Kerbadj : «Le CRB ne serait pas dans cette position, si j’avais été clubard»

Publié le : 16 Avril 2014

Le président de la Ligue pro, Mahfoud Kerbadj, est un homme qui a le sens de la communication. Pour lui, la presse, qu’il connaît si bien pour y avoir fait partie à un moment donné de sa vie professionnelle, est un élément majeur dans la bonne santé d’une société. Kerbadj que nous avons rencontré pour cet entretien est un homme qui accepte le débat et la différence. Attaqué de toutes parts, par sa Zen Attitude, l’homme a su renverser la vapeur pour se remettre d’aplomb, «Le football est ma passion, je suis en train de le servir du mieux que je peux. Le reste est futile autour de moi», affirme-t-il sans ambages, pas gêné pour un sou par tout ce qui se dit sur lui.

Tout le monde s’interroge sur votre avenir à la tête de la LFP, oui ou non ?

Je compte d’abord mener cette saison à son terme, soit jusqu’au mois de mai. J’ai déjà annoncé il est vrai que le climat actuel dans le football ne m’encourage pas à continuer ma mission, mais, comme vous le savez, les présidents de clubs pros, que je tiens à remercier chaleureusement, tous autant qu’ils sont m’ont encouragé et m’ont demandé de rester. Ce soutien de la part des présidents de clubs et celui de la FAF et à sa tête le président Raouraoua me permettent de vous dire que j’ai encore la force d’aller jusqu’à la fin de mon mandat, c'est-à-dire jusqu’au terme de la saison 2105-2016.

- Vous êtes aussi membre du Bureau fédéral, en tant que tel est-ce que vous comprenez ceux qui affirment qu’il s’est passé des choses ces dernières semaines, comme par exemple cette affaire Hadjout-USMBA et les sanctions qui ont suivi, des sanctions très « douces » par rapport aux faits ?

- Moi, je dis d’abord que ces incidents sont regrettables, et je souhaite vraiment ne plus les revoir dans nos stades. Maintenant, il faut savoir qu’au sein de la FAF il y a une structure qui s’appelle commission de discipline qui travaille en toute autonomie et en se basant sur les textes de lois. Cependant, il faut aussi savoir qu’on ne sanctionne pas comme ça sur la base d’images de télévision, ceci d’une manière générale. Parce qu’en regardant les images, oui il y a eu des faits très graves mais nous ne pouvons pas établir une vérité sur la base d’une bagarre. Dans ce cas précis, vous conviendrez qu’en se basant sur les images de la télé on voit bien, et de façon claire, les joueurs de Bel-Abbès prendre part à la bagarre. Sur le plan réglementaire et de l’éthique, si on doit sanctionner sur la bases des images, on devrait alors avoir les films de tous les matches…

-  Et pourquoi vous ne le faites pas ? Que coûterait-il à la LFP ou la FAF de se payer des caméras et des hommes pour couvrir tous les matches ?

- On ne peut pas, parce qu’il faut plusieurs caméras pour être sûr de tout couvrir. Pour revenir à votre question sur la nature des sanctions, je ne commente pas les décisions de la commission de discipline, celle-ci est souveraine. Ce que je peux vous dire seulement, c’est que le dossier dudit match est encore ouvert, l’enquête suit son cours.

- Ah bon ! Il faut s’attendre à d’autres sanctions aussi…

 - Il y a une enquête parce qu’il y a une autre affaire dans l’affaire.

- Une affaire de tentative de corruption…

- Oui c’est ça, et pour élucider tout cela il y a une enquête qui est en cours.

- Mais franchement, vous ne trouvez pas que cela commence à faire beaucoup. Ce match s’est déroulé il y a un mois, tout ce temps pour prendre une décision…

- Et bien sachez qu’il y a des affaires dont le dossier reste deux, voire trois mois ouvert avant de la clore.

 - Mais là, il n’y a pas eu mort d’homme pour appeler la criminelle, ou le bureau du coroner, c’est une tentative de corruption, une simple confrontation aurait permis déjà d’avoir un aperçu sur les dires des uns et des autres …

- En tout cas, c’est plus compliqué que vous ne le pensez. Il faut déposer une plainte et toute cette procédure prend du temps. Et puis, il me semble opportun de vous dire que beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. La réglementation chez nous dit que le club recevant est responsable de l’organisation du match et de tout ce qui est inhérent à son bon déroulement, mais dans les faits, pensez-vous vraiment que le club est responsable ? Il ne l’est pas et ne pourra pas l’être tant qu’il ne dispose pas de sa propre structure. Il faut, à mon sens, revoir toute la gestion des structures du football. Maintenant que vous me dites que Hadjout est responsable oui, mais je pourrais surtout vous dire non, parce que ce n’est pas le club, l’USMMH, qui gère le stade, pas plus qu’il n’a aucun droit de regard sur qui entre et qui n’entre pas, qui a accès à telle ou telle tribune et qui ne l’a pas. Moi, je sais ce que je dis, j’ai eu à vivre des situations pareilles, j’étais président de club et je ne pouvais absolument rien au sujet de certaines anomalies dans l’organisation des matches sachant que je ne suis que simple utilisateur du stade. Voyez-vous, c’est là où réside le gros du problème.

- Vous êtes le numéro deux du football algériens, est-ce que vous pouvez nous dire ce que fait ou envisage de faire le BF ou la LFP pour faire avancer les choses dans le bon sens, y a-t-il des projets allant dans ce sens ?

- Je pense que là, ce n’est pas au BF ni à la LFP de faire des projets allant dans ce sens. Cela étant, il faut que les clubs puissent disposer des infrastructures, ceci est aujourd’hui devenu indispensable, comme ça on pourra en juger des capacités des uns et des autres à organiser et ensuite définir les responsabilités de tous dans des faits comme ceux de Hadjout. Je voudrais aussi vous dire que si on prend les normes de sécurité usitées de par le monde, je vous garantis qu’à part Tchaker tous les autres stades du pays seront interdits de compétition, tant ils ne répondent plus à aucune norme. Depuis 2010, an 1 du professionnalisme en Algérie, quand vous regardez la loi de finances complémentaire, il est mentionné certaines mesures adoptées en conseil des ministres pour être mises en application au profit des clubs pros. Depuis, aucun centre de formation n’est opérationnel, aucune club n’en a bénéficié. Rien n’a été fait dans ce sens, voilà quatre années perdues. Je comprends qu’à Alger la chose est difficile, mais soyons sérieux, à Chlef, à Bordj Bou-Arréridj, à Saïda ou Tlemcen, cela peut se faire en un clin d’œil. Tenez par exemple, tout récemment nous étions en train de discuter des matches en nocturne. Moi, je peux vous programmer tous les matches à partir de 20 heures, ceux-ci devraient se terminer à 22heures. Mais dites-moi franchement, pensez-vous que le supporter qui n’est pas véhiculé va trouver un moyen de transport pour rentrer chez lui ? Autre chose, trouvez-vous normal qu’à chaque fois que le CRB ou El Harrach jouent, le métro et le tramway s’arrêtent ?

- On va parler de vous maintenant. On vous colle l’étiquette du Chababiste depuis votre accession au poste de président de la Ligue. Ça vous colle encore cette étiquette en rouge et blanc ?

- Le problème, c’est quoi ? C’est que j’ai une étiquette de part et d’autre. Les supporters du CRB aussi me collent une étiquette. Certains d’entre eux disent que si l’équipe est en bas du tableau, c’est parce que c’est de ma faute. Alors, voyez-vous, des étiquettes on m’en colle encore.

- Parfois, il y a des faits qui jouent en votre défaveur, comme cette sanction d’un match à huis clos contre le CRB. D’aucuns soutiennent mordicus que la décision avait été retardée d’une semaine afin de permettre au CRB, votre ancien club, de jouer la JSK avec la présence du public et de ne sortir la décision qu’une semaine plus tard. Un commentaire…

- Les décisions de la CD, je vous le jure je n’en prends connaissance qu’après avoir reçu le PV que cette commission m’envoie. Jamais, je dis bien jamais, au grand jamais, je n’ai essayé d’influencer ou d’intervenir de quelque sorte que ce soit dans les affaires de cette commission, jamais. Les gens parlent souvent sans mesurer les conséquences de leurs propos, c’est regrettable.

- Franchement, vous n’intervenez pas dans la gestion du CRB…

- Gérer non, au CRB il y a toute une équipe dirigeante et c’est à elle que revient le droit de gérer le club comme bon lui semble. Cependant, quand on me demande mon avis sur telle ou telle chose, je le donne, sans plus. Mais gérer, jamais.

- Mais vous êtes bien parti avec Slimani en France pour négocier avec le président Kita du FC Nantes. On vous le dit franchement, de par le monde, jamais un président d’une ligue n’a fait un «truc» pareil…

- Oui, j’ai accompagné Islam Slimani à Paris et je l’ai fait devant tout le monde. Je ne suis pas parti en cachette à ce que je sache. Je vais vous dire pourquoi. D’abord, parce que le président Malek n’avait pas de visa, ensuite parce qu’il ne maîtrise pas ce type de négociations. Voila pourquoi j’ai accompagné Slimani.

- On dit aussi que vous avez pris une commission dans ce transfert …

- Et qu’est-ce qu’on n’a pas dit alors ?! Et bien sachez que les billets d’avion de Slimani et le mien, c’est moi qui les a payés de ma poche. Voilà toute la vérité, et vous pouvez demander à Slimani comme à son agent pour confirmer ce que je vous dis ici. Jamais je n’ai pris le moindre sou, bien au contraire… Maintenant, si les gens veulent raconter des balivernes, grand bien leur fasse.

M. O.

 

 

Kerbadj suite

Bio express

Mahfoud Kerbadj est né le 3 juin 1953 à Jijel. C’est à Alger qu’il fit ses études et réussi son baccalauréat. Il entre ensuite à la Fac de droit de Ben Aknoun où il décroche quelques années plus tard sa licence. Son service militaire, il l’effectue dans un escadron de la gendarmerie nationale au grade d’officier de réserve. Après le SM, il est cadre à la direction générale de la sécurité sociale. Au début des années 80, il est nommé directeur de l’administration au journal Ech Chaâb, avant de devenir par la suite directeur à la radio, puis directeur de la Société d’impression d’Alger. En octobre 1993, Mahfoud Kerbadj est nommé DG de l’imprimerie officielle qu’il dirige encore aujourd’hui.

 

 

Il a été le 1er à voir sortir des rotatives de la presse indépendante

DG de la SIA vers la fin des années 80, le président actuel de la LFP s’enorgueillit de dire qu’il a été le premier à avoir vu la naissance effective de la presse indépendante. «J’ai vu les numéros un du Soir d’Algérie, d’El Watan et bien d’autres titres de la presse, sortir des rotatives, alors que j’étais DG de la Société d’impression» indique t-il, non sans une pointe de fierté.

 

Le CRB lui colle à la peau

Mahfoud Kerbadj est un supporter invétéré du Chabab de Belouizdad, mais il ne s’en cache pas, et en plus, il sait faire la part des choses.  «C’est mon club de cœur, je n’y peux rien. Mais pour autant, je ne me permettrai jamais de le favoriser de quelque manière que ce soit.» Ce club lui colle à la peau et il en est fier, Kerbadj avoue franchement  que certaines défaites le rendent complètement malade.

«Oui, j’ai accompagné Islam Slimani à Paris et je l’ai fait devant tout le monde. Je ne me suis pas caché à ce que je sache.

 

«Trouvez-vous normal qu’à chaque fois que le CRB ou El-Harrach jouent, le métro et le tramway s’arrêtent ?