Gilbert Brisbois (rédacteur en chef sportif sur RMC) : «Attention au complexe de supériorité des Algériens !»

24 heures après le tirage au sort des matches barrages qualificatifs pour la Coupe du monde Brésil 2014 pour la zone Afrique, qui mieux que Gilbert Brisbois, le rédacteur en chef sportif de la radio française RMC, peut nous donner ses impressions, tant ses efforts pour vulgariser, expliquer et analyser le football africain à un auditoire français, habitué à être centré sur son championnat national, ont été importants. C’est sous l’impulsion de Gilbert Brisbois et de son équipe, composée entre autres de Daniel Riolo, Rolland Courbis, Jean-François Perez, Rodolphe Massé, etc., et son émission phare quotidienne «l’After», de 22h à minuit, suivie via Internet dans le monde entier, que le public français s’est mis à aimer la CAN et les éliminatoires zone Afrique, et à écouter des interviews de joueurs africains qui ne parlaient plus seulement de Bastia ou de Bordeaux, mais aussi du Mali ou de la Tunisie. C’est un Gilbert Brisbois très disponible, très sympathique, avec cette voix qui lui est si singulière, qui a accepté de décortiquer ces cinq matches barrages pour Compétition, lesquels sont surtout cinq belles affiches.

Algérie – Burkina Faso

Compétition : Gilbert Brisbois, merci de nous accorder cet entretien malgré votre emploi du temps très chargé, vu les responsabilités qui sont les vôtres. Comment arrivez-vous à gérer un tel emploi du temps ?

Gilbert Brisbois : Il n’y a pas de problème, tout le plaisir est pour moi. En fait, je gère au mieux. J’anime l’After chaque jour de 22h à minuit, une émission qui marche très bien, à tel point que le lundi elle commence plus tôt, à 20h, sous le sobriquet de «Grand After». Je participe aussi le week-end à l’émission «Les Grandes Gueules du Sport», et le reste du temps, j’accomplis ma tâche de rédacteur en chef dans une radio où le sport a une grande place, comme vous le savez. Mais j’ai la chance de travailler avec des gens formidables qui m’aident énormément.

- Vous êtes un journaliste passionné de sport, en général, et de football en particulier, puisque vous êtes footballeur amateur vous-même et que vous avez vu des matches dans les stades du monde entier. Pouvez-vous analyser pour nous le tirage au sort des barrages des éliminatoires zone Afrique de la Coupe du monde 2014 ?

- Oui, j’ai suivi comme tout le monde le tirage au sort d’hier (entretien réalisé hier à 14h, ndlr), et je peux vous dire que, à ce niveau-là, il n’y a plus de petites et de grandes équipes. Les compteurs vont être remis à zéro et il faudra batailler ferme pour aller au Mondial.

- Après votre analyse générale concernant ces matches barrages, je vais vous demander, si vous le voulez bien, de me décortiquer chaque match, en me donnant un pourcentage de victoires ou de défaites. Nous allons commencer par Algérie-Burkina Faso si vous le voulez bien ?

- Pour Algérie-Burkina Faso, je dirai 55/45.

- Cela va être serré selon vous alors ?

- Pour moi, ce match sera très équilibré, peut-être le plus équilibré de ces barrages. Si le match avait eu lieu en terrain neutre, j’aurais mis 50/50, mais comme le match retour a lieu en Algérie, à Blida, je pense que l’Algérie s’en sortira si elle ne tombe pas dans ses vieux démons bien sûr.

- Que voulez-vous dire par «vieux démons» ?

- Les vieux démons des footballeurs algériens, et même des supporters des Fennecs qui interviennent généralement sur notre antenne, c’est ce fameux complexe de supériorité qui consiste à dire «on a tiré le Burkina Faso, c’est in the pocket, etc.» Alors que c’est complètement faux. Même si les Etalons ne sont pas une équipe du type Côte d’Ivoire ou Egypte, avec de l’expérience et du talent individuel comme collectif, cela reste une équipe très solide.

- Ils seront tout de même pénalisés par la blessure d’un de leur seul créateur, Alain Traoré, absent 6 semaines…

- Vous savez, dans cette équipe burkinabé, il n’ya pas qu’Alain Traoré. N’oublions pas qu’ils ont été finalistes de la dernière CAN en jouant un football chatoyant. J’ai eu l’occasion de les voir jouer en direct, lors de la CAN 2012, et je peux vous dire que cette équipe a du gabarit, qu’elle est solide défensivement, avec des joueurs comme Bakary Koné, lequel n’est plus à présenter, un milieu compact, et des maîtres de la contre-attaque, comme Jonathan Pitroipa, qui sont très rapides en contre. Les Algériens devront vraiment se méfier.

- Quel serait le scénario catastrophe pour l’Algérie ?

- Le scénario catastrophe pour les Algériens serait le suivant : une grosse possession de balles des Algériens comme ils aiment le faire, une grosse première demi-heure, des occasions ratées, de l’énervement qui se transforme en fébrilité, et une contre-attaque laser des Burkinabé qui fait mouche. Le plus grand ennemi des Algériens étant le mental.

- Si vous étiez Vahid Halilhodzic, que feriez-vous pour éviter un tel scénario ?

- Je dirai aux joueurs : jouez votre football, et même si cela ne rentre pas ou qu’on a manqué des occasions, pas de panique. Restez concentrés, soudés et continuez à appliquer notre plan, cela finira par rentrer. Ne vous énervez pas et soyez aux aguets pour éviter tout contre assassin de l’adversaire.

- Maintenant, nous allons passer au match Tunisie-Cameroun. Comment le voyez-vous ?

- Concernant ce match, je vois une victoire du Cameroun à 70 %. Pour moi, les Tunisiens n’ont que 30 % de chances de l’emporter.

- Pourquoi un tel écart entre ces deux équipes ?

- Tout simplement parce que la sélection tunisienne est trop dans la tourmente pour préparer sereinement un tel match. L’équipe a perdu face au Cap-Vert et a été éliminée. Là, le sélectionneur est parti, il y a eu une chasse aux sorcières et trois ou quatre joueurs ont été montrés du doigt et livrés à la vindicte populaire, les politiciens s’en sont mêlés. Bref, pour moi, le point de non-retour a été atteint. A moins de trois semaines du match, il n’y a même pas de sélectionneur. On parle de Ruud Kroll, mais je ne sais pas si c’est confirmé. Cela va être à mon sens très compliqué pour les Tunisiens, surtout face au Cameroun, rompu à ce genre d’exercice. Même si Samuel Eto’o, qui est en conflit avec son sélectionneur, car il lui refuse le droit de faire ce qui lui chante, et qu’il a annoncé sa retraite internationale, je le vois mal ne pas jouer un barrage de deux matches et surtout une Coupe du monde au Brésil. Donc, je vous parie que Samuel Eto’o sera là, ce qui compliquera d’autant plus la tâche de la Tunisie.

- Que pensez-vous de Ghana-Egypte ?

- Là, sans hésiter, je mets un gros 50/50, car c’est à mon sens le match le plus indécis de ces barrages. Le Ghana, même s’il possède des stars, est une équipe fantasque, ils peuvent être capables du meilleur comme du pire. Alors que, du côté égyptien, avec la situation politique compliquée, les menaces de délocalisation du match ou de huis clos, on doit avoir les crocs. C’est la dernière chance qu’a cette génération d’aller au Mondial. Chez eux ou délocalisés à Dubaï ou ailleurs, les Egyptiens auront à cœur de se qualifier au Mondial pour conjurer le sort. Cette équipe est inexpérimentée, et tourne comme une horloge puisqu’elle est composée essentiellement de joueurs du club d’Al Ahly, lequel n’est plus à présenter.

- Côte d’Ivoire-Sénégal, vous en pensez quoi ?

- 60/40 en faveur de la Côte d’Ivoire qui va, à mon sens, se qualifier. La Côte d’Ivoire est au-dessus par rapport au Sénégal, et il n’y a pas photo, selon moi. Même si le Sénégal a une équipe solide, j’ai vu jouer les Ivoiriens récemment et je peux vous dire que c’est du solide sur toute la ligne. En plus, si le Sénégal, suspendu, joue son match au Maroc, la tâche n’en sera que plus facile pour les Eléphants.

- Un mot enfin sur Ethiopie-Nigeria.

- Le match le plus déséquilibré de ces barrages, Nigeria gagnant à 90/10. Je ne vois pas comment l’Ethiopie va battre des Super Eagles, champions d’Afrique, qui ont joué la Coupe des Confédérations, et qui leur sont supérieurs à la fois individuellement et collectivement.

- Merci beaucoup Gilbert d’avoir joué le jeu et encore désolé de vous avoir mis en retard.

- Il n’y a pas de problème, je voudrais juste profiter de vos colonnes pour saluer tous les auditeurs algériens de «l’After» qui nous écoutent via Internet et les podcasts et qui nous écrivent souvent via la page Facebook et la page Twitter de notre émission.

Entretien réalisé par Mohamed Bouguerra

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