Farouk Belkaïd, ancien milieu de terrain emblématique de la JS Kabylie, suit toujours avec ferveur les performances de son club de cœur. Aujourd’hui observateur avisé, il a accepté de livrer son analyse sur le parcours des Jaune et Vert cette saison. Il revient aussi sur l’impact positif de l’entraîneur Zinnbauer, les éléments clés de l’effectif, les défis encore à relever et le rôle crucial du public. Pour lui, malgré les embûches, la JSK a toutes les cartes en main pour décrocher une place en Ligue des champions, et, pourquoi pas, plus.
La JSK revient en force et occupe désormais la deuxième place du classement à six journées de la fin du championnat. Que pensez-vous du parcours réalisé par les Canaris jusqu’à présent ?
C’est un parcours plus qu’honorable surtout si l’on prend en considération les turbulences vécues en début de saison. Il y a eu un changement d’entraîneur, une élimination précoce en Coupe d’Algérie, des résultats en dents de scie, sans oublier la pression constante qui entoure ce club mythique. Mais, malgré tout cela, les joueurs ont su relever la tête, enchaîner les bons résultats et accrocher le podium. Cela démontre une grande force mentale et un état d’esprit combatif. Le groupe n’a jamais baissé les bras, bien au contraire. Le championnat est encore long mais cette deuxième place actuelle est une belle récompense pour les efforts fournis. Il ne faut rien lâcher.
Pensez-vous que la participation à une compétition africaine est un objectif atteignable ?
Absolument. Vu la dynamique actuelle, la JSK a toutes les chances de terminer sur le podium. Finir deuxième serait déjà un véritable exploit au vu du contexte de départ. Il ne reste que quelques matchs dont certains à domicile et il faudra absolument faire le plein de points à Tizi Ouzou. Aucun faux pas n’est permis à ce stade de la saison. Bien sûr, il faudra aussi surveiller les résultats du MCA et du CRB, mais ce qui compte avant tout, c’est que l’équipe continue sur sa lancée. Participer à la Ligue des champions, ce serait une immense récompense. Pour un club comme la JSK, cette compétition est dans son ADN. C’est presque aussi fort que de remporter le championnat.
Certains commencent même à parler du titre de champion. Y croyez-vous ?
Tout est possible dans le football surtout dans une fin de saison aussi serrée. Ce qui est certain, c’est que la JSK détient son destin entre ses mains. Pour rêver du titre, il faudra impérativement remporter tous les matchs restants, à domicile comme à l’extérieur, et espérer que les concurrents directs perdent des points en route. Ce genre de scénario existe, mais cela demande une régularité, une concentration extrême et un mental de champion. Chaque détail comptera. En tout cas, la JSK a les moyens de surprendre, à condition de garder la même envie, le même engagement collectif et la même solidarité.
Que pensez-vous du travail accompli par Zinnbauer depuis son arrivée ?
Son apport est indéniable. Il a su instaurer une nouvelle philosophie de jeu, basée sur la possession, l’agressivité positive, l’intensité et l’intelligence tactique. On voit une équipe beaucoup plus équilibrée, plus ambitieuse dans le jeu. Le match face au CRB en est le parfait exemple, une rencontre de haut niveau, très disputée, que la JSK aurait même pu gagner avec plus d’un but d’écart. Zinnbauer a redonné confiance à ses joueurs et a su créer une cohésion dans le jeu. Il a également fait des choix forts en misant sur des jeunes et en repositionnant certains éléments. Avec cette méthode et sa rigueur pour la saison prochaine et avec une préparation complète et un recrutement ciblé, je pense que la JSK pourra viser encore plus haut. Il a toutes les qualités pour inscrire son nom dans l’histoire du club.
Certains joueurs comme Boudjemaâ ou Berkane sortent du lot. Quel est votre avis sur leurs prestations respectives ?
Ils sont, à mon sens, devenus des éléments clés du dispositif. Boudjemaâ, arrivé cet hiver, a apporté beaucoup de stabilité au milieu. Sa rigueur tactique, sa lecture du jeu et sa capacité à casser les lignes font toute la différence. Sa convocation en équipe nationale A’ est, d’ailleurs, largement méritée. C’est un vrai leader discret. Quant à Berkane, c’est un jeune attaquant qui progresse à vue d’œil. Il a marqué plusieurs buts importants lors de la phase retour et on sent qu’il prend de plus en plus confiance. Il ne ménage pas ses efforts, il presse, il propose des appels intéressants. C’est un joueur d’avenir sur lequel il faudra miser sérieusement. Il peut être la solution à l’inefficacité offensive qui a longtemps été un point faible de l’équipe.
Si la JSK n’avait pas perdu autant de points à domicile, serait-elle en tête aujourd’hui ?
C’est possible. Mais il faut aussi comprendre que l’équipe évolue dans un nouveau stade et ce changement n’est pas anodin. Le stade Hocine-Aït-Ahmed est magnifique, moderne, une vraie fierté pour la région et le pays. Mais il impose aussi une certaine pression, surtout devant un public toujours aussi nombreux et exigeant. Tous les joueurs ne sont pas encore totalement acclimatés à cette nouvelle enceinte. Il faut du temps pour s’y habituer. Ce n’est pas juste une question de pelouse ou d’environnement, mais aussi de repères. Jouer à domicile dans un stade plein peut aussi perturber certains, surtout les plus jeunes. Je suis convaincu que la saison prochaine, la JSK sera beaucoup plus solide à la maison.
Les supporters de la JSK ont marqué les esprits cette saison. Qu’en pensez-vous ?
Le public de la JSK est extraordinaire. Il est resté fidèle même dans les moments difficiles, toujours derrière son équipe. À mes yeux, les supporters ont déjà remporté le titre de la meilleure galerie. Leur soutien, leur ferveur, mais aussi leur civisme sont exemplaires. Ils ont montré que le football peut être une fête, un moment de détente. Voir ce public chanter dans un stade qui porte le nom de Hocine- Aït-Ahmed, une figure emblématique de la Révolution algérienne, c’est très émouvant. C’est une fierté pour toute l’Algérie et la Kabylie. Ce public mérite des titres. Il est un moteur pour les joueurs, une source d’inspiration et une responsabilité. C’est un trésor que peu de clubs en Afrique peuvent se vanter d’avoir.
Une dernière question sur l’interdiction des déplacements de supporters. Quel est votre avis ?
C’est une décision difficile à accepter, mais dans le contexte actuel, elle peut être comprise. Même si elle ne règle pas le problème de fond, elle peut permettre un temps de réflexion et de sensibilisation. Le football est un sport, un divertissement, pas un champ de bataille. Il est temps que chacun prenne conscience que la violence n’a pas sa place dans nos stades. Il faut aussi que les clubs, les joueurs, les médias et les institutions œuvrent ensemble pour rétablir un climat serein. Je suis optimiste, je pense que les supporters vont comprendre et qu’on reviendra bientôt à des ambiances festives partout en Algérie. Le football mérite mieux.
S. D.