«La Kabylie telle que je l’ai connue est un vrai havre de paix»
«Lorsque j’ai su pour Ebossé, je n’ai même pas pu sortir de chez moi.»
«J’ai de ma peine pour sa maman.»
«La violence dans les stades algériens, ce n’est pas nouveau, l’Etat doit s’y pencher.»
Vous avez été choqué d’apprendre la nouvelle de la disparition de l’attaquant de la JSK, Albert Ebossé, racontez-nous un peu comment avez-vous accueilli la triste nouvelle ?
Je savais que le match entre la JSK et l’USMA allait être télévisé alors j’étais devant le petit écran au bon moment pour le suivre. J’ai donc assisté directement à l’égalisation d’Albert avant que la JSK n’encaisse un second but. Après le coup de sifflet final et au moment où je surfais sur le Net, je suis tombé sur la triste nouvelle sur le mur de l’un des supporters de la JSK. Au début je ne voulais pas croire, alors j’ai cherché une confirmation et je me suis retrouvé face à face avec la réalité.
Et là c’était la stupéfaction…
Oui, carrément, j’étais choqué. D’ailleurs je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, je n’ai même pas pu sortir de la maison.
On dirait qu’une grande amitié vous liait avec Albert…
Non, absolument pas, je ne connaissais qu’à travers les journaux et les matches de la JSK que je regarde de temps à autre, mais je me suis senti contrarié.
Il y a eu sûrement un sentiment d’incompréhension, à quoi est-il dû ?
Peut-être parce que je connais parfaitement la région, et le club… Pour moi ce genre de choses n’arrive que rarement en Kabylie. J’ai passé presque 2 ans et je n’ai jamais connu cela à Tizi Ouzou ou en Kabylie en général. C’était un vrai havre de paix.
Parce qu’ailleurs vous avez vu autre chose ?
Oui, après un passage au Soudan j’ai joué à l’ES Sétif, et avec ce club, j’ai vécu un moment très difficile, c’était à Sidi Bel-Abbès. Je me souviens qu’on s’était imposés 2-0 et le public local qui n’a pas accepté la défaite, nous a lancé toutes sortes de projectiles. J’ai contracté ce jour-là une blessure sur le terrain et je prie toujours Dieu d’avoir réussi avec mon équipe à quitter cette enceinte sain et sauf, ma mémoire retient aussi d’autres incidents.
Par exemple ?
Les images de Laïfaoui, le défenseur de l’USMA, qui a failli perdre la vie à Saïda, défilent toujours dans ma tête. Je jouais au Soudan et c’est de là-bas que j’ai suivi ça. Bagayoko, le défenseur malien de Saïda, m’en a parlé aussi. C’est fou ce que le public algérien puisse faire à cause d’une simple rencontre de foot perdue.
Certains veulent faire croire aux gens que les habitants de Tizi-Ouzou sont connus pour leur agressivité, qu’avez-vous à dire la dessus ?
Les Kabyles agressifs, jamais de la vie, ils peuvent l’être peut-être pour défendre un droit, mais en général, je suis bien placé pour les juger, j’ai passé deux ans à Tizi-Ouzou parmi eux, où j’ai toujours été bien respecté, on n’a manqué de rien, Coulibaly mon coéquipier peut en témoigner, je dirai même que les Kabyles aiment les Noirs et on le sentait vraiment.
Vous êtes aussi passé par Sétif…
J’y suis passé, mais croyez-moi en Kabylie c’est différent, les gens sont proches de nous, et nous proposent souvent leur aide, c’est pour ça que j’étais choqué lorsque j’ai su qu’Ebossé a été tué de la façon que tout le monde connaît.
Pourquoi ce supporter a-t-il donc agi de la sorte ?
Il faut d’abord savoir qui est ce supporter, car les vrais supporters de la JSK sont calmes, je me pose beaucoup de questions dans ce sens, je me souviens d’un match à Tizi contre l’ES Sahel (NDLR : défaite 1-0 des Kabyles) qui a tourné au vinaigre, mais il n y avait pas autant de gravité, je crois que ce problème concerne toute l’Algérie, ce n’est pas nouveau dans votre pays, l’Etat doit s’y pencher sérieusement, la FAF aussi.
Vous avez connu les championnats malien, soudanais et libyen, y a-t-il là-bas autant de violence ?
Jamais, au Soudan les bus sont parfois caillassés à la sortie du stade, mais jamais à l’intérieur d’un stade un joueur peut se sentir menacé. En Libye on jouait à huis-clos, je crois que ces violences n’existent qu’en Algérie.
Même pas au Mali ?
Non, absolument pas, chez nous c’est calme.
Selon vous, pourquoi ces pratiques sont propres à notre pays ?
Ce sont les mentalités, les Algériens sont fous du foot aussi et c’est comme ça qu’ils l’expriment.
Le fait que la victime soit étrangère est sans doute la cause de ce bruit, puisque tout le monde accable à présent notre pays…
Moi je vais dire plus, c’est parce qu’il est en plus noir, je sais ce que c’est.
C’est peut-être pour ça que vous avez eu autant de solidarité avec ce cas, et avec la famille du défunt…
J’ai beaucoup pensé à sa famille, du jour au lendemain celui qui travaillait pour les aider a disparu de cette vie. j’ai eu une pensée pour sa maman, j’ai vu la vidéo de sa famille, quand elle disait qu’elle l’a eu au téléphone avant le match quand il lui a fait savoir que le match allait être retransmis en direct à la télé, ça fait mal.
Vous êtes visiblement resté en contact avec tout ce qui se passe à la JSK et en Algérie, que devenez-vous ?
Comme vous le savez après la JSK, le Hilal du Soudan, je suis passé à l’ESS avant d’aller l’année passée tenter une expérience en Libye, ou je me suis blessé. D’ailleurs je m’apprêtais à contacter le professeur algérien qui m’a opéré lorsque je jouais chez vous pour prendre rendez-vous, le jour de la mort d’Ebossé, j’ai récupéré ses coordonnées, actuellement je me concentre sur ma guérison avant de voir plus clair plus tard.
On vous laisse conclure en vous adressant aux supporters de la JSK et à ceux qui veulent la détruire en voulant la responsabiliser à la suite de ce drame ?
La JSK ne peut en aucun cas être responsable d’un crime qu’elle n’a pas commis, je suis là témoin de la façon avec laquelle les étrangers sont traités à Tizi-Ouzou et dans ce club, c’est ingrat de toucher à un si grand club, c’est le porte-drapeau de l’Algérie, et je profite de l’occasion pour dire aux supporters de faire preuve de civisme et de retenue, les fans de la JSK sont fair-play et intelligents, qu’ils restent derrière leur équipe dans ces moments de doute ; elle a besoin d’eux.
S. M. A.