Dix jours après son élection à la tête de la Ligue de football professionnel, Mohamed-Amine Mesloug nous a ouvert son cœur dans une interview qu’il nous a accordée dans son bureau, au siège de la LFP à Belouizdad. Arbitrage, VAR, violence dans les stades, programmation, projet de commercialisation du championnat processionnel, tout a été passé au peigne fin, donnant lieu à un entretien passionnant auquel a assisté le SG Mourad Boussafeur et le responsable de la communication Hamouche Benslimane qui ont rehaussé la rencontre de leur présence. Entretien.
La 17e journée qui se joue actuellement est marquée par un fait surprenant, 6 des 8 matches de la journée sont programmés à huis clos, quel commentaire en faites-vous ?
Je commence par un retour à la saison passée, pour comparer deux situations, la FAF avait pris une décision fructueuse : motiver et raviver l’engouement des supporters pour relancer le championnat, quelque peu marginalisé et négligé, il y a eu des incidents décevants, fort heureusement qui ne représentaient pas le supporter algérien qui aime le spectacle. On a décidé cette année de revenir à l’ancienne méthode…
Cette journée avec 6 matches sur 8 à huis clos est une coïncidence, il y a eu des jets de projectiles et un cumul des 3 infractions, automatiquement ça a débouché sur des huis clos. C’est vrai, ça tue un peu le spectacle, mais laissez-moi dire que ça rentre dans le travail de sensibilisation. Moi, je pense, qu’avec une telle mesure le supporter prend plus de maturité, les clubs doivent aussi sensibiliser. L’USMA a déjà réussi cela lors de la compétition africaine.
Un huis clos qui dévalorise quand même le championnat…
La vie humaine et la sécurité du supporter pour nous sont primordiales, il y a aussi un aspect d’ordre public qui s’impose, c’est une ligne rouge que personne ne peut dépasser. Il y a une commission qui doit siéger et prendre des décisions, on voit quand même des jets de projectiles, et fort heureusement il n’y a pas de pertes humaines. Avec le temps on fera des constats, à la fin de l’année il y aura un bilan concernant les matches à huis clos, le nombre, les statistiques. On trouvera des alternatives, il faut améliorer, on va améliorer, mais ces incidents impliquent une minorité. Avec la sensibilisation, les gens sensés qui viendront au stade ne permettront pas aux autres de gâcher une fête ou un spectacle et priver une galerie de suivre son équipe.
Dans votre programme de nouveau président vous avez mis l’accent sur l’importance du marketing et du merchandising pour donner un coup de pouce à ce championnat de Ligue 1 Mobilis et pouvoir le vendre, or, avec des matches qui se jouent à huis clos le programme risque de ne pas être respecté, y a-t-il d’éventuelles solutions de rechange pour ce huis clos dans vos plans ?
Peut-être pas de solutions de rechange, mais on pourrait augmenter les amendes ou quelque chose du genre. On va d’abord faire notre bilan, peser le pour et le contre. Mais pour moi, la sensibilisation passe avant tout, on va la renforcer via notre ligue, voire même nos partenaires ou encore via les clubs et leurs comités de supporters. Vous avez aussi évoqué l’importance de la communication, c’est un volet qu’on veut développer, on est à l’heure des technologies, on doit se mettre à jour. La ligue a un plan de développement qui est en train de se préparer pour le mettre en exécution, dès le début de saison prochaine.
Quand vous parlez d’amende, infliger une sanction financière au club sachant que le vrai fautif est son public, vous ne trouvez pas que ça sonne faux ?
Quand je dis amende, je ne veux pas forcement dire que c’est le club qui est sanctionné, même le supporter peut prendre une amende, il y a un travail de fond qui est en train de se faire avec les différents services de securité et les responsables des stades, pour définir, d’abord, les causes de tout cela, puis trouver des solutions réelles sur le terrain pour endiguer ce phénomène de violence, des jets de projectiles, même la violence verbale qu’on est en train de voir, ce qui n’est pas propre aux Algériens, tout cela est en train d’être pris en charge par des spécialistes de différents organes. On est en train d’y travailler, il y a eu 2 à 3 réunions sur ce sujet, on est très conscients de ce problème, on essaye de trouver des solutions rapides.
Une solution, comme par exemple, mettre en place un fichier national du hooliganisme…
Ça, ce n’est pas mon rôle. On a eu des réunions, on a associé les services de sécurité, même le ministère de la Justice est concerné par ça. On travaille sur des mécanismes déjà à travers les plateformes de vente des tickets, on va pouvoir identifier les récidivistes. Il y a une étude très sérieuse qui est en train de se faire avec des spécialistes et je sais qu’il y aura des résultats prochainement. Je voudrais là aussi ajouter une chose.
Oui, allez-y…
La beauté des stades réceptionnés et utilisés par nos clubs cette année doit inciter les supporters à devenir plus sages, à avoir le sens de responsabilité et préserver ces stades au lieu d’en faire des lieux de violence.
La violence verbale est un sujet d’actualité, on a tous vu le comportement, cette fois, de certains joueurs à travers plusieurs stades, et ça a influé négativement sur le comportement de la galerie, la presse a pris le relais pour dénoncer, qu’avez-vous à dire là-dessus ?
C’est dommage d’en arriver là en tant qu’Algériens musulmans éduqués, j’espère que c’est un cas isolé, qui ne se répétera pas.
Cette scène partagée à grande échelle sur les réseaux sociaux n’a pas été signalée par l’arbitre ni par le commissaire au match, le rôle de ces derniers d’ailleurs est de plus en plus critiqué…
Effectivement, il y a un peu de passivité, mais on est en train de mettre en place un dispositif pour la nouvelle saison, un projet qui permettra au coordinateur du match (commissaire au match) de travailler sur la rencontre en compagnie des officiers medias et les chargés de sécurité des clubs, ces derniers ont d’ailleurs bénéficié récemment d’une formation par la CAF.
Vous avez évoqué tout à l’heure le rôle des comités des supporters, les relancer fait partie de vos plans initiaux, où en êtes-vous ?
Le mécanisme pour les remettre sur scène existe déjà dans le cahier des charges du club professionnel. Cette année il y a eu l’instauration de la licence club professionnel, exigée par la CAF, et je pense que les clubs sont en train de travailler dessus, via un organigramme et ce dernier doit définir ce département qui doit exister dans un club pro, quant à nous, l’objectif, comme pour les responsables medias et chargé de sécurité, doit être identifié, nous y travaillons et ça commence à donner ses fruits.
Beaucoup d’encre a coulé à propos de la prime réservée au champion à savoir les 15 millions de dinars, d’aucuns pensent que c’est dérisoire, vous-même vous l’avez reconnu, vous avez promis en même temps de revoir les contrats avec vos deux partenaires l’EPTV et Mobilis, afin de remettre à jour votre collaboration et mieux en faire profiter les clubs, du nouveau dans ce dossier ?
Le travail a commencé avec les partenaires, Mobilis, le propriétaire du championnat, et le détenteur des droits télé et on cherche des solutions alternatives. L’objectif, c’est d’aller sur une récompense motivante, qui représente un minimum par rapport à la valeur de notre championnat. Je sais qu’on va arriver à ça, les solutions existent, et pour la saison prochaine, on a même trouvé d’autres mécanismes qui sont d’ordre administratif, via les mécanismes d’enregistrement, le droit d’engagement et comment dégager une plus-value pour qu’à la fin, le détenteur du titre soit bien récompensé.
Y a-t-il des accords conclus avec de nouveaux partenaires ?
Oui, on est en pleines négociations.
Le projet de la Tombola et de l’hymne sont donc toujours d’actualité.
Oui, il y a d’abord celui de l’hymne qui est en train de se préparer, on attend juste la version finale pour la lancer.
C’est un hymne avec de la musique et des paroles…
Non, c’est une sorte de générique, un spot, adopté d’un cahier de charges, car il est spécifique. A l’international c’est entre 45 secondes et 1 minute et 30 secondes. On y travaille, si on arrive à le préparer d’ici la fin de saison, on va le lancer quand même, sans oublier le projet de numérisation (numériser tout le processus), notamment en ligue professionnelle. On est arrivé cette année, elhamdoulilah, à une plateforme unifiée, qui va de toutes les ligues de wilaya jusqu'aux ligues nationales notamment la LFP. On va faire des projets comme celui des accréditations des journalistes, vous avez évoqué aussi le volet récompenses.
Oui…
On est en train de finaliser un processus de vote, pour choisir le meilleur joueur, la meilleure galerie, l’équipe du mois aussi, c’est nouveau, on essayera aussi d’afficher les statistiques des joueurs. Cela demande un travail colossal, mais notre objectif c’est d’en arriver là.
Revenons un peu sur la programmation, on a vu récemment le stade du 5-Juillet-1962 qui n’en peut plus, à cause de la succession des matches, au même moment, il y a le stade de Baraki qui se porte mieux, allez-vous essayer d’équilibrer entre ces deux stades, histoire de les préserver tous les deux ?
Premièrement, il faut tirer chapeau aux ouvriers du stade du 5-Juillet-1962 qui ont accompli un travail remarquable, c’’est un record qu’un stade puisse abriter un nombre important de rencontres, quant au stade Nelson- Mandela, hamdoulilah, on vient de le récupérer et chaque semaine on est en train d’y programmer un match, sachant que les deux terrains sont différents même en caractéristiques techniques. Le 5-Juillet-1962 est plus robuste, et peut abriter plus de matches, avec l’aide de la direction du 5-Juillet-1962, on est en train d’aménager un programme pour pouvoir utiliser les deux infrastructures, on espère même au club du MCA de réceptionner définitivement son stade, comme ça il y aura moins de charge sur le stade mythique du 5-Juillet-1962, et là je dois rappeler l’importance des efforts consentis par notre Etat qui nous a permis d’avoir de beaux stades qui non seulement nous aident dans l’organisation de notre championnat, en plus, ça lui donne une autre dimension.
L’EN A’ entrera bientôt en stage, pour commencer une nouvelle aventure, il y aura des regroupements, parfois en pleine date FIFA et d’autres en dehors des fenêtres, vous avez eu récemment une rencontre avec le DTN, est-ce que ça a un petit peu parlé de ça ?
Non, ça n’a pas parlé de ça, la rencontre était amicale, mais pour le calendrier des sélections, on a pris en considération les calendriers notamment de l’équipe A’ qui va faire certainement des stages. Ce qui est sûr, c’est qu’on va essayer d’utiliser les dates FIFA pour placer cette programmation.
Surtout avec la qualification de trois de nos clubs aux quarts de finale de la LDC et de la Coupe de la CAF
Oui, et là il faut mettre la lumière sur un point important que sont les distances. On ne peut pas comparer les coupes européennes à nos coupes africaines. En Afrique, c’est carrément des safaris, ça demande de la logistique, alors qu’en Europe ils partent le matin et reviennent le soir, c’est pour cela qu’on essaye d’être objectifs. On a tout de même un calendrier tracé sur 3 ans, on a comme échéance finale à savoir la Coupe du monde en 2026, donc l’arrêt des championnats s’impose à la mi-mai. Et si on s’y prend pas maintenant, on va avoir des problèmes. Cette année on compte terminer à la mi-juin, car de l’avis des techniciens, il faut 3 à 4 semaines de repos, sans oublier la période d’enregistrement des joueurs pour les clubs ‘’africains’’ du 1er au 30 juin, ajoutons à cela une préparation de 6 à 7 semaines. On compte démarrer le prochain championnat à la 3e semaine du mois d’août.
Restons sur la sélection A’, on a assisté lors du précédent mandat à une vraie bataille entre le président de l’époque à savoir Medouar et Bougherra, le courant ne passait pas, peut-on dire qu’avec vous c’est une nouvelle page qui s’ouvre ?
Bien sûr, on travaille sous l’égide de la FAF, avec une politique bien tracée par le président de la FAF, le BF, une collaboration totale, on va dire, c’est une feuille de route globale. Sur ce point, la ligue va prendre tous les paramètres avec l’équipe A’, pour essayer de trouver des solutions pour éviter de ralentir le championnat et en même temps donner plus de chance à notre EN et à nos joueurs bien sûr, tout cela va se faire en collaboration totale sans aucun problème.
Si les A’ jouent le tour préliminaire du CHAN programmé en mai, ça risque de freiner le championnat…
Vous savez, si on prend un autre paramètre on va réfléchir autrement, une équipe pro, à 27 licences + 20 licences espoirs, c’est un effectif assez conséquent pour jouer 2 à 3 compétitions, il faut donner la chance à d’autres joueurs. On est au service de notre EN, et en même temps on va sensibiliser nos clubs pour ne pas pénaliser le championnat.
Parlons à présent de l’arbitrage, avec le retour récemment des contestations et des erreurs, ce qui influe négativement sur l’image de la Ligue 1 Mobilis, qu’est-ce que vous en pensez ?
Le président de la FAF a tout fait pour instaurer la VAR dès cette année, sans oublier les efforts du responsable de l’arbitrage M. Abid-Charef, en matière de formation et le lancement des jeunes, les statistiques sont là, je pense que le bilan est positif, il y a une nouvelle génération qui est en train d’émerger, de nouveaux moyens seront mis à la dispositions des arbitres. On devient du coup l’un des premiers pays africains à posséder cette richesse, après j’ai dit qu’il faut toujours un commencement, les erreurs il y a une commission qui fait ses constats et je pense qu’elle prend les bonnes décisions, mais, globalement, on voit un niveau d’arbitrage très conséquent, en constante évolution.
Une VAR sans retransmission télé, vous avez parlé de ça, les gens ne comprennent pas bien, pouvez-vous être plus explicite ?
Ça, c’est un peu technique, la transmission est liée à la transmission HD, il y a une autre technique, à savoir enregistrer un match sans retransmission, la FAF travaille dessus, pour solutionner le souci de l’utilisation de la VAR, l’objectif c’est de couvrir les 8 matches.
Pour cette saison ou la saison prochaine ?
Pour la prochaine saison, et vous me tendez la perche pour expliquer à vos chers lecteurs qu’on est en train d’étaler la journée sur 3-4 jours, dans le but de permettre à cette technique d’être présente dans tous les matches, les bienfaits de la VAR sont visibles, l’années passée en quarts de finale de la Coupe d’Algérie et en championnat les clubs ont eu leurs droits grâce à la VAR, la volonté du président de la FAF et du BF est là à savoir élever le niveau du championnat (le SG de la LFP intervient : on est arrivés à 6 matches sur 8 en une journée avec la VAR, c’est énorme).
L’entrée en scène des 4 VANS de la VAR, c’est pour bientôt ?
Il y a une procédure technique d’homologation qui est en cours avec les responsables de la FIFA, donc dès la saison prochaine on couvrira les matches avec 4 camions et un simulateur pour enseigner, même nos frères africains peuvent maintenant faire des formations ici en Algérie, tout cela c’est un acquis. Il y a quelque temps on n’avait rien, maintenant on devient un pays formateur pouvant maitrisant cette technique, nos arbitres sont certes formés mais ils ont besoin de plus de temps pour bien maîtriser la technique.
On conclut cette interview avec une question qui vous concerne, les gens ont suivi votre parcours, vous êtes arrivé en octobre 2023 en remplacement de l’ancien président Medouar et vous êtes directement entré dans le vif du sujet, est-ce qu’on peut dire que votre expérience de dirigeant à l’ESBA vous a permis de connaître les dessous de la compétition locale ?
C’est sûr, cela fait quand même 14 ans que je suis dans la gestion du football. J’ai acquis beaucoup d’expérience, en tant que dirigeant au sein de l’ESBA avec laquelle j’ai réalisé cinq accessions. Je dois donc beaucoup à ce club. Elhamdoulilah, c’était pour moi un défi de prendre les rênes de la LFP. Je remercie monsieur le président de la FAF Walid Sadi de la confiance qu’il m’a accordée en confiant de larges prérogatives de gestion. C’est un homme de terrain qui de par son expérience et sa compétence va apporter une plus-value au football national, tout en remerciant les dirigeants des clubs pour leur aide précieux ainsi que le personnel de la LFP à sa tête monsieur le secrétaire général Mourad Boussafeur, qui se sont montrés coopératifs, c’était un groupe, on a relevé le défi, ce n’était pas facile, parce que c’est une lourde responsabilité, mais le plus important c’est d’accompagner les clubs, que la ligue soit porteuse de projets de plus- value et tracer une feuille de route ou des objectifs pour améliorer le niveau national et pourquoi pas aller à l’avenir sur un plan de développement. Les clubs cette année sont obligés d’aller vers la formation, tout cela la LFP est en train de le suivre avec la FAF avec comme seul objectif : élever le niveau du football national.
S.M.A
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