L’affaire Omar Rafik continue de faire des vagues, le refus du joueur d’Al Shamal de rejoindre la sélection algérienne a fait très mal aux amoureux du football national, au point de faire bouger les choses du côté de la FAF qui s’apprête à ouvrir une enquête.
L’objectif de la démarche sera de comprendre les détails du transfert du joueur vers le Qatar en compagnie de 2 autres anciens académiciens et, surtout, tenter de comprendre les raisons du refus de porter le maillot des Verts et si cela a un lien avec une éventuelle prochaine sélection en équipe nationale du Qatar. Dans le monde du football, la question de la naturalisation se pose à deux niveaux différents : celui des rapports des clubs avec leurs joueurs et celui des équipes nationales. Pour le dossier que la FAF a décidé d’ouvrir, c’est évidemment ce 2e niveau qui intéresse.
Naturalisations utilitaristes
Pour le football, les règles sont clairement posées : la nationalité est une condition pour jouer dans une équipe nationale. Selon le règlement de la Fédération internationale de football association (FIFA) : «Tout joueur possédant à titre permanent la nationalité d’un pays […] est qualifié pour jouer dans les équipes représentatives de l’association dudit pays.» La règle est soumise évidemment à d’autres facteurs, aussi bien chez les jeunes qu’en catégorie senior. Le Qatar, pays cherchant encore l’excellence dans le domaine du sport, a été l’un des premiers à se lancer dans la naturalisation.
Au fil des années, les abus fréquents de la part de certains pays ont provoqué un durcissement des réglementations de la FIFA. La FIFA a ainsi adopté une politique plus contraignante en réponse à la tendance croissante qu'avaient certains pays, comme le Qatar, à naturaliser des joueurs étrangers, en particulier brésiliens - qui n'ont pourtant aucun lien avec le Qatar - dans le seul but de les intégrer à l'équipe nationale. Ceci a provoqué une polémique : plusieurs observateurs ont accusé, à cette période déjà, le Qatar d'«acheter une équipe» et de «fabriquer ses stars». En effet, une grande partie des joueurs de l'équipe nationale du Qatar ne sont pas réellement qataris ou le sont à la suite d'une naturalisation récente, l’exemple des Boudiaf et autres Khoukhi, les deux seuls joueurs que le grand public algérien connaissait, en est la parfaite illustration, mais il y en a encore des dizaines, et ce pays n’est pas prêt à se rassasier.
Le «lien évident» pour éviter les abus
Afin de freiner ce fléau qui menaçait le football, la FIFA a alors promulgué en 2004 une nouvelle réglementation de sa politique à l'égard des binationaux : les joueurs doivent désormais être en mesure de démontrer un «lien évident» avec le pays dans lequel ils ne sont pas nés mais qu'ils souhaitent représenter. Ce «lien évident» implique que le joueur doit avoir au moins un parent ou grand-parent qui est né dans ce pays ou, à défaut, y avoir lui-même résidé au moins deux ans, un jeu d’enfant pour le Qatar, même si ce pays n'était pas le seul à faire usage du phénomène des «naturalisations de masse» pour améliorer son équipe, le Togo a aligné 6 joueurs brésiliens lors des qualifications de la CAN avant de les amener à la Coupe du monde 2006. Face à la propagation de cette situation, en novembre 2007, le président de la FIFA, Sepp Blatter, a déclaré à la BBC : «Si nous ne mettons pas fin à cette farce, si nous n’arrêtons pas ce flux de joueurs en provenance du Brésil vers l'Europe, l'Asie et l'Afrique, il y aura, sur les 32 équipes qui participeront aux prochaines coupes du monde (2014 et 2018), 16 dont la moitié seront des joueurs brésiliens.» Résultat :la date d'obtention de la double nationalité pour les joueurs n'étant pas née, n'ayant aucun lien d'ordre familial ou ne possédant aucune ascendance parentale dans un pays spécifique a été prolongée de deux à cinq ans en mai 2008 au Congrès de la FIFA dans le cadre des efforts de Blatter pour préserver l'intégrité des compétitions impliquant des équipes nationales.
Mercenaires du sport
La règle des 5 années est donc entrée en vigueur, et depuis rien ne semble avoir changé. C’est cette règle, nous dit-on, qui va bientôt propulser un Omar Rafik vers la sélection d’Al Annabi, dans un maximum de 3 années, le tout sans être inquiété, car en l’absence de règlement clair, protégeant les produits des académies, personne ne semble capable de freiner de tels agissements.
Pour le moment, mis à part la FAF qui a pris la décision de bouger, aucune autre fédération n’a encore trouvé d’utilité à le faire. En handball, l’équipe de ce même Qatar a été vice-championne du monde en 2015 avec une équipe composée de deux natifs du Qatar sur dix-sept éléments, c’est dire que les raisons de continuer le hold-up sont là. Cela va s’étendre aux autres sports, tant que l’argent y est. En football, les Qataris sont décidés à ratisser large, ils vont tout faire pour prendre une centaine de joueurs et laisser émerger une élite, profitant des pétrodollars. Le cas Omar Rafik n’est pas le seul et ne sera certainement pas le dernier. On se demande même d’ailleurs si la QFA n’a pas mis derrière la tête un plan de naturalisation visant le jeune défenseur central d’Al Sadd Abdessamad Bounacer. L’ancien Usmiste, annoncé blessé en début de saison, ne joue plus, et cela fait gagner du temps aux gens qui manipulent de telles démarches..
Mobilisation
Une question se poste maintenant, comment la FAF va pouvoir agir seule contre ce mécanisme mafieux, cette mafia de la naturalisation. L’intervention semble inévitable, de peur de voir s’étendre cette saignée organisée. Simo Kaddari jeune produit de l’Espanyol Barcelone et porteur de la nationalité algérienne était dans les plans algériens, avant de rejoindre lui aussi le championnat du Qatar. Certes, il a été sélectionné avec les U19 espagnols mais l’arrivée du Qatar et sa résidence dans ce pays depuis déjà quelques années devrait détourner ses regards, si jamais l’Espagne décidait de le zapper. C’est dire que pour le moment, les dégâts sont beaucoup plus ressentis du côté de notre pays, qui veut profiter de ses enfants, un sentiment qu’il ne partage pas avec d’autres nations, cela rend difficile la création d’une démarche visant à freiner ce processus auprès de la FIFA. L’instance mondiale, à travers son 70e congrès tenu en visioconférence en pleine crise de la Covid-19, a voté l’assouplissement des conditions d’éligibilité des binationaux en sélection et modifiant l'acquisition de la "binationalité". Elle a aussi mis l'accent sur le changement de nationalité. Les jeunes joueurs, prisés par les recruteurs à l'échelle internationale, sont souvent amenés à déménager. De ce fait, ils passent des années dans une autre nation avec laquelle ils développent des liens au point de parfois vouloir se ranger sous les couleurs de la sélection associée.
Détournement de mineurs
Si certaines mesures se sont assouplies, d’autres sont devenues plus rudes : dorénavant, la durée nécessaire de stationnement dans un pays pour en acquérir la nationalité est déterminée par l'âge du joueur. S'il n'a pas de lien avec le pays par sa naissance ou sa famille : 3 ans sont nécessaires, si le joueur veut représenter un pays dans lequel il a déménagé avant l’âge de 10 ans alors que 5 ans sont nécessaires pour un joueur qui voudrait représenter une nation dans laquelle il s'est installé entre ses 10 ans et ses 18 ans. Il doit pouvoir montrer que le déménagement n’était pas dans le but de jouer pour la nation en question. La commission doit, dans ce cas-là, donner son avis, c’est justement sur ce point que la FAF devrait axer ses efforts pour mettre un terme à ces détournement de mineurs, d’autant plus que ça risque de vider le grand réservoir national de jeunes talents et priver nos jeunes sélections, déjà fébriles, voire même chez les seniors, de la crème du produit national.
Le statut des binationaux ne cesse d'être modifié dans un contexte où le football ne cesse de se mondialiser. Chaque amendement, comme ceux présentés lors du 70e congrès, nécessite un "long processus" comme l'appellent les membres de la FIFA, a pour but de "moderniser la réglementation tout en gardant les principes fondamentaux liés à l’éligibilité des joueurs en équipe nationale". Des processus qui ne protègent pas assez, les enquêtes doivent être plus strictes, notamment vers certains pays, comme le Qatar. La FAF doit chercher des alliés pour mener à bien ce combat, et faire entendre sa voix auprès de la FIFA.
S.M.A.