Il se devait de faire un grand match face à Columbus Crew pour enfin être accepté à 100% en tant que gardien numéro 1 par son coach, ses dirigeants et la partie des supporters qui regrettait encore son prédécesseur Mac Math, parti sous d’autres cieux. On peut dire mission accomplie pour Raïs, puisque c’est lui qui stoppe le penalty permettant à son équipe de finir premier de la poule synonyme de finaliste de cette IMG Suncoast pro-Classic 2015 samedi prochain.
Il devait convaincre ou mourir
La nouvelle était tombée dans les médias internet spécialisés sur le «Soccer», Raïs Mbolhi était dans le onze de départ des Philadelphia Union pour ce troisième match. Une titularisation sous forme de «test» pour l’Algérien après sa non-titularisation lors du second match face aux Canadiens de London United de l’Ontario, au profit de son remplaçant fraîchement arrivé au club, Mc Carthy, qui avait fait mieux qu’assurer l’intérim de Raïs en gardant sa cage inviolée, face aux Canadiens. Le goal keeper des Fennecs n’avait plus le choix. Dans un pays centré sur lui-même footballistiquement parlant, avec des supporters qui ont de l’affection pour les joueurs locaux et qui n’avaient pas suivi ses performances lors de la dernière CAN 2015, et encore moins lors des éliminatoires de la Coupe du monde, Mbolhi devait «vaincre ou mourir». C'est-à-dire convaincre en sortant un gros match pour marquer les esprits et son territoire dans le onze de départ de l’Union, lors du troisième et dernier match de la phase de poules face à une autre équipe de Major League Soccer, Columbus Crew SC. En cas de mauvais match ou de « bourde », la place de numéro 1 aurait été remise à zéro et les deux gardiens, Mbolhi et Mc Carthy, auraient débuté la saison régulière sur un pied d’égalité.
Titulaire sous la tempête
En plus de toute cette pression due à l’enjeu, et pour que la «tragédie grecque» soit totale, la météo s’est invitée au bal. Au moment de pénétrer sur le terrain, les 22 acteurs ont découvert un autre visage de la Floride. Après le soleil et la brise légère, place à la tempête tropicale caribéenne avec pluie diluvienne, nuages gris foncé bas et surtout des rafales de vent à 50 kilomètres par heure qui rendait quasiment impossible la pratique du football de haut niveau, puisque le ballon n’obéissait plus qu’au vent. L’IMG Academy Stadium de Bradenton ressemblait davantage au pont d’un cargo qui traverse le cap Horn qu’à un stade de football. Mais il en faut plus pour impressionner notre Raïs Mbolhi national, vêtu d’une tenue orange, une couleur devenue fétiche depuis Algérie-Allemagne, lui qui a connu les stades des banlieues françaises et les «clubs pourris», comme il l’a dit lui-même. Lui qui a disputé des matchs sur le «gazon tuf» de Bangui, le marécage d’Addis-Abeba et le champ de patates de Mongomo. Sa force, c’est le mental, et son regard à l’entrée des deux équipes nous renseigne qu’il est prêt à défier non seulement Columbus Crew, les sceptiques de son camp, mais aussi l’ouragan tropical et les ballons flottants façon volley-ball que la FIFA impose depuis une dizaine d’années pour promouvoir le spectacle.
1-1 à la fin du temps réglementaire
C’est dans ces conditions dantesques que le match débutait. Avec côté «Philly» Mbolhi dans les cages, Gaddis, Vitoria, White, Williams, Edu le capitaine, Pfeffer, Fred, Le Toux, Sapon et le Vénézuelien Aristeguieta et un onze majeur classique du côté de «Crew» avec Clark, Jimenez, Parkhurst le capitaine, Pogatetz, Francis, Trapp, Tchani, Finlay, Higuain, Steindorsson et Kamara. Mais peut-on appeler cela un match de football ou une partie de «pousse- ballon» ? Car au vu des conditions météo, l’équipe qui serait épargnée par le vent et ses vilaines bourrasques, saura éviter les flaques d’eau et les pertes d’appui dues aux glissades durant son attaque prendrait l’avantage dans ce match. Et comme «Dame Nature» n’a pas voulu choisir son camp, chaque équipe a eu sa mi-temps et son occasion de but. Philadelphie a été la première à ouvrir le score grâce à sa nouvelle recrue vénézuelienne Aristeguieta, à la 27 e minute de jeu, son troisième but en deux matchs. La seconde période, sûrement à cause des nombreux changements effectués par les deux coachs (9 changements pour Philadelphie, contre 11 pour Columbus) a été plus à l’avantage de Crew, qui est récompensé par le but de l’égalisation grâce à Meram à la 68e minute de jeu. 1-1 à l’issue du temps réglementaire, et à la manière du match pour la troisième place à la dernière CAN, on passe directement aux penalties sans passer par la case prolongations, le but étant de départager les deux équipes, à égalité de points, pour déterminer laquelle disputera la finale de l’IMG Suncoast pro Classic 2015 et qui disputera la finale pour la médaille en chocolat. Une séance de tirs au but «roulette russe» pour Mbolhi.
Raïs, «roi des penos»
Cette séance de penalties arrivait à point nommé pour Raïs Mbolhi, car malgré son côté risque, elle portait l’attention et le poids du match sur lui, dans un exercice stressant pour le public, dans une rencontre où les conditions ne lui avaient pas permis de briller. Même sur le but, il n’avait rien à se reprocher, et s’est seulement contenté de récupérer la balle dans ses filets. Jusque-là, lorsqu’on regarde juste les matchs de ce tournoi de préparation, il n’y a pas une grande différence entre Mbolhi et Mc Carthy, mais ce fut avant cette séance de penalties. Raïs Mbolhi n’a pas été sorti à la mi-temps comme 9 de ses coéquipiers, et il s’agissait donc de donner raison au coach Jim Curtin qui l’a maintenu. Raïs, habitué des grands rendez-vous et à la pression grâce à l’équipe nationale, c’est donc son vis-à-vis de Crew, Matt Lampson, entré à la mi-temps, qui commença mal cette séance en encaissant le penalty de Fabinho. Philadelphie reprenait la tête du tableau. Mbolhi concentré se présente dans les buts, mais ne peut rien sur le penalty de Wahl qui égalise. Il ne peut rien aussi sur le penalty de Schonfeld qui ne lui laisse aucune chance et permet à Clumbus d’égaliser après que Fred eut trompé Lampson quelques minutes avant. 3-2 après le joli penalty de Carrol que le gardien de Crew a dû laisser passer malgré lui. Et c’est à ce moment-là que notre Mbolhi national justifiait enfin son salaire dans ce que les Américains appellent «le money time». Le moment important où le grand joueur doit faire la différence pour son équipe et donc justifier sa grosse rétribution. Raïs est resté impassible pendant que l’un des buteurs de la rencontre, Justin Meram, plaçait son ballon. Quelques pas d’élan pour Meram, qui choisit son côté, le gauche pour lui et le droit pour Mbolhi et tire en force. Le gardien des Fennecs avait choisi le bon côté ; la scène n’a duré que quelques centièmes de seconde ; plongeon, claquette et arrêt du ballon dans un climat apocalyptique et brumeux. Mbolhi se relève stoïque pendant qu’au même moment, Meram se tient les cheveux. Les deux derniers tireurs de Philly - Casey et Lahoud - réussiront leur transformation, ainsi que le dernier tireur de Columbus Crew Speas. 5-3 score final, Philadelphia Union est première de la poule et disputera la finale samedi prochain vraisemblablement contre les New York Redbull, et le héros du jour Raïs Mbolhi a gagné le droit d’être le gardien numéro 1 qui débutera la rencontre contre les «Rapids» pas de Relizane, mais du Colorado, le 7 mars prochain, lors de la première journée de Major League Soccer.
Mohamed Bouguerra