Winfried Schäfer : «Le Ghana sera le plus sérieux rival de l’Algérie»

Winfried Schäfer, l’ex-entraîneur allemand des Lions indomptables, dirige aujourd’hui la sélection de la Jamaïque. Rencontré au Maroc, où se tient le Mondialito, il s’est prêté aux jeux des questions-réponses intéressant l’Algérie. A quelques encablures de la CAN, le technicien allemand estime que les Verts sont les favoris du tournoi en Guinée équatoriale. «A condition que l’Algérie garde le niveau qu’elle a affiché au Brésil», prévient-il.

Que pouvez-vous dire de la sélection algérienne qui s’apprête à livrer bataille dans la CAN 2015 ?

Si l’Algérie garde le même niveau qu’elle a affiché lors de la Coupe du monde 2014, elle sera le favori du tournoi. Cela étant, j’ai vu la prestation de l’équipe algérienne durant son premier match du Mondialito, à Rabat, je dois dire qu’elle a été mauvaise. Ce ne sera assurément pas le bon exemple à suivre.

Ce n’est pas pareil…

Oui, je sais que l’équipe d’Algérie est composée de joueurs opérant en majorité dans des clubs étrangers et qui sont très performants. Dans le football, quand vous atteignez un certain niveau, le piège est de stagner ensuite sans s’en rendre compte. Au contraire, quand vous croyez avoir atteint le top, il faut encore essayer de sauter plus haut pour assurer la progression de l’équipe.

En Guinée équatoriale, pour le compte de la CAN 2015, l’Algérie évoluera aux côtés du Ghana, de l’Afrique du Sud et du Sénégal, qu’en pensez-vous ?

Comme on a coutume de le dire, vous êtes tombés dans le groupe de la mort. Malgré tout, je persiste à croire que l’Algérie demeure le favori de la poule. Simplement, elle devra jouer avec le niveau qu’elle a affiché au Brésil. Si ses joueurs se montrent arrogants, ils chuteront lourdement.

Sur qui misez-vous pour accompagner l’Algérie dans ce groupe ?

Je penche pour le Ghana, c’est la sélection qui me semble la plus en mesure de passer avec l’Algérie.

Quels sont vos favoris pour remporter la prochaine CAN ?

Vous le savez, j’ai été sélectionneur du Cameroun, j’aime ce pays avec qui j’ai été sacré champion d’Afrique, alors, naturellement, je voudrais bien que ce pays réussisse quelque chose en Guinée équatoriale. Mais ce ne sera pas une mince affaire.

Pourquoi ?

Lors des dix dernières années, le Cameroun a cessé de briller comme il le faisait durant son âge d’or. Il n’a pas réussi à se qualifier durant deux éditions de la coupe d’Afrique des nations. Pour redorer son blason, le Cameroun doit composer avec ses joueurs locaux. Ceux-là donnent tout pour le pays, ils sont nettement plus volontaires, donc nettement meilleurs. J’avais averti les responsables du football camerounais à l’époque, personne ne m’a entendu, aujourd’hui les Lions indomptables ne le sont plus, ils sont au bas de l’échelle.

Mais le Cameroun s’est ressaisi maintenant, non ?

Oui, avec Volker Finke, l’entraîneur allemand, il y a un bon travail qui se fait à présent. Mais durant la dernière Coupe du monde, il y avait de gros soucis au sein de l’équipe. Il y avait un groupe pro-Eto’o et un autre pro-Song. Personnellement, j’estime qu’Alex Song est Africain. Eto’o ne fait plus partie de la sélection, c’est une bonne chose pour les Lions indomptables.

L’Algérie n’est jamais parvenue à battre le Cameroun, les deux pays peuvent se croiser dès les quarts de finale de la CAN…

Ce n’est pas une règle, il y a un début à tout, cette tendance peut être rompue à tout moment. Comme on dit chez moi, chaque fois est une opportunité pour une première fois. Mais il faut mettre du cœur pour y parvenir. Dans une CAN, si vous y allez avec mollesse, vous n’aurez aucune chance. La CAN est un tournoi spécial pour les Africains, on y joue pour papa, pour maman, pour le pays, c’est très important pour un Africain de gagner ce trophée, on en est toujours très fiers. C’est pourquoi la compétition y est plus difficile qu’ailleurs. Il n’y a pas longtemps, avec la volonté pour principale arme, la Zambie, une petite nation du continent, est montée sur le toit de l’Afrique. Pour gagner en Afrique, il ne suffit pas d’avoir les meilleurs, il faut présenter la meilleure équipe, au sens noble du terme.

Comme ce fut le cas de l’Allemagne au Brésil, cet été…

Oui, la Mannschaft a joué en équipe et a remporté la Coupe du monde. Le Brésil et l’Argentine ont de bons joueurs, mais c’est l’Allemagne qui a été sacrée.

Quel a été votre sentiment lorsque l’Algérie a fait souffrir l’Allemagne au Brésil ?

J’ai vu le match et je dois avouer que je n’étais nullement surpris. La rencontre était très relevée, mais le problème est que l’Algérie a mal joué le coup à trois reprises. En effet, trois fois un attaquant algérien s’est présenté devant le gardien Neuer en finissant mal l’action. L’attaquant algérien s’est chaque fois arrêté, il aurait fallu foncer, peut-être que Neuer aurait commis une faute et aurait pris un carton rouge. De toute façon, l’Algérie a livré un bon match, mais cela n’est pas d’aujourd’hui. Je me rappelle de la prestation de 1982 et de ce que ses joueurs avaient réalisé contre l’ancienne RFA…

Au fait, connaissez-vous quelques joueurs algériens ?

Je ne connais pas leurs noms, pour dire la vérité, mais je les reconnais en les voyant à l’œuvre, sur un terrain. Je sais que l’un évolue à Valence, un autre à Porto.

Ce sont Feghouli et Brahimi.

Voilà, c’est ça.

Est-il possible de vous voir un jour entraîner l’Algérie ?

Oui, pourquoi pas. Seulement, vous avez un bon sélectionneur en place. J’aime l’Afrique, j’y étais très heureux quand je dirigeais la sélection du Cameroun où on aime le football. Tout ce qu’il faut est d’instaurer une discipline et avoir une bonne organisation. Ce n’était pas le cas, malheureusement, en 2002 au Cameroun, le ministre des Sports a pris l’argent. L’organisation a manqué aux Ivoiriens au Brésil, au Ghana aussi. C’est toujours la même chose.

Vous êtes actuellement sélectionneur de la Jamaïque, comment vous êtes-vous retrouvé là-bas ?

J’étais en Thaïlande, j’avais en charge la sélection nationale de ce pays. J’ai eu un problème avec les hommes politiques, pas avec la fédération locale, on voulait m’indiquer les choses à faire. Ça ne marche pas de cette façon avec moi. Je suis parti et c’est ainsi que j’ai enchaîné avec la Jamaïque, un pays qui renferme de bons talents et avec lequel j’ai remporté la Coupe des Caraïbes, une compétition très importante localement. On va participer à la Copa America au mois de juin prochain, la Golfcup en juillet.

H. D.

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