’elle est devenue aujourd’hui, et en termes d’organisation il n’y a pas photo. Vahid Halilhodzic a réussi ses deux objectifs, à savoir nous qualifier pour la CAN et le Mondial, donc on ne peut que le féliciter. Le seul message que je peux leur envoyer, c’est que plutôt que de perdre de l’énergie avec des gens qui traînent les pieds pour rejoindre l’équipe nationale, intéressez-vous plutôt à ceux qui sont Algériens, fiers de l’être et qui sont prêts à venir à pied en équipe nationale si leur on fait appel. Quant à moi, je vais continuer à tout donner à l’entraînement et en match pour espérer avoir ma chance incha Allah.
- Un dernier mot…
- Si j’ai semblé être quelque peu virulent lors de cet entretien, ce n’était pas par méchanceté mais par désespoir. Je suis quelqu’un d’affectif, j’aime mon pays et j’ai besoin que mon pays m’aime en retour. Je voudrais remercier tous les Algériens et tous mes fans en général qui m’encouragent chaque jour sur les réseaux sociaux. C’est aussi pour eux que je me bats.
M. B.