Amer Benali, le n°10 du MCA, est le maestro qui a fait vibrer les Chnaoua. Mami pour les intimes, cet artiste a marqué son passage au Mouloudia d’Alger en lettres d’or. Compétition l’a sollicité pour replonger dans le passé, précisément la période où il jouait. Benali a confié qu’il n’a pas pu changer le MCA ni pour les Tunisiens, ni pour les Qataris, ni encore pour les Kabyles ou les Usmistes. Le MCA étant son club de cœur, il est fier d’avoir porté ses couleurs. Il parle aussi de Djabou, de Rahmani et Abdelaoui. Il estime que le Mouloudia d’Alger doit connaître un changement radical pour assainir son entourage et croire aux titres. Il conseille Djabou de ne plus mettre les Chnaoua contre lui car il perdra la face. Dans cet entretien, Benali parlera de tout et même du confinement. En tout cas, s’il est meilleur joueur, ce n’est pas le cas en cuisine.
Comme le coronavirus fait l’actualité ces derniers temps partout dans le monde, on ne peut s’empêcher de vous demander si vous respectez le confinement…
Absolument, car ce n’est pas un jeu, c’est une question de vie ou de mort. Je suis chez moi avec mes enfants. J’aurais aimé apprendre l’art culinaire pour cuisiner, malheureusement, malgré les efforts, je n’arrive pas. Cela m’aurait permis de passer le temps en cuisinant des plats. Ce qui est sûr, je reste chez moi et je suis choqué de voir des gens indifférents à ce qui se passe et sortir normalement. Ce qui est sûr, je suis pour le confinement total.
Comment passez vous votre temps ?
Je maintiens ma forme en faisant du vélo ; d’ailleurs mes enfants aussi le font, car le sport est important même si on reste confiné. En plus du sport, il y a la télé et internet bien sûr.
Même si les années passent, « Mami » reste toujours le chouchou des Chnaoua…
Dieu merci, Benali n’a jamais fait de problème ; il a gardé sa place propre. D’ailleurs, quand je rencontre les fans dans la rue, c’est toujours avec un grand plaisir qu’on replonge dans le passé pour remémorer de très bons souvenirs qu’on a vécus ensemble. Ce qui est sûr, le MCA est le club de mon cœur et les Chnaoua y occupent une grande place aussi.
En parlant des souvenirs, quel serait le meilleur que vous avez vécu dans votre carrière de footballeur ?
En fait, j’en ai deux. Le premier est le titre de champion qu’on a gagné en 99. D’ailleurs, c’est le seul titre que j’ai gagné avec le Mouloudia d’Alger. Le second, c’est l’accession en 2003. C’était extraordinaire ! Voir plus de 40 000 fans se déplacer à Tiaret pour nous soutenir, c’était inimaginable. Des souvenirs qu’on ne peut pas oublier ; j’ai toujours la chair de poule quand j’y pense.
Votre mauvais souvenir serait lequel ?
C’était en 2002. On était en stage en Pologne avec l’entraîneur en chef Saadi. On était en pleine préparation quand on nous annonce qu’on est relégable. C’était l’affaire du RCK qu’on avait gagné sur un score de 4-2, mais on nous a défalqué des points, on s’est retrouvé en Ligue 2. C’était le plus mauvais souvenir. D’ailleurs, on était vraiment très déçus et chagrinés.
Vous avez parlé d’un seul titre gagné avec le MCA ; ne pensez-vous pas que c’est peu pour un joueur qui a marqué le football algérien ?
Si c’était le tennis, là, je dirais que c’est de ma faute. En foot, ce n’est pas Benali seul qui gagne des sacres, mais tout un groupe qui se surpasse et réalise des merveilles. Vous avez comme meilleur exemple Lakhdar Beloumi. Pour moi, c’est le meilleur joueur de tous les temps ; il n’a gagné qu’un ou deux titres tout au long de sa carrière.
En évoquant Beloumi, ce dernier a déclaré que vous allez être son successeur, mais votre passage en équipe nationale n’a pas été au top, qu’en dites-vous ?
Je dirais que c’est le mektoub ; les blessures aussi ne m’ont pas épargné. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas fait long feu en équipe nationale. C’est le destin, on n’y peut rien. J’aurais voulu réaliser de belles choses avec les Verts, mais le destin aura voulu autrement. Un joueur qui n’est pas épargné par les blessures trouve du mal pour suivre la cadence.
D’aucuns diront que c’est dommage pour le football algérien…
Encore une fois, je dirais que c’est le destin qui a voulu ainsi. Je ne vous cache pas que moi aussi je n’ai pas été très sérieux et aussi mal conseillé. Malgré tout cela, je ne regrette rien, car j’ai endossé le maillot du meilleur club algérien qui est le Mouloudia d’Alger, sans oublier que c’est mon club de cœur. Donc, que du bonheur !
Est-il vrai que vous aviez eu des contacts de l’étranger ?
J’ai eu deux contacts : du Club Qatar et l’Etoile du Sahel en 1992. A l’époque, je jouais à Chlef. On avait joué la coupe arabe ; j’ai réussi de bons matches qui ont attiré l’attention des Qataris et des Tunisiens.
Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
Je me suis déplacé en Tunisie pour rencontrer les dirigeants de l’Etoile, mais il y avait l’ancien joueur de la JSK Djahnit. Je suis resté une semaine puis j’ai pris la décision de rentrer, car je n’étais pas tombé d’accord avec le président de l’Etoile tunisienne.
Vous êtes rentré et vous avez choisi le MCA, pourquoi ?
Il y avait effectivement plusieurs clubs qui m’ont sollicité, à l’image de la JSK et l’USMA, mais j’ai préféré le Mouloudia d’Alger, car je connais la maison ; je ne cesserai pas de dire que c’est mon club de cœur. On ne peut pas choisir avec le MCA, c’est comme ça et pas autrement.
Pourtant, vous aviez failli en 97 signer à l’USMA, non ?
Je vais vous expliquer cela. En fait, Aksouh qui m’a entraîné au MCA en 90 était derrière ce contact. Il m’a proposé de signer à l’USMA. A l’époque, le président Said Allik était malade et se trouvait à l’étranger. C’est avec Hassina que j’avais négocié, mais lui sans donner mon accord de principe, car dans ma tête, je n’aurais pas changé le Mouloudia d’Alger pour rien au monde. Je suis parti au bureau de l’USMA par respect à Aksouh.
Par la suite, les Mouloudéens vous ont convaincu de signer…
Quand j’ai quitté le bureau de l’USMA, je me suis rendu à la place des Martyrs pour rencontrer deux amis qui sont morts, Allah yerhamhoum ». Cinq minutes après, des Mouloudéens sont venus me conduire au bureau du défunt président Mohamed Djouad. Tout de suite après notre discussion, j’ai signé mon contrat avec le Mouloudia d’Alger. Je ne pouvais pas aller ailleurs, c’était plus fort que moi. Le MCA, c’est ma maison.
Au Mouloudia, quels sont les joueurs avec lesquels vous étiez proches ?
Il y en avait beaucoup comme Mecheri, Tobbal, Dob, Daham, mais surtout Yacine Slatni, l’arrière droit. Je ne pensais même pas passer le ballon ailleurs que sur le côté droit, car Selatni était là. C’est un joueur avec lequel je m’entendais beaucoup sur le terrain.
Parlez-nous de votre meilleur but avec le MCA…
C’était à Bordj Menaïel, un retourné acrobatique ; il y a aussi le lob contre l’ASMO. Ces deux buts, je pense, étaient les meilleurs dans ma carrière. Ce qui est sûr, c’était toujours un grand plaisir d’apporter le plus à l’équipe. Un sentiment de fierté.
Au MCA, vous aviez porté le numéro 10 ; pour nombre d’observateurs, il n’y a pas beaucoup de joueurs qui méritent de le porter actuellement, car votre genre a disparu ; qu’en dites-vous ?
Non, je ne suis pas d’accord ! Il faut savoir qu’aujourd’hui, le football a changé. Il est devenu plus tactique. Les espaces sont de plus en plus réduits par rapport à notre époque. Nous, à l’époque on jouait le 4-3-3 classique. En plus de cela, il faut savoir que des entraîneurs ne donnent pas aux joueurs la liberté de s’exprimer. Vous prenez les deux meilleurs joueurs au monde actuellement, Messi et Ronaldo ; ils ne défendent pas, mais ont la liberté de s’exprimer, c’est ce qui fait la différence.
Parlons maintenant de la concurrence rude à votre époque après l’arrivée de Badji et Lounici. Qu’avez-vous à dire dans ce sens ?
Je profite de cette occasion pour préciser quelque chose : Lounici, c’est un 9,5, alors que Badji est un joueur de couloir et moi, je joue dans l’axe. Pour preuve, on a joué beaucoup de matches ensemble. Donc, il n’y a pas de concurrence rude ; chacun a son poste.
A l’époque, tout le monde parlait de conflit entre vous et Lounici. Racontez-nous…
C’est faux ! Il n’y a jamais eu de problèmes entre moi et Khaled (Lounici). C’est comme un frère pour moi. On n’a jamais eu de problèmes. D’ailleurs, c’est moi qui lui ai offert le numéro 10, et j’ai pris le numéro 8. C’était ma façon de faire taire les mauvaises langues. On n’a jamais été en conflit.
Lors de deux matches joués à l’époque contre l’USMH, la tension était perceptible entre vous, Lounici et les joueurs d’Essafra ; pouvez-vous expliquer tout cela ?
Si vous faites allusion au match aller, c’est moi qui avais marqué le but à Lavigerie, et il n’y a eu aucun problème. Même à Bologhine, il n’y a rien eu, à part les déclarations incendiaires entre Ouahid et Lounici. C’était d’ailleurs ce qui a mis le feu entre les deux galeries. J’ai appelé les deux joueurs après leurs interviews pour leur faire savoir que mettre le feu de cette façon n’était pas sensé.
Et avec Badji ?
Pareil, je n’ai jamais eu de problèmes avec lui. On a joué ensemble ; quand on se rencontre, c’est toujours avec plaisir. On défendait les mêmes couleurs et chacun de nous mettait tout en œuvre pour apporter le plus à l’équipe. C’est ce qui était important à nos yeux.
Par la suite, vous aviez 36 ans quand Nouzaret arrive et demander de rajeunir l’effectif. Ce fut l’année de votre départ, racontez-nous…
C’était la fin. Il était venu le temps pour moi de partir. Torki est venu me voir pour me faire savoir que Nouzaret a décidé de rajeunir l’équipe. J’ai accepté de partir, mais ce qui m’a déçu, c’était l’attitude du président Messaoudi qui ne s’est pas comporté comme un homme avec moi. D’ailleurs, il me doit 250 millions ; jusqu’à ce jour, il ne l’a pas fait. S’il les a pris, je ne lui pardonnerai pas, c’est clair. En quittant le MCA, je suis passé au MOC, puis des amis m’ont demandé d’aider la JSMC ; ce que j’ai fait. Ce fut l’année de l’accession de Chéraga.
Après cela, vous vous êtes reconverti en entraîneur…
J’ai passé le CAF C et le CAF B ; j’attends comme plusieurs de mes camarades, à l’image de Dziri, CEO, Benatoui, de passer le CAF A. Pourtant, plusieurs DTN sont passés, mais on n’a toujours pas passé le CAF A. On attend toujours et on espère le faire prochainement.
C’est le début de votre carrière d’entraîneur, n’est-ce pas ?
J’ai travaillé à Msila avec Kamel Achouri. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour le remercier et le saluer au passage. J’ai travaillé par la suite à Koléa et à Boudouaou. De belles aventures où j’ai beaucoup appris.
Finalement, vous revenez au MCA par la porte des espoirs…
Exact, c’est le destin qui a voulu que je revienne travailler avec mon club de cœur, la meilleure chose qui puisse m’arriver. J’ai aussi travaillé comme adjoint de Boualem Charef et bien sûr avec les espoirs. Toujours en apprentissage en attendant de prendre un club à moi seul.
Plusieurs joueurs passés par le MCA se sont distingués dans d’autres clubs, mais pas au Doyen. Pour vous, un connaisseur de la maison du Doyen, c’est dû à quoi ?
Par expérience, il est dur de s’imposer au Mouloudia, un club qui n’est pas comme les autres. Un joueur qui arrive au MCA n’a pas le droit de rater ses débuts. S’il réussit ses premiers matches, il est vite adopté par les fans ; dans le cas contraire, ce sera difficile pour lui de poursuivre. Ce sont les fans qui vous facilitent la tâche, mais il faudra être à la hauteur bien sûr. Il faut respecter le supporter et pour réussir, il faut se donner à fond sur le carré vert. Aussi, pour jouer au MCA, il faut avoir du caractère. De grands joueurs sont passés par le Doyen à l’image de Felahi, Djender, Bourahli ou Khiat, mais ils n’ont pas pu réussir.
Est-ce le même scénario que vit actuellement Djabou ?
Djabou est un grand joueur. Il n’est pas à présenter, car il a fait ses preuves à maintes reprises. Mais puisqu’il a signé au MCA, il doit avoir du caractère. Je dirais qu’il a donné l’occasion aux fans de l’insulter suite à ses absences répétées. Par expérience, il ne faut jamais entrer en conflit avec un fan. En tout cas, on espère que Djabou réussira au MCA.
Pensez-vous qu’il va rebondir avec le Doyen ?
A 100% de ses moyens, Djabou sera d’un grand apport au MCA. Ceci dit, il doit comprendre que le Mouloudia d’Alger est un club à part. J’ai vécu personnellement des moments difficiles ; mais quand un fan m’insultait, je baissais la tête et je quittais le terrain. Par la suite, je me remets en cause et je travaille sans relâche pour proposer un bien meilleur visage le match suivant. Une chose est sûre, si Djabou est dans les meilleures conditions, il peut être intraitable. J’espère qu’il sera meilleur à l’avenir surtout qu’il sera encore au MCA la saison prochaine.
Un jeune joueur est en train de s’illustrer au point de le comparer à vous, en l’occurrence Aymen Rahmani ; qu’en pensez-vous ?
Franchement, je ne le connais pas, car il est venu cette saison. Je lui souhaite de réussir une belle carrière. Le seul joueur que je connais bien, et dont je suis persuadé qu’il peut jouer en senior, c’est Abdelaoui. C’est bien de donner la chance à ces jeunes. Il le faut si l’on veut préparer l’avenir. Personnellement, j’ai commencé à l’âge de 17 ans avec les séniors. Un joueur de 19 ans, s’il n’a pas eu sa chance avec les séniors, ferait mieux de changer de club.
Puisque vous en parlez, pourquoi alors le MCA a opté pour la politique des stars qui ne lui réussit pas ?
Je peux vous citer un exemple l’année du titre de 99. On avait gagné le titre de champion avec des jeunes inconnus au bataillon. Contrairement au CRB et à l’USMA qui avaient des stars dans leurs effectifs. Pour cela, je tiens à insister qu’il faut donner la chance aux jeunes, car, la politique des stars ne mène à rien. Il faut revoir les copies et travailler sur le long terme. En donnant la chance aux jeunes, le MCA avancera sur le droit chemin qui mène au succès.
Pourquoi le Doyen ne gagne-t-il pas souvent des titres ?
Le vrai problème du MCA qui persiste encore jusqu’à maintenant, c’est l’instabilité à tous les niveaux. Il faut un changement radical dans ce club, car, le MCA ne relèvera pas la tête avec ces mêmes dirigeants. Il faut changer pour que le club retrouve la sérénité et travaille, comme je l’ai dit, sur le long terme pour construire de bonnes bases. Et c’est ainsi que le MCA pourra gagner des titres. Continuer comme ça, sans changement, ne va rien donner.
On comprend par là que vous êtes pour le départ de la Sonatrach, non ?
Non, du tout ! Je serais pour si l’on ramène un Qatari comme le PSG ou le Russe de Monaco ; là je serais tout à fait d’accord pour le départ de Sonatrach. Mais, actuellement, je suis contre, car si la Sonatrach part, qui va payer les joueurs et les salariés du club ? Ce serait la catastrophe. Ce n’est pas normal de demander le départ de Sonatrach, alors que les autres clubs réclament des sociétés pour les aider financièrement.
Ces derniers temps, suite à la crise que vit actuellement le pays, on parle de plafonnement des salaires ; est-ce faisable ?
Je trouve que vu la situation et la crise, c’est normal de parler de plafonnement des salaires. Une crise frappe le pays et tout le monde doit aider. Je ne suis pas contre les joueurs, mais je pense qu’on est arrivé à un point où chacun de nous doit faire des sacrifices. En tout cas, rien n’est encore officiel, on verra par la suite. Pour le moment, tout est à l’arrêt. Personne ne sait ce que sera la suite.
Si le championnat venait à reprendre, croyez-vous que le MCA est capable de gagner le titre cette saison ?
Je vois bien le MCA finir champion, il a tout pour réussir. Il a un bon effectif et un calendrier favorable. Donc, tout est possible. Il faut se surpasser et mettre les bouchées doubles afin qu’à la fin, personne n’ait des regrets. Je pense que les joueurs le savent et tout le monde va tout faire pour réussir le pari. J’y crois très fort et je pense que le Doyen est capable de réaliser l’exploit. Les joueurs peuvent le faire et nous procurer une grosse joie quand le championnat reprendra et qu’on aura battu ce coronavirus.
Un dernier mot pour clore cette interview ?
Je lance un appel à tous les Algériens et les Chnaoua, en particulier, pour leur demander de rester chez eux. On ne peut pas battre ce virus qu’en respectant le confinement. Evitons de sortir, évitons de rester en groupes et respectons les consignes pour endiguer ce fléau que le monde entier est en train de combattre. On a tous envie de retrouver la vie normale et le foot ; pour cela, il faut passer par cette période de confinement même si c’est dur.
- A. Z.