Le sélectionneur national, Djamel Belmadi, a accordé une longue interview sur les ondes de la Radio nationale Chaîne III avant de se rendre avec l’équipe au Qatar pour entamer le stage précompétitif avant la Coupe d’Afrique des nations.
Le coach des Verts a parlé de son arrivée difficile en sélection, de l’état d’esprit qu’il avait trouvé au sein du groupe, du message qu’il a véhiculé à ses joueurs. Belmadi n’a pas été tendre avec certains acteurs du football algérien sur les plateaux de télévision. Il a également évoqué son ambition et celle de son équipe en se rendant en Egypte pour disputer la Coupe d’Afrique des nations.
«A mon arrivée, j’ai découvert un groupe au bord de l’abîme»
Belmadi a, d’abord, parlé de son arrivée en sélection et dans quel état il avait trouvé une équipe très mal en point. «En arrivant en sélection, j’ai découvert un groupe au bord de l’abîme. Le mal était profond. Lorsque vous arrivez au sein d’une sélection avec une défaite face au Cap-Vert, à l’Iran, à l’Arabie Saoudite, c’est sûr que c’est compliqué. J’ai trouvé des joueurs très affectés. Il y avait des vues et revues d’effectif et sans critiquer mes prédécesseurs, c’était de la perte de temps. L’impératif dès lors, c’était qu’il fallait aller à l’essentiel. Mais avec peu de temps, c’était très difficile. On avait moins d’un mois pour rentrer dans la compétition. Il a fallu connaître tous les joueurs sur lesquels on pouvait compter. Arriver dans une équipe et avoir peu de temps pour établir une équipe compétitive, c’était croyez-moi pas une mince affaire», a-t-il souligné.
«Certains cadres avaient une mainmise sur l’équipe. Ils contrôlaient tout»
Belmadi a révélé avoir trouvé un groupe décimé et disloqué. «Il n’y avait pas un état d’esprit d’équipe sain. Il y avait une mainmise de certains cadres de l’équipe qui contrôlaient tout. Il y avait une pseudo-équipe. Il n’y avait pas de compétition interne pas de concurrence. C’était pratiquement de la débandade et il fallait tout refaire. Devant cette situation, je ne devais me fixer aucune limite. Je devais refaire tout. Je voulais faire passer le message et croyez-moi cela n’a pas été aussi facile que cela puisse paraître. Lorsque vous trouvez des habitudes, il faut savoir trouver la bonne formule pour replacer les pièces du puzzle et éviter les cassures», a-t-il indiqué.
«Certains plateaux de télévision dégagent de la haine»
Le coach des Verts n’a pas été tendre avec les analystes et autres acteurs du football national. «J’ai voulu faire passer un message à tout le monde, mais je crois que je ne me suis pas bien fait entendre ou bien certains ont fait exprès de ne pas vouloir entendre. Je ne comprends pas pourquoi certaines personnes passent leur temps à chercher la faille sur les plateaux de télévision. Ces gens ne font pas grand-chose pour aider et leurs interventions et analyses sont dictées par des règlements de comptes. Il y a de la haine qui se dégagent dans leurs analyses et croyez-moi je ne comprends pas pourquoi on ne veut pas être en paix au quotidien», a-t-il déploré.
«Je ne veux pas aller à la CAN pour faire de la figuration»
Concernant le challenge de la CAN, Belmadi n’a rien changé à son discours. Il réaffirme l’attention de son équipe d’aller gagner cette CAN. «Je ne veux pas aller faire de la figuration. En 2004 déjà, j’étais en colère de cette manière de parler. Le sport c’est le dépassement de soi-moi, c’est de créer l’impossible, c’est le Liverpool - Barcelone avec un 4-0 après avoir été battu 3-0. Lorsque je sillonne le pays et des gens me disent : "Ramène-nous la Coupe d’Afrique", je ne peux pas être indifférent. Certains diront : "Djamel t’a placé la barre très haut". Je ne vois pas les choses sous le même angle. Je ne vois que de l’enthousiasme. La CAN est une compétition de valeur, qui va pousser les joueurs d’aller vers l’avant et tout donner pour réussir une meilleure compétition. Après, si on ne réussi pas à remporter la Coupe, vous pensez que les Algériens vont nous tomber dessus ? Je suis sûr qu’ils vont comprendre. Je veux créer cet esprit de ne plus avoir cette barrière. Il faut être positif sinon rester chez soi. Il ne faut pas esquiver la pression. Je prends tout sur moi ce n’est pas en guerre que nous irons. Nous allons faire le mieux de notre possible et la compétition nous la prendrons match après match. On ira là-bas pour gagner, on va essayer d’y parvenir. Après, si on ne gagne pas, les plateaux de télévision ne pourront jamais mettre la population sur le dos des joueurs», a-t-il indiqué.
«On a tiré sur Mahrez, qui a pourtant gagné 4 titres»
Pour ce qui est de la liste des joueurs choisis, notamment le cas Slimani, le sélectionneur national a eu ses justifications. «Quant on tire sur des éléments qui donnent tout pour le pays tous les jours, cela s’appelle de l’acharnement. On a établi un règlement intérieur avec l’accord des joueurs. Je leur ai demandé d’éviter de regarder les plateaux télé, les réseaux sociaux. L’idée directrice pour la composition de la liste c’est la compétitivité des joueurs. Le cas Slimani a fait débat. Mais je prends exemple d’Ounas, est-il compétitif plus que Slimani ? Certes, il n’a pas joué ces derniers mois, mais il a 25 titularisations, alors qu’Ounas n’a eu que 4. Slimani a été apprécié à sa juste valeur. C’est probablement son jeu atypique qui fait qu’il n’est pas apprécié. Peu importe ce que pense les gens des plateaux de télé et les éloges qui lancent sur Ounas. On a même tendance à tirer sur Mahrez, qui a pourtant gagné quatre titres. Des joueurs offensifs marquer et offrir les défenseurs ne pas marquer le goal aussi. Slimani a les meilleurs statistiques et il a eu un traitement injuste. Maintenant pour Naïdji, j’espère qu’il fera la carrière qu’on lui souhaite mais dans cette compétition comme la CAN, c’étai très risqué de le prendre», s’est-il justifié.
«On a le droit de critiquer, mais avec des éléments qui tiennent la route»
Le coach des Verts a indiqué qu’il réfléchit énormément avant de prendre les décisions adéquates. «Regardez Rafik Halliche, il est là parce qu’il le mérite. Si Abdellaoui n’était pas malade, c’est 10 ans de moins que Halliche et là il y aurait beaucoup de réflexion. Le vécu c’est très important j’ai composé ce groupe dans ce sens. On a droit de critiquer, mais avec des éléments qui tiennent la route. Je crois que de manière générale, j’analyse jusqu’à la dernière minute. Je prends poste par poste, les cas de figure, les plans A, B, C, les systèmes de jeu à mettre en place. C’est pour ça que je me donne ce temps. Je ne regarde pas les matches de Feghouli, Mahrez, Brahimi, mais je regarde beaucoup les matches de deuxième division. Les joueurs ont validé leur sélection. Ce sont ceux qui progressent qui m’intéresse. Belkebla, par exemple, c’est le type de joueur qui a eu une énorme marge de progression. Il est très à l’écoute, travailleur et tout entraîneur veut l’avoir. Il faut avoir des joueurs qui ont une grosse volonté et qui adorent leur pays, leur EN», a-t-il souligné avant d’enchaîner : «C’est important d’avoir des joueurs ayant un vécu. Nous avons des éléments qui ont participé à 3 et 4 CAN. Nous avons besoin de leur expérience et nous sommes à l’écoute de ces joueurs. On a créé un groupe et chacun peut avoir son mot à dire. Les anciens doivent transmettre l’expérience. Nous sommes là depuis le 3 juin et jusqu’au 23, il n’y pas de jour où l’on ne parle pas du Kenya, de ses faiblesses et de ses forces».
«Je suis plutôt Klopp que Mourinho»
A propos de sa relation avec les joueurs, Belmadi insiste sur la proximité. «La proximité avec les acteurs principaux qui sont les joueurs c’est très important. Je les place avant tout le monde, avant le président de la FAF, avant l’entraîneur. J’essaye de les responsabiliser, leur donner cette importance. Nous, nous sommes là pour les entourer et leur donner la possibilité d’offrir leur pleine mesure. La proximité est la clé de Klopp, qui est différent de Mourinho. Question de personnalité, Klopp respire ne se déguise pas. Il se comporte de façon naturelle avec ses joueurs. Quand vous avez un génie dans l’équipe, cela ne sert à rien de lui montrer quoique ce soit. Mais ce n’est pas tout le monde qui a un Messi. C’est un génie par excellence. Sa connaissance de situation de jeu de manière inné. Il est en avance sur les situations de jeu. Moi, ce n’est que vers 28 ans que j’ai commencé à connaître les situations de jeu. Dans le football, 90% des situations sont identiques, c’est là capacité d’analyse du joueur qui fait la différence. J’aime la perfection», a-t-il fait savoir.
«Le choix de l’Algérie est particulier»
A la question de savoir pourquoi il a choisi de prendre une sélection, alors qu’il pouvait encore travailler en club, Belmadi affirme que le choix a de nombreuses considérations. «Certes, ne pas travailler au quotidien, je ne suis pas le plus heureux du monde. Mais croyez-moi, je suis heureux de ce que je fais. Je suis là depuis 20 mai. Nous n’avons pas passé l’Aïd en famille, mais nous ne sommes pas si touchés que ça. Certes, je ne vais pas faire passer le foot, mais nous avons une mission à accomplir. Je suis comblé d’être au quotidien en préparation pour le match du Kenya, qui va arriver vite. Nous devons optimiser toutes les séances. Maintenant pourquoi j’ai choisi de prendre la sélection ? Le contexte Algérie est particulier. Peut-on refuser l’équipe d’Algérie, surtout qu’elle traversait une situation d’échec et la difficulté. J’aurais aimé avoir eu plus de temps et avoir eu les matches amicaux joués en 2018, je crois qu’on aurait gagné du temps. Le moment où je pris l’EN, j’étais à l’apogée avec mon club où on a tout gagné. La décision prise, je l’ai faite sans prendre l’avis de qui que ce soit. J’ai discuté avec le président de la FAF pendant 7 heures de football et nous avons réglé l’aspect contractuel en 3 minutes», a-t-il fait savoir.
«Montrer un très beau visage de notre pays en Egypte»
A la fin, Belmadi souhaite une bonne fête de l’Aïd et promet au peuple algérien de tout faire pour revenir avec la Coupe d’Afrique ou au moins montrer un beau visage de l’Algérie en Egypte. «Je ne suis pas de nature à communiquer. Je pense qu’il y a mieux à faire. Je préfère donner le temps au terrain. Certes, ma relation a été telle avec la presse depuis que j’étais joueur, mais je respecte le travail journaliste qui n’est pas facile. Ceci dit, il y a de la frustration puisqu’on a plus tendance à verser dans le people, le scandale, l’interprétation et la critique. On est en train de vivre un changement positif au pays. J’espère qu’il va être mis sur bons rails et je souhaite de belles perspectives à notre pays. Le football avec des valeurs comme la détermination, la discipline et pousser ses limites, c’est avec cet esprit que nous allons aborder cette CAN. Nous allons tout faire pour montrer un très beau visage de notre pays en Egypte», a-t-il conclu.
Ilyès Nassim
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