Depuis hier, Ahcène Lalmas ne fait plus partie de notre monde. Il est parti auprès de son Créateur à l’âge de 75 ans. Après avoir lutté vaillamment de longues années contre sa maladie, « El-Kebch », comme le surnommait ses amis de sa génération, a rendu l’âme hier aux alentours du 15h30 à Alger.
Le meilleur joueur dans l’histoire du football national a décédé de raccrocher, sans faire trop de bruit. Il est parti dans la dignité à la hauteur de sa grandeur. Né un certain 12 mars 1943 dans le quartier de Bir Mourad Raïs (Alger), Ahcène Lalmas est venu au monde pour faire plaisir aux gens qui avaient besoin de ses services, mais aussi pour créer de la joie aux jeunes à la faveur de ses prouesses sur les terrains de football. A l’aube de l’Algérie indépendante, fatiguée par sept ans de lutte de libération contre le colonialisme français, Lalmas pointe le nez d’un artiste qui fait consensus autour de lui. De l’OM Ruisseau au Chabab de Belouizdad, il s’est installé ostentatoirement comme meilleur footballeur de l’Algérie indépendante. Un statut qui saura le conserver même après s’être retiré au terme de sa dernière saison de footballeur au sein de l’IRB Santé. En marquant 14 buts dans un match de football officiel avec l’OMR contre Birtouta, Lalmas signe déjà son premier record jamais égalé. Au CR Belcourt, il connaît les cimes de sa carrière. De 1963 à 1973, il a écrit en lettres d’or son nom chez les Belcourtois en particulier et les amoureux du ballon rond en général. S’il a été porté sur le trône du meilleur joueur dans l’histoire du football algérien, c’est pour la simple raison que son talent était carrément exceptionnel. Evoluant au poste d’attaquant, Lalmas a offert aux Rouge et Blanc quatre titres du championnat, trois coupes d’Algérie et trois coupes maghrébines des clubs champions. En 1973, il change de maillot pour celui du voisin nahdiste avant de le quitter au terme de deux saisons avant de partir à l’IRB Santé où il signe son acte de fin de carrière en 1976.
Il sera inhumé aujourd’hui à Garidi
Après avoir rendu le dernier souffle hier, le légendaire Ahcène Lalmas sera inhumé aujourd’hui au cimetière de Garidi à Kouba (Alger). L’information nous la tenons auprès de son entourage familial selon lequel l’enterrement se fera après la prière de dohr. Compte tenu de la popularité du très ‘’humain’’ Lalmas, il est prévu la présence d’une foule nombreuse des personnalités du football algérien et des autres secteurs d’activité. Lalmas aura des funérailles à la hauteur de sa grandeur. Repose en paix l’artiste. Repose en paix l’homme.
Naoufel A.
Djilali Selmi : «Peiné par la disparition de ce grand homme»
Légende vivante du Chabab, Djilali Selmi s’est prononcé sur le décès de son ami, frère et ancien coéquipier, à savoir Hacen Lalmas. «C’est un grand homme qui vient de disparaître, et j’avoue que je suis très peiné par son décès. Ce n’est pas uniquement une perte pour la famille du CRB, c’est une grosse perte pour toute l’Algérie et le sport de notre pays. Je m’excuse de ne pas pouvoir vous en dire plus. C’est un grand sportif, et c’est un grand homme aussi.»
- B.
Abrouk : «Un exemple de courage et d’homme digne»
L’ancien gardien du Chabab de Belouizdad, Mohamed Abrouk, a longtemps côtoyé le défunt Ahcène Lalmas en tant que joueur, mais même après la fin de leur carrière. Abrouk se rappelle de cette position courage pleine de dignité chez Ahcène Lalmas qui a refusé de courber l’échine à cette maladie l’ayant obligé de rester à l’écart des médias. «Ahcène, que Dieu ait son âme, est, pour moi, un exemple de courage et d’homme libre», témoigne l’ancien portier de la glorieuse équipe du CRB des années 1960. « Peu nombreux sont ceux qui savent quelque chose sur la dignité de cet homme. Bien qu’il soit pris par la maladie pendant de longues années, il a su quand même se montrer vaillant. Il n’abdique jamais. Il n’exprime jamais ses difficultés. Il sait toujours véhiculer cet image d’homme debout, malgré les difficultés dues à sa maladie», dira Abrouk qui ne manque pas d’exprimer sa désolation après l’annonce de la mort d’Ahcène Lalmas. «Franchement, je suis très peiné par la disparition de Lalmas. La nouvelle de sa mort est tombée telle une foudre sur nos têtes», fait remarquer l’ancien portier du CRB et des Verts qui, pour ressortir la position courageuse du défunt dans la lutte contre la maladie, nous raconte cette histoire : «Ça m’arrive que je me déplace pour le transporter à l’hôpital. C’est là qu’il m’a impressionné par son attitude pleine de courage me disant ceci : ‘’Je vais marcher pour vaincre la maladie’’.» Et d’ajouter : «C’est tout simplement un grand homme qui mérite un hommage à la hauteur de sa grandeur.» Invité à témoigner sur la carrière du défunt comme footballeur, Abrouk dira : «Il faut tout un livre pour pouvoir discuter de la riche carrière du défunt et son immense talent.»
- A.
Kalem : «Une icône du football qui s’éteint»
Tout comme l’ensemble des amateurs du football algérien, l’ancien attaquant de charme du CRB, Mokhtar Kalem, est sous le choc de l’annonce de la mort de son ancien coéquipier d’équipe, Ahcène Lalmas. «C’est un triste jour pour nous. C’est ça la vie, mais nous sommes tous sous le choc de la mort de Lalmas», dira Mokhtar Kalem joint hier par téléphone. Au passage, il ne manquera d’énumérer les qualités footballistiques du défunt se joignant à la thèse selon laquelle qu’il est le meilleur joueur de tous les temps pour le football algérien. «C’est une icône de la discipline qui vient de nous quitter», souligne l’ancien buteur attitré des Rouge et Blanc de l’ex-Belcourt allant jusqu’à dire : «Lalmas est tout simplement une légende. Je retiens de lui ces qualités de grand footballeur, mais aussi son tempérament de gagneur. J’ai aussi aimé en lui ces qualités humaines d’une personne qui refuse la jalousie.» Et de renchérir : «Dommage que les jeunes ne connaissent pas grand-chose de ce personnage. C’est quelqu’un de très timide et surtout charitable. Il n’a jamais fermé la porte à ceux qui sollicitaient son aide.» Mokhtar Kalem raconte, meurtri, les moments difficiles traversés par l’homme pendant sa maladie. «Il souffrait en silence», note-t-il avant d’ajouter : «Il a beaucoup souffert de sa maladie. Il était vraiment indépendant. Les dernières années lui ont été vraiment difficiles. Il était dans un état comateux. Même si nous sommes peinés par sa disparition, nous devons accepter la volonté du Tout-Puissant. Ainsi est faite la vie. Que Dieu ait son âme». Kalem souhaite que sa mémoire ne soit pas enterrée avec lui, d’où la nécessité de transmettre les bonnes valeurs de l’homme à la nouvelle génération.
- A.
Hansal : «Je suis triste !»
L’ancien arbitre international, Mohamed Hansal, connaît très bien Lalmas décédé hier à Alger. Il exprime en premier lieu sa tristesse en disant : «Je suis vraiment triste la disparition de Lalmas», dit-il avant d’apporter le témoignage suivant : «C’est une grande figure du football national qui aura réussi à marquer l’histoire par ses qualités humaines et celles d’un grand footballeur. Je l’ai côtoyé pendant la période 1997/1998 au bureau fédéral de la Fédération algérienne de football (FAF) du temps de feu Mohamed Diabi. C’était tout simplement un vrai monsieur. C’est une grande légende du football qui va laisser sans l’ombre d’un doute un immense vide. Je l’ai arbitré alors qu’il défendait les couleurs du NA Hussein Dey. Je me rappelle bien ceux qui disaient que le match n’a aucun goût sans la présence de Lalmas tellement il jouait un football merveilleux. La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était en février dernier. Dans le cadre des actions initiées par l’association La Radieuse, nous lui avons rendu visite. Cela lui a fait grandement plaisir. Il était tellement heureux. Lalmas est connu aussi pour sa bonté et son tempérament porté vers l’aide des autres. Malheureusement, il est tombé dans les oubliettes». L’ancien arbitre international ne manque pas, en cette douloureuse occasion, de présenter ses condoléances à la famille d’Ahcène Lalmas priant Dieu d’accueillir le défunt dans Son vaste paradis. Hansal pense aussi nécessaire de mener des actions à même de faire valoir aux nouvelles générations les qualités de Lalmas, un modèle de l’homme brave et digne. «Un véritable monument du football algérien», conclut-il.
- A.
Ce qu’il faut savoir sur Lalmas
Il a été désigné après un sondage organisé par le journal sportif Echibek à la fin de 1999 auprès de cent cinquante personnes : joueurs, entraîneurs, dirigeants, arbitres et journalistes. Dans le classement établi à la faveur de ce sondage, Ahcène Lalmas a obtenu la première place avec 478 points, soit 200 de plus que l’autre star du football algérien Rabah Madjer. Il a fait l’unanimité chez la plupart des sondés. Cet écart de points illustre la valeur de ce joueur qui a rayonné pendant une quinzaine d’années sur les terrains d’Algérie. Il est de loin le sportif algérien qui a le plus marqué son temps. Ayant accompli toute sa carrière de footballeur en Algérie, Ahcène a débuté avec l’OM Ruisseau avec lequel il a réalisé un record original qui n’a d’ailleurs jamais été battu par un autre joueur.
14 buts en un match officiel
Il a inscrit à lui seul 14 buts en une seule rencontre officielle. C’était un match éliminatoire de Coupe d’Algérie contre la formation de Birtouta, qui avait encaissé ce jour-là 18 buts. Lalmas a ensuite signé une licence au sein du club voisin, le CR Belouizdad, un club créé en 1962 issu de la fusion de deux clubs de Belcourt, le WRB et le CAB. Avec cette formation, il a marqué le football algérien des années soixante.
Il a décroché 4 titres de champion (1965, 1966, 1969 et 1970) et trois Coupes d’Algérie (1966, 1969 et 1970) et trois fois (1970, 1971 et 1972) le titre maghrébin. En équipe nationale, il a été convoqué pour le premier match de l’équipe algérienne indépendante, le 6 janvier 1963, contre les espoirs de la Bulgarie ; il n’avait pas encore dépassé les 20 ans lorsqu’il a été appelé par le trio d’entraîneurs composé d’Abdelkader Firoud, Smaïl Khabatou et Abderrahmane Ibrir. Evoluant en amateur en Algérie, Lalmas était toujours appelé en sélection, même lorsqu’on faisait appel aux joueurs professionnels évoluant en France, ceux qui avaient fait les beaux jours de l’équipe du FLN.
Mémorable but contre Yachine
Le match livré le 4 novembre 1964 à Alger devant la grande équipe de l’Union soviétique qui possédait dans ses rangs plusieurs célébrités dont Lev Yachine, considéré jusqu’à aujourd’hui comme le plus grand gardien de tous les temps. Menés au score (2-1), les Algériens avaient enregistré en seconde mi-temps la rentrée de Lalmas qui avait réussi à égaliser pour son équipe d’une magistrale reprise de la tête qui avait pris à défaut Yachine.
La légende Lalmas était née, Ahcène fera l’histoire du football algérien tant son influence sur le jeu, sa combativité, sa maîtrise du ballon, son extraordinaire clairvoyance, ses dribbles déroutants et son sens très aigu du but étaient développés chez ce joueur comme on fait peu. A son ombre pousseront de jeunes talents et sa classe fera des émules qui ont pour noms Amirouche, Fréha, Salhi, Seridi, Selmi, Kalem et Betrouni, entre autres. En plus de ses qualités de buteur, Lalmas a toujours eu un certain ascendant sur ses coéquipiers, ce qui l’amena petit à petit à se transformer en stratège, abandonnant le poste d’avant-centre. Son intelligence de jeu, ses qualités de meneur d’hommes et ses accélérations décisives en avaient fait l’un des joueurs les plus complets du continent africain. A la fin de sa carrière, il avait quitté le Chabab pour intégrer le NA Hussein Dey avec sa pléiade de jeunes talents qui avaient pour noms Ali Fergani, Mohamed Khedis, Meziane Ighil et Mahmoud Guendouz. Au crépuscule de sa carrière, pointait la réforme sportive qu’il ne vivra pas en tant que joueur. Lui qui avait tout donné à l’Algérie du football a raté cette politique qui allait tout donner au sportif dans une espèce d’action de retour. Il a tenté par la suite une carrière d’entraîneur mais la réussite n’a pas été au rendez-vous.
Vivre en retrait
Son franc parler l’a souvent poussé à l’excès et il n’en reste pas moins qu’il a réussi à tirer son épingle du jeu. Il ne s’était pas fait que des d’amis dans le football. Il n’en demeure pas moins que c’est ce monde du football qui a reconnu en lui le meilleur joueur algérien du siècle précédent. Vivant complètement en retrait, Lalmas a évité ces dernières années tout contact avec le milieu du football ou de la presse. Souffrant d’une longue maladie, Lalmas a rendu hier l’âme quittant ainsi ce monde et celui du football qu’il chérissait tant.
Tiré des Archives du football algérien