EN A’ : un CHAN raté, mais des leçons à retenir

Publié le : 25 Août 2025

L’aventure est déjà terminée pour l’équipe nationale A’. Sortie en quart de finale du Championnat d’Afrique des nations (CHAN) après une prestation terne face au Soudan, la sélection de Madjid Bougherra repart les mains vides mais non sans enseignements. 

Entre bonnes séquences, manques criants et fatigue généralisée, ce tournoi aura servi de révélateur, autant pour les joueurs que pour le staff. Retour sur une participation contrastée, riche d’enseignements mais aussi de regrets.

 

Mauvaise préparation et illusion inaugurale

La campagne de l’Algérie A’ a débuté de manière idéale, avec un large succès (3-0) face à l’Ouganda. Un résultat qui a rapidement suscité des espoirs, mais qui s’est avéré trompeur. L’enthousiasme du premier soir a masqué des carences évidentes qui sont apparues au fil de la compétition. Plus inquiétant encore, ce succès inaugural a peut-être endormi une équipe qui croyait pouvoir surfer sur sa dynamique sans régler ses véritables problèmes. La préparation avait déjà donné des signaux négatifs. Le report du match face à la RDC, les prestations moyennes contre la Mauritanie puis la JSS avaient mis en évidence des failles physiques et mentales. Bougherra pensait pouvoir compenser ces manques par l’envie et la combativité, mais la compétition a rappelé une évidence : on ne rattrape pas une préparation incomplète par la seule bonne volonté.

En deux semaines seulement de travail collectif (contre des préparations d’environ un mois chez les adversaires), les joueurs n’ont pas eu le temps de se régénérer. Beaucoup sortaient d’une saison usante, prolongée jusqu’à la finale de la Coupe d’Algérie début juillet. Mahious, Meziane, Khacef, Boukerchaoui ou Merghem avaient enchaîné sans réel repos, attaquant la préparation dès le 20 juillet sur les rotules. Dans ces conditions, la sélection ne pouvait pas espérer rivaliser sur la durée.

 

Des limites physiques et mentales criantes

Le quart de finale perdu face au Soudan a mis en lumière la principale faiblesse de l’Algérie A’ : son déficit offensif et surtout athlétique. Les Fennecs locaux ont manqué de souffle et d’intensité. Dès la deuxième rencontre, les signes d’essoufflement étaient visibles. Bougherra lui-même a reconnu que son groupe n’avait pas le rythme nécessaire pour répéter les efforts allant même jusqu’à expliquer la méforme de Mahious par sa son état physique limité. À ce problème physique s’est ajouté un facteur psychologique non négligeable. Beaucoup de joueurs, privés de véritables vacances et conscients des enjeux dans leurs clubs respectifs, avaient «hâte d’en finir», selon un membre de la délégation. La fatigue mentale a pesé lourd : concentration émoussée, lucidité absente dans les moments décisifs, frustration grandissante. Certes, l’engagement n’a jamais fait défaut, mais l’énergie et la sérénité faisaient cruellement défaut. Le scénario du tournoi n’a rien arrangé. Avec deux matches amicaux, cinq rencontres officielles et même un match d’application disputé par les remplaçants contre Kampala City, le groupe a enchaîné huit matches en un laps de temps très court. Une cadence intenable pour des joueurs qui n’avaient pas les ressources physiques nécessaires.

 

Des choix de sélection discutables

Ce CHAN a également mis en évidence certaines erreurs de casting. Plusieurs joueurs convoqués par Bougherra n’ont pratiquement pas joué, à l’image de Kohili, Abada ou Mechid. Le coach ne voulait visiblement pas prendre de risques avec eux, notamment les deux premiers, ce qui pose la question de leur présence dans la liste finale, au moment où la rue s’interrogeait sur l’absence de certains éléments comme Dib ou Boukhanchouche qui pouvaient apporter leur vécu dans une compétition pareille. À l’inverse, d’autres éléments ont été surutilisés, au risque de les épuiser.

La gestion du milieu de terrain est particulièrement révélatrice. Privé de Benkhemassa et Benguit, dont l’absence s’est fait lourdement sentir, Bougherra a misé presque exclusivement sur le duo Draoui-Boukerchaoui. Les deux hommes ont brillé contre l’Ouganda, avant de montrer rapidement leurs limites. Pourtant, le staff disposait d’un Mehdi Boudjemaâ, joueur confirmé et reconnu, mais qui a été très peu utilisé. Un choix incompris et discuté.

Même constat dans le rôle de sentinelle, où Merbah a disputé toutes les rencontres sans réelle doublure et sans la moindre concurrence au sein du groupe. Un risque énorme sur un poste sensible. La gestion des blessés a également fait débat : Bouras, touché avec la JSS avant même le départ, a été emmené à Kampala avant d’être libéré sans jouer, alors que des échos d’Ouganda parlaient d’une blessure qui ne pouvait pas lui permettre de rejouer dans le tournoi. Une perte sèche pour l’équipe, notamment dans l’animation du milieu.

En attaque, le vide est apparu flagrant. Après Mahious et Bayazid, Bougherra n’avait aucune solution crédible. Le départ de Berkane au Qatar a pesé lourd, peut-être plus encore que celui de Boulbina. Meziani, convoqué en renfort de dernière minute, n’a rien apporté : entré en cours de match face à l’Ouganda, il s’est blessé, il est ensuite revenu avant de rechuter et a disparu du tournoi. Le secteur offensif, trop dépendant de Mahious, n’a jamais pesé contre les défenses solides, seul Bayazid dont le profil très spécial a pu tirer son épingle du jeu et profiter, à chaque entrée en jeu, de la fatigue des défenses adverses pour marquer à 3 reprises.

 

Enseignements positifs, aventure contestée

Si le bilan comptable est décevant, il serait injuste de ne retenir que les aspects négatifs. Cette participation, longtemps compromise et même rejetée par des dirigeants de la FAF, a tout de même permis à Bougherra et à son staff d’avancer dans leur chantier. Sans ce CHAN, l’Algérie A’ en serait encore au stade des intentions. Aujourd’hui, un noyau de 12 à 13 joueurs s’est dégagé, sur lequel le sélectionneur pourra bâtir.

Le public algérien, d’abord indifférent, s’est progressivement intéressé à l’équipe. Il a découvert des visages, mesuré les carences, mais aussi identifié les forces. Cette sélection n’a pas l’étoffe d’un futur champion, mais elle a donné quelques repères. L’engagement des joueurs a été salué, même si leurs corps ont fini par trahir leurs intentions.

Surtout, cette compétition a offert un vrai volume de jeu collectif. Huit matches disputés (entre amicaux et officiels), des schémas testés (souvent en 4-1-4-1), des automatismes créés : autant d’éléments précieux en vue de la Coupe arabe prévue en décembre. Dans ce cadre, l’objectif n’était pas uniquement de gagner, mais d’apprendre. Et sur ce plan, mission accomplie, même si le prix a été élevé.

 

Coupe arabe et groupe à reconstruire

Le défi de Bougherra commence maintenant. Le CHAN a révélé les limites de certains choix, mais il a aussi permis de voir sur qui le staff pourra compter. Environ la moitié du groupe actuel pourrait constituer l’ossature de l’équipe qui ira disputer la Coupe arabe au Qatar. L’intégration de renforts évoluant dans d’autres championnats (Russie, Qatar, Arabie saoudite… etc.) viendra compléter cette base. Deux stages sont déjà prévus en octobre et novembre, avec au programme des matches amicaux. Cette fois, l’Algérie devrait se préparer sérieusement, avec une vision claire et du temps pour bâtir. La Coupe arabe, dans un contexte plus relevé et un objectif très clair, celui de défendre un titre en poche, sera un vrai test. Bougherra et ses hommes pourraient d’ailleurs recroiser le Soudan de Kwesi Appiah, cette fois encore plus métamorphosé, mais dans des conditions différentes, sur de meilleurs pelouses et un meilleur confort.

Le chemin reste long, mais ce CHAN aura au moins eu le mérite de mettre chacun face à ses responsabilités. Les joueurs savent désormais ce qui est attendu. Le staff a identifié les carences, les postes à doubler, les blessures à gérer différemment. Et le public, sceptique au départ, a vu de ses propres yeux ce que vaut réellement cette équipe. L’heure n’est plus aux illusions, mais à la construction. La préparation, bâclée, a rappelé une vérité simple : on ne construit pas une équipe en deux semaines. L’histoire retiendra que ce tournoi aura servi de répétition générale, l’idéal aurait été de rajeunir, comme espéré initialement par la FAF (l’idée de jouer le tournoi avec des U20 avait été évoquée) mais cela n’a pas été fait. La durée de vie de cette sélection dépendra désormais de la capacité de Bougherra à transformer ce groupe d’un soir en une équipe d’avenir en 4 mois, apte à défendre les couleurs du pays lors de la prochaine Coupe arabe et les prochaines éditions du CHAN.

S.M.A