En juin dernier sur les colonnes de France Football, le président de la CAF actuel déclarait : «Autre avancée, nous avons écouté les clubs européens, qui souhaitaient que la CAN soit jouée en juin et non plus en janvier. Ainsi, les très nombreux Africains qui évoluent en Europe sont plus sereins, ils ne se mettent plus en danger vis-à- vis de leurs clubs en se rendant à la CAN. Avec les Salah, Mané, Ziyech, Pépé et autres Mahrez qui brillent, nous pouvons prétendre à une meilleure exposition au plan mondial.»
Le Malgache se croyait déjà l’auteur d’une décision historique, celle de caser sa CAN en juin, croyant que ça rendrait service au foot africain, il a bien réfléchi et pris une décision qui devait être irréversible lors du Symposium de Rabat, mais c’était compter sans l’intervention musclée et autoritaire de la FIFA. L’instance d’Infantino a imposé une Coupe du monde des clubs à 24 équipes à la même période, sommant de ce fait le Malgache à faire machine arrière et donner les explications qu’il faut aux Africains en rajoutant le mot ‘’flexibilité’’ à ses déclarations. Le dossier est plié, la CAN aura lieu en janvier, et retrouve sa date initiale, Ahmad a eu recours aux Camerounais pour avancer l’argument de la météo défavorable dans cette zone du continent au mois de juin, et a quitté le Cameroun traînant un sentiment de satisfaction forcément incomplet vu les conséquences néfastes que les joueurs vont devoir encaisser très bientôt.
Le danger de retour
La résolution prise par Ahmad à son arrivée à la tête de la CAF a été appliquée, mais très vite c’est le retour à la case départ du moins pour les dates de la compétition phare. La 32e édition de la CAN en Egypte en 2019 a été le premier test de ce changement de date et c’était une réussite sur le plan de la participation des joueurs sélectionnés, le souci de la libération des joueurs par leurs clubs employeurs ne s’est pas posée, les saisons de foot étant achevées en Europe, il faut dire que les joueurs basés en Europe constituant le gros des effectifs de la dernière CAN, mais cette satisfaction sera de courte durée, le retour à janvier c’est dans moins d’une année. On se souvient que sous l’ancien régime de la CAF sous Issa Hayatou, l’un des chevaux de bataille était le maintien de la CAN en janvier/févier, ce qui ne plaisait pas forcément aux clubs européens qui étaient obligés de libérer leur contingent africain, d’autres allaient plus loin en menaçant leurs joueurs de perdre leurs places de titulaires si jamais ils allaient à la CAN, des dépassements qu’on croyait définitivement révolus, mais nous voilà de retour à la case départ.
Plus longue souffrance
Un sérieux problème se pose donc pour les joueurs, il est même plus délicat que ce qu’on peut penser, car même si on veut donner raison aux pays de ces joueurs et à leurs sélections, penser à l’idée de priver un coach d’un club de son élément important pendant 45 jours est juste inadmissible. Cette CAN-2021 risque en effet de poser un cas de conscience à de nombreux joueurs africains. Par le passé, alors que la coupe d’Afrique durait trois semaines, certains étaient déjà tentés de faire l’impasse pour ne pas froisser leurs clubs. La CAF avait d’ailleurs mis en avant cette situation pour justifier la tenue de sa compétition-phare en juin/juillet, soit après la fin des différents championnats nationaux. Désormais, les joueurs convoqués pour la CAN devront choisir entre leur employeur et une phase finale s’étalant sur quatre semaines, voire même 6 si on prenait en compte les 2 semaines de préparation avant le coup d’envoi, le Sénégalais Sadio Mané, l’Égyptien Mohamed Salah, le Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang ou notre Riyad National, accepteront-ils, par exemple, de manquer plusieurs journées du championnat anglais pour disputer la CAN 2021 ? Dur de l’imaginer, comme c’est aussi dur d’imaginer un Klopp sans le duo Salah-Mané pendant une période souvent clé, traversant le Boxing Day et le début de la phase retour.
Chiffres
Les joueurs évoluant en Europe seront les plus touchés, et donc leurs clubs aussi, en langage de chiffres, et durant la CAN égyptienne, 60% des 552 joueurs (326) ayant pris part à la compétition version 24 équipes jouent en dehors du continent, des teams comme la Guinée, le Sénégal et le Cameroun ne comptent aucun joueur local, les Verts comme la Guinée-Bissau n’en ont convoqué qu’un seul, le Maroc et le Ghana deux, le Mali et le Nigeria trois, cela nous renseigne sur l’ampleur des difficultés à venir, les sélections africaines tablent de plus en plus sur leurs joueurs évoluant ailleurs qu’en Afrique et cela rend les choses un peu plus compliquées, les fédérations risquent d’engager des bras de fer interminables avec les clubs pros. La nouvelle Coupe du monde des clubs aura constitué un tournant dans l’histoire de la CAN, la Coupe du monde-2022 au Qatar perturbera elle aussi le déroulement de la CAN-2023 (la CM prendra fin le 18 décembre soit pratiquement à un mois de la CAN en Côte d’Ivoire si la période de janvier est maintenue), une édition qui sera vraisemblablement programmée ailleurs qu’en janvier, fort heureusement, diront les optimistes, d’ici là il y aura un nouveau président à la CAF, il devra y remédier, sa mission s’annonce explosive.
S.M.A