On a parlé dans la première partie de «Ce que Gourcuff ne dit pas» parue hier du cas Slimani. On a démontré, preuve à l’appui que Gourcuff l’ignore. On s’est interrogé pourquoi il ne loue jamais ses mérites dans la presse. On a évoqué aussi l’aspect relationnel, avant de mettre l’accent sur l’approche qu’a choisie le sélectionneur avec lui. L’exemple de la Tanzanie était édifient et indicateur des rapports compliqués entre les deux hommes. Parce que ce joueur est très important pour la sélection et que ce problème doit être traité en urgence, nous avons décidé, pour cette seconde partie de rester sur ce cas avec comme objectif : savoir si le problème entre Slimani et Gourcuff est seulement d’ordre relationnel, personnel, humain, ou bien, il y a des raisons purement techniques qui font que Slimani n’ait pas la même importance dans le groupe que Brahimi, Ghoulam, Bentaleb ou encore Mahrez. Par conséquent, la question qu’on posera aujourd’hui au sélectionneur est la suivante : Slimani est-il un titulaire par défaut ?
Il avait émis des réserves en pleine Coupe du monde
Officiellement comme consultant pour le Monde, officieusement pour superviser l’équipe qu’il allait driver un mois après, Gourcuff était présent au Brésil. En plein tournoi, et malgré le niveau de jeu très relevé de l’Algérie de Vahid Halilhodzic, Gourcuff n’a pas du tout aimé l’animation offensive des camarades de Sofiane Feghouli. Les 7 buts en 4 matchs face à des adversaires coriaces ne lui ont pas suffi. A l’un de ses proches, il fera la confidence que son premier chantier sera l’attaque. Son constat était clair : le problème c’est Islam Slimani. Christian Gourcuff a dès lors décidé de chercher des alternatives, des joueurs capables de s’adapter à ce qu’il appellera ensuite «mon 4-4-2 fluide».
Belfodil a le profil, Slimani non !
Dès son arrivée, Christian Gourcuff s’est mis à la recherche de son avant-centre idéal. Le temps de trouver l’oiseau rare, il a tenté lors des premiers matchs d’apprendre à Slimani à jouer dos au but, lui qui est plus un attaquant de surface, un buteur qui va toujours vers l’avant. Au bout de quelques essais, il s’est aperçu que l’ancien du CRB ne fait pas l’affaire. Le remodelage était impossible. Arrivé à cette conviction et faute de solutions concrètes et immédiates, il a fera appel au seul joueur se rapprochant le plus à ce qu’il voulait, Ishak Belfodil. C’est à partir de là qu’on a commencé à voir moins Slimani. Parce qu’on affrontait des équipes faibles, le onze national continuait à gagner et à marquer des buts, beaucoup de buts même. Brahimi, Feghouli et Mahrez se sont illustrés dans ce nouveau schéma, et parallèle, la machine Slimani s’est arrêtée. Tomber en panne. Le joueur du Sporting est resté muet plusieurs mois. Quand il n’est pas sur le banc, il se faisait remplacer à chaque fois en cours du jeu. Celui qui était le fer de lance des Verts est devenu du jour au lendemain un joueur inefficace, une charge pour l’équipe.
Plus de construction, moins de centre, pas de jeu direct…
Pourquoi Slimani n’a pas pu s’adapter au style de jeu prôné par Gourcuff ? Cette situation que vit Slimani est un peu similaire à celle vécue par Ibrahimovic lors de son passage au Barça. Le Suédois gênait Messi et vice versa. Guardiola avait choisi de sacrifier Ibra pour sauvegarder la tiki taka et bien sûr faire plaisir à Messi, Gourcuff est en train de faire de même. Il faut reconnaître que le 4-4-2 de Gourcuff a libéré lors des premiers mois le tandem Brahimi-Mahrez. Ces deux joueurs techniques qui aiment garder le ballon allant jusqu’à entrer avec dans la surface s’y sont sentis comme un poisson dans l’eau. Pour que ce soit parfait il leur fallait un appui, un pivot, un avant-centre bon dans la remise, assez habile techniquement, joueur, qui sait quoi faire quant il est dos au but… Gourcuff est convaincu que Slimani ne peut être cet attaquant-là. Dans cette organisation tactique basée sur la possession de balle, le jeu de passes courtes et les permutations, la construction des attaques prend beaucoup plus de temps, ce qui n’arrange pas du tout Slimani, qui est plus un joueur d’espaces et de surface. Le numéro 9 de la sélection n’a pas besoin de toucher 10 balles pour marquer. Ce dont il a besoin pour être l’excellent attaquant qu’il est, c’est des passes en profondeur dans le dos des défenseurs, comme face à la Corée du Sud et dernièrement la Tanzanie. Ce qui fait de lui une arme redoutable ce sont les centres comme face à la Russie. Sans ça, le buteur des Verts est un épouvantail. Il ne sert à rien, absolument à rien.
Belfodil aux Emirats, Slimani redevient important
Ce qui est bien c’est que malgré cette situation, Slimani n’a jamais douté de ses capacités. Il n’a pas perdu confiance, bien au contraire. Ça l’a rendu plus fort, comme en témoigne son rendement avec son club, le Sporting. Bien que frustré, il ne l’a jamais montré publiquement, jusqu’à ce match face à la Guinée au 5-Juillet où il avait quitté le terrain en murmurant des mots pas du tout gentils à l’encontre des on coach. Le hasard a voulu que Belfodil qui était la solution idoine en attaque signe aux Emirats, un championnat faible et incomparable à celui du Portugal. Slimani a logiquement repris ce qui est à lui. Il a fallu que l’équipe ou Gourcuff se retrouve dos au mur pour enfin décider à revenir aux schémas de Vahid avec Medjani en sentinelle, Brahimi en ailier gauche et Slimani seul en pointe. «On ne pouvait pas jouer, alors on devait jouer les contres, le jeu direct», expliquait Gourcuff en fin de match avant d’annoncer à la radio qu’il comptait revenir à son 4-4-2 dès que Bentaleb et Taïder sont à leur meilleur niveau. Le cauchemar n’est donc pas terminé pour Slimani. L’arrivée probable de Benzia pourrait carrément le mettre sur la touche.