CAF: Ahmad renverse Hayatou de son trône

Coup de tonnerre à la CAF, en charge depuis près de trois décennies (1988) et souvent réélu sans opposition, le Camerounais Issa Hayatou a perdu son poste de président de la CAF, c’est le Malgache Ahmad Ahmad, qui, contre toute attente, a remporté les élections qui se sont tenues hier dans la capitale éthiopienne, Addis- Abeba. 

Ainsi donc, et à la grande surprise des présents et des amoureux du foot en Afrique, mais aussi dans le monde entier, le vieux Camerounais a subi une humiliante défaite, le Malgache ne s’est pas contenté de le battre, il lui a infligé un score inattendu : 34 voix contre 20. Il s'agit du 6e président depuis la création de l'institution il y a 60 ans.

Dés l’annonce du résultat, des cris de joie libérateurs ont retenti dans l’auditorium Nelson Mandela de l’Union africaine, où le vainqueur, Ahmad, a été porté en triomphe jusqu'à la tribune. Parmi les faits marquants de ces élections, c’est le moment de l’annonce du début du vote, en fin de matinée, alors que l’opération allait commencer. Hayatou, le désormais ex-patron de la Confédération africaine de football, a quitté la salle pour revenir à la fin, il ne tardera pas à recevoir le coup de massue auquel il ne s’attendait sûrement pas, avant de quitter une fois pour toutes les lieux, accompagné de son compatriote et ex-star, Roger Milla, en refusant de s’adresser aux médias.

 

Infantino a fait la différence

Après avoir régné pendant près de 30 ans sur la CAF, Hayatou ne portera plus la couronne, et la presse internationale lie déjà cette défaite à son soutien au candidat  Cheikh Salmane lors des élections de la FIFA aux dépens d’Infantino, l’élection de ce dernier n’aura donc pas été sans dégâts pour le Camerounais. Le président de la FIFA, Gianni Infantino, était déjà présent à Addis-Abeba pour assister au vote, et des rumeurs ont fait état de son soutien -non déclaré publiquement- à M. Ahmad. Il faut dire que ses voyages ces derniers temps en Afrique étaient de plus en plus nombreux, notamment lorsqu’il est allé au Zimbabwe avec sa SG, la Sénégalaise Fatma Samoura, où il a fêté la victoire de Philip Chiyangwa, lors du congrès de la Fédération zimbabwéenne de football, couplée de son anniversaire. Sur place il y avait les présidents des associations de la COSAFA, soit 14 fédérations, et cela avait fait paniquer Hayatou et il avait entièrement raison.

 

Lobbying

«Ça va, ça avance», lâchait Ahmad dans un grand sourire, la veille de l'élection, dans un couloir d’hôtel. Une déclaration qui pouvait ressembler à du bluff, alors qu’il sortait d’une réunion avec une quinzaine de délégués seulement, mais le Malgache n’a visiblement pas été tout seul dans cette affaire...Une source indique que, dans la chambre du président de la Fédération internationale de football, venu assister à cet événement, les tractations se sont poursuivies toute la nuit en faveur du Malgache, qui aura à appliquer son plan et essayer de sortir le foot africain de son agonie. Hayatou, pour sa part, quitte la CAF par la petite porte, après avoir fait beaucoup de dégâts, notamment aux pays d’Afrique du Nord, dont l’attribution des CAN jusqu’en 2023 à des pays d’Afrique noire.

S.M.A

Ahmad Ahmad : «Je veux incarner un nouveau mode de gouvernance»

« Je suis un homme de dialogue »

« On doit avoir au moins 10 places en Coupe du monde »

 

Elu hier à la tête de la plus grande instance africaine du football, Ahmad Ahamed a accordé, il y a une quinzaine de jours, une interview au site suisse Le Matin. Dans cet entretien, il décortique son programme, affirmant que sa politique sera l’opposé de celle d’Issa Hayatou.

 

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la course à la présidence de la CAF ?

J’aime beaucoup cette notion grecque de kairos, qui signifie l’instant T de l’opportunité : avant, c’est trop tôt et après, trop tard. Et là je sens que le temps du changement est venu pour refonder une nouvelle CAF. Je veux résolument incarner un nouveau mode de gouvernance. Je ne serai pas un président qui décide seul dans son bureau de façon autocratique, mais je ferai participer toutes les associations nationales dans mes grandes décisions.

Vous avez en face de vous Issa Hayatou, un monument des instances du football mondial qui en connaît toutes les ficelles. Quel est votre plan pour le faire trembler ?

Mon objectif n’est pas de le faire trembler, mais de le battre. Monsieur Hayatou, qui est en fonction depuis plus de trente ans, est le garant d’un héritage. En dépit de tout le respect que j’ai pour lui, il y a un devoir d’inventaire à mener. Vous savez, en politique, la notion d’usure du pouvoir est une réalité. Après sept mandats, il est tout à fait naturel de sombrer dans une espèce de léthargie et de routine où la force de l’habitude freine toute velléité de changements et de réformes.

Franchement, est-il réaliste d’y croire ?

Vous savez, une élection comme celle de la CAF, c’est comme un match de football : ce n’est pas toujours le favori qui gagne. Et j’ai de nombreux soutiens derrière moi, comme ces nombreuses associations nationales qui n’ont qu’une seule hâte : que le changement arrive enfin !

Certains de vos adversaires prétendent que vous n’avez pas les épaules pour ce poste…

Moi je trouve cela plutôt bon signe. Cela signifie que mes adversaires sont fébriles et qu’ils n’ont pas d’arguments de fond à m’opposer. J’ai été ministre dans mon pays, j’ai le cuir épais. Je connais par cœur les basses manœuvres d’une campagne politique.

Quels sont vos atouts ?

À 57 ans, j’ai à la fois l’expérience et l’énergie pour servir au mieux le football africain. De plus, je suis un homme de dialogue toujours soucieux des points de vue de mes interlocuteurs. Ainsi, mon bureau restera toujours ouvert, je serai un président accessible qui aura comme objectif suprême de réconcilier les acteurs du football africain.

Et quelles sont vos autres priorités ?

Elles sont évidemment nombreuses tant le chantier est immense. Je veux mettre en place une gestion moderne, dynamique et surtout transparente. Tous les dirigeants de la CAF seront soumis aux contrôles d’éligibilité et d’intégrité avant les élections. Les structures permanentes du siège de la CAF au Caire seront entièrement repensées pour éliminer les lourdeurs et alléger les procédures. Le personnel permanent qui travaille au siège de la CAF en Egypte devra répondre à un nouveau système de quota. Avec moi, la moitié du staff permanent devra provenir des 53 autres pays afin d’apporter un plus grand équilibre entre les associations africaines.

Justement, qu’est-ce que vous demandent les fédérations africaines ?

Elles me demandent d’en finir avec le népotisme et le clientélisme. Elles veulent aussi jouer un rôle plus important au sein de la CAF. Ça tombe bien, c’est précisément dans mon programme ! Ainsi, je serai un président de la CAF qui n’aura ni tabou ni opacité en matière de transparence dans la gestion de ses finances. Je partagerai donc ma responsabilité sur les finances avec un collège spécial des présidents d’associations nationales. Vous savez, les associations sont copropriétaires de la CAF et elles doivent être traitées non pas comme des vassaux, mais avec tout le respect qu’on leur doit.

Que reprocheriez-vous au règne sans fin de Monsieur Hayatou ?

Au-delà du règne sans fin, c’est plutôt une fin de règne que les acteurs du football africain ressentent. Mais je répète, il n’y a rien de personnel contre Issa Hayatou. Entre lui et moi, ce sont d’abord des divergences sur la manière de gouverner le football africain.

Issa Hayatou est le seul (ou presque) des dirigeants historiques mondiaux du football à ne pas avoir été inquiété directement par les problèmes de corruption à la FIFA, sans qu’il ne soit épargné par les rumeurs et les accusations. Comment expliquez-vous cela ?

Je veux être président de la CAF, pas procureur. De plus, je ne connais pas dans le détail ces dossiers. Son passé lui appartient, et je n’ai donc pas à en juger. Monsieur Hayatou est mon adversaire, mais je ne me prêterai jamais à la politique des boules puantes. Je souhaite qu’entre lui et moi, cela reste un débat d’idées.

Si je vous dis : vu d’ailleurs, la CAF donne l’image d’une institution de droit divin, où le chef décide du sort de ses sujets. Il décide de tout avec le soutien de personnes dont la préoccupation est avant tout de garder une position. Que répondez-vous ?

Sans juger le fondement de vos impressions, je vous promets que mes méthodes de gouvernance sont diamétralement opposées à celles que vous évoquez.

Selon vous, combien de représentants à une Coupe du monde l'Afrique devrait-elle obtenir ?

Vu le rayonnement du football africain dans tous les grands championnats à travers le monde, il me semblerait approprié d’en obtenir au moins dix.

Le football africain est une mine inépuisable de talents. Et pourtant, les championnats nationaux sont toujours dévalorisés. Pourquoi ? Pensez-vous pouvoir changer cela ?

C’est vrai, l’Afrique est aujourd’hui la place forte du football mondial en termes de talents. Il faut profiter de cette chance. Ainsi, je vais m’employer de toutes mes forces pour valoriser le football africain à travers le monde en intensifiant les rapprochements avec les autres continents. Ainsi, je mettrai en avant le meilleur du football africain en créant de grands événements comme, par exemple, des tournées de prestige du champion d’Afrique en titre et du vainqueur de la Ligue des champions.

 Le filon des talents africains fait le bonheur des clubs sur tous les autres continents. Mais derrière les réussites, il y a beaucoup de souffrance. Est-ce une priorité de protéger les jeunes joueurs ?

Bien sûr que c’est une priorité. Comment rester insensibles à ces destins tragiques ? Je prévois d’ailleurs la mise en place d'une charte de protection des jeunes talents. Moi président, la CAF surveillera de plus près le système de libération de jeunes joueurs avec notamment une commission qui examinera les contrats de sortie des jeunes de moins de 18 ans et l'enregistrement centralisé de tous les contrats.

Que devrait faire la FIFA pour endiguer le phénomène ?

C’est un problème que l’on réglera uniquement de façon collective. La CAF s’appuiera donc sur la FIFA et les autres confédérations dans le but d’adopter un système de protection pour les jeunes talents. Ce sera ainsi mon rôle de souligner l’urgence de cette problématique en multipliant les échanges et les discussions entre les principaux acteurs du foot mondial.

In lematin.ch

Entre Gianni Infantino et Issa Hayatou, ce n’est pas le grand amour. Est-ce que cela signifie que le président de la FIFA vous soutient dans votre quête présidentielle ?

«Je n’ai pas les mêmes informations que vous ! J’ai lu qu’il ne prendrait pas part à l’élection et je trouve qu’il est dans son rôle de président de la FIFA dans son impartialité.» (Le Matin)

Qui est ce bourreau de Hayatou ?

 

L’élection du nouveau président de la CAF Ahmad Ahmad a été saluée par l’ensemble des acteurs de la scène footballistique africaine, qui avait hâte d’en finir avec l’increvable Hayatou. Ont-ils raison de jubiler ?

Ancien joueur, entraîneur et ministre de la Pêche de son pays, le Malgache avait mené campagne contre le président sortant en promettant « une transparence dans la gestion » de la CAF et la fin des « pratiques obsolètes », tandis qu'Issa Hayatou avait évoqué jeudi matin « une expérience et une sagesse inégalées ».

Pourtant, aucun des deux hommes ne peut se targuer d'une réputation sans failles.

Le nom d’Ahmad a ainsi été cité par le Sunday Times dans l'affaire de corruption qui a entouré l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Selon le journal britannique, il aurait perçu 30.000 à 100.000 dollars en échange de son vote pour le Qatar, ce que l'intéressé dément formellement.

Qu’à cela ne tienne, le nouveau patron du foot africain présente un CV intéressant en matière de gestion, la CAF en a vite publié une copie hier, histoire de rassurer :

- membre du comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) ;

- président délégué de la commission de recours de la FIFA ;

-fondateur des Jeux régionaux à Madagascar (jeu de Melaky en 1989) ;

- Secrétaire général adjoint de la Ligue de football de Mahajanga (1988/1993) ;

- vice-président de la Fédération Malagasy de handball (2000/2003) ;

 - vice-président de la Fédération Malagasy de sport pour tous (depuis 2000) ;

 - membre de la Fédération internationale de cinéma et télévision sportive (depuis 2000).
Et avec un niveau basique en informatique, cet homme de 58 ans a presque tout connu avant de présider la FMF. A partir de son bac décroché en 79 et son premier job en 86 (prof de sport) il a été chef de service, directeur et actuellement sénateur et vice-président du Sénat dans son pays. Il a le bagage nécessaire pour pouvoir s’entourer de gens compétents et prendre les décisions qui s’imposent au profit du foot africain. Il aura en revanche la dure mission de faire mieux que Hayatou côté rentabilité, ce qui n’est pas facile à atteindre vu l’argent ramassé par Hayatou à la CAF durant la période de son règne.

S. M. A.

 

 

 

 

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