- Salah Larbès, après demain, il y aura un certain JSK-MCA. Que vous inspire une rencontre entre ces deux équipes ?
- C’est un match pas comme les autres pour le football algérien puisqu’il s’agit d’un match opposant les deux plus grandes équipes du pays. Comme l’appelle la presse, c’est le Clasico. Une rencontre entre deux formations qui se connaissent et qui se respectent beaucoup. C’est des matches trop souvent serrés, mais qui sont disputés de bout en bout. Les deux équipes jouent à fond sans calcul aucun, même si parfois le match se termine par des scores vierges.
- Est-ce que vous aviez, à votre époque, une préparation spécifique avant d’affronter le Mouloudia ?
- Non, jamais, il n’y a jamais eu de préparation spécifique à proprement dire. Pour nous, c’est un match, certes, spécifique, du fait qu’il s’agit du Mouloudia, mais, pour autant, nous n’avons jamais eu à effectuer une quelconque préparation spécifique pour ce match. Il arrive des fois que nous jouons le Mouloudia dans des matches déterminants ou d’une grande importance. Dans ce cas-là, il est vrai qu’on se met au vert, la veille du match, dans un endroit tranquille afin de ne pas être perturbés, mais une préparation, non jamais.
- Comment abordiez-vous les matches contre le Mouloudia et qu’est-ce qui vous motivait le plus ?
- Je vous le dis sans ambages. Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours abordé le Mouloudia en privilégiant le volet spectacle. Pour nous, l’important, c’est que les gens qui viennent voir jouer les deux clubs les plus populaires du pays rentrent chez eux tout heureux d’avoir été là. Je pense que cela est aussi valable pour nos amis du MCA. Pour nous, le point fondamental dans un match entre la JSK et le MCA est de se donner à fond afin de permettre aux spectateurs de vivre des moments de bonheur. Certes, il faut gérer son match, c’est évident, mais gérer ne veut pas nécessairement dire faire des calculs. Nous, on nous demandait de mouiller le maillot, de faire honneur aux couleurs et au club, il nous fallait faire honneur aux dizaines de nos supporters qui venaient nous voir. Après, qu’on perde ou qu’on gagne l’essentiel est que nous avons tout donné dans ce match et nos supporters sont fiers de nous au sortir du stade. Ils sont fiers de nous parce que nous avons été glorieux. Souvent, ils sont 80.000 spectateurs, il ne faut surtout pas les décevoir. Voilà ce qui nous motivait le plus en affrontant le Mouloudia. Il fallait à chaque fois assurer le spectacle.
- Y avait-il des relations entre vous et les joueurs du Mouloudia ?
- Et comment ?! C’étaient des amis. Nous étions des amis en dehors du terrain. Souvent, après les matches, on se donnait rendez-vous à Matares ou à Sidi Fredj, on passait des moments formidables, on discutait, on refaisait le match, on rigolait beaucoup. Oui, nous étions des amis en dehors du terrain, mais, dans le match, chacun se défonçait pour les couleurs de son équipe.
- Ce que vous dites est d’autant plus vrai qu’il n’y jamais eu de problèmes dans les matches opposant la JSK au MCA…
- Ah ça oui ! Jamais au grand jamais il y a eu un quelconque problème, c’est vrai.
- C’est l’amitié qui liait les joueurs de la JSK à ceux du MCA qui faisait qu’il n’y avait pas de problèmes dans vos matches ?
- Oui, il y a un peu ça, mais pas seulement. Je crois que nous étions, à mon époque, beaucoup plus respectueux du maillot, des couleurs, des supporters, de nos clubs respectifs. On se donnait en spectacle sur le terrain en jouant au foot et en respectant l’adversaire. C’était un respect mutuel. Les gars du Mouloudia savaient qu’ils affrontaient un club nommé JSK, on ne se permettait aucun écart dans nos matches. Ce respect se traduisait aussi par notre comportement envers l’arbitre. On lui faisait tellement confiance, on le respectait lui aussi. D’ailleurs, il y a eu des arbitres qui nous disaient franchement qu’ils sont honorés d’avoir été choisis pour diriger nos matches. Ceci vous dire l’aura qu’avait un match entre la SK et le Mouloudia. Et ce grand respect pour les uns et les autres ne veut aucunement dire qu’il ne faut pas se donner à fond sur le terrain. Je vous prie de me croire que sur le terrain personne ne faisait de cadeau à personne. Croyez-moi, ça allait très vite et très fort.
- Parmi tous les Clasico que vous avez disputés, quel est celui qui vous a marqué le plus ?
- Je pense qu’il y en a deux. Il y a eu celui de la coupe que nous avons perdu au 5-Juillet trois buts à deux. Un match intense, plein de rebondissements, un niveau très élevé, du beau spectacle en somme, un match que, je pense, beaucoup n’ont pas encore oublié. Et puis, il y a ce match où nous avions terrassé le Mouloudia par quatre buts à un à Tizi Ouzou. Dans ce match, nous avons été tellement supérieurs que le MCA était débordé de toutes parts. On a fait le match parfait ce jour-là, je ne peux pas l’oublier. Mais, paradoxalement, beaucoup de gens retiennent celui de la coupe perdu, comme je viens de vous le dire, trois buts à deux. Alors que celui de quatre à un en notre faveur, une prestation de très haute facture, les gens ont tendance à l’oublier.
- Selon-vous, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
- Tout. Tout a changé aujourd’hui et c’est bien dommage. La mentalité n’est plus la même. Nous avons perdu nos vertus. L’essence même de ce match entre deux grandes équipes, qui est le respect, à tendance à disparaître, c’est malheureux. Les joueurs doivent, sur le terrain, donner l’exemple, ils ne doivent pas exciter les supporters, les chauffer… Ils sont tenus de respecter les couleurs de ces deux grandes équipes.
- Avez-vous encore des contacts avec certains anciens du Mouloudia ?
- Oui, autant que faire se peut. La dernière fois, j’ai été honoré par la commune de Tixeraïne, là où j’habite.
J’ai eu le plaisir ce jour-là de rencontrer Ali Bencheikh, Nacer Bouiche, Wahab Zenir, etc. Pour vous dire que c’est toujours un plaisir de se rencontrer entre anciens.
- Justement, en parlant de Bencheikh, d’aucuns évoquent un petit pont qu’il vous a…
- (Il coupe sec et d’un ton ferme) Jamais, il n’y a jamais eu ce petit pont dont certains parlent. D’ailleurs, je vous invite à revoir tous les matches et jamais vous trouverez ce petit pont que certains évoquent. De toutes les façons, je suis très sûr de ce que je dis, ce petit pont n’a jamais existé, c’est de la pure fabulation. Ali n’a jamais été mon concurrent direct, il était milieu de terrain et moi arrière latéral, il était très rare de le voir déborder à gauche, lui allait plutôt côté droit. Moi, c’était Omar (Betrouni, ndlr) qui était toujours face à moi. Les gens parlent de cela, mais ne disent jamais qu’avec moi, jamais Betrouni n’a réussi à inscrire le moindre but. Ça, on ne le dit jamais, pourtant, Omar, c’était un grand buteur à l’époque.
M. O.
«C’était un respect mutuel. Les gars du Mouloudia savaient qu’ils affrontaient un club nommé JSK, on ne se permettait aucun écart dans nos matches»
«Nous étions des amis en dehors du terrain, mais, dans le match, chacun se défonçait pour les couleurs de son équipe»
«Ali n’a jamais été mon concurrent direct, il était milieu de terrain et moi arrière latéral, il était très rare de le voir déborder à gauche, lui allait plutôt côté droit.»
«On nous demandait de mouiller le maillot de faire honneur aux couleurs et au club, il nous fallait faire honneur aux dizaines de nos supporters qui venaient nous voir.»