Compétition au cœur des «Fous des Verts»

C’est un fait reconnu dans le monde entier, l’Algérie est une nation de football. Que signifie le fait d’être une nation de football ? Quelle en est la définition ? Et bien c’est simple.

Une nation de football est un pays qui ne vit que pour le football. Où hommes femmes, jeunes et vieux, sont des connaisseurs et des passionnés acharnés du football national comme du football mondial. L’Algérie est comme la Turquie, la Grèce ou l’Angleterre qui sont des pays où même un match de cinquième division disputé un jour de semaine et en début d’après-midi se joue à guichets fermés. Il suffit de prendre le train de banlieue Alger-El Affroun ou Thenia pour entendre une vieille dame discuter avec un jeune du bien-fondé de faire jouer Mehdi Mostefa arrière droit alors qu’il est milieu récupérateur de formation ou de la «Leo Messi dépendance» au FC Barcelone. L’Algérien, quel que soit son sexe, est «addict», c'est-à-dire accro au football depuis la nuit des temps. Depuis cet après-midi du début du XIXe siècle où des marins britannique ont mouillé l’ancre au port d’Oran amenant ce sport et un ballon dans leur cale.

 

Qui sont ces «fous des Verts» ?

Nous sommes des «intégristes» du ballon rond et il n’y a qu’à regarder un match JSK-USMA pour s’en rendre compte. Mais parmi tous ces supporters «intégristes» du football, il y a un groupuscule, presqu’une secte, qui est encore plus intégriste. Ce groupuscule a une adoration totale et absolue pour l’équipe nationale qui est pour eux l’émanation suprême du football et du sentiment national. Et contrairement à leurs homologues supporters appelés les «DZ FOOTIX», la version algérianisée de l’expression française pour qualifier ces pseudo- supporters qui ne supportent que les équipes qui gagnent, changeant de maillots et de couleurs au gré des saisons », les fous des Verts soutiennent l’équipe nationale depuis toujours, victoire ou défaite. Ils sont là. Souvent, ils ne roulent pas sur l’or et se saignent et font des pieds et des mains pour voir l’équipe nationale où quelle soit et quels que soit ses résultats. Les fous des Verts soutenaient l’équipe nationale dans le stade insalubre de Goussainville en amical face à la RDC, ou face au modeste club de La Louvière en Belgique, mais aussi aux fastes du Camp Nou de Barcelone face à l’Argentine.

 

Un vrai douzième homme

Les fous des Verts ont souffert de la faim et de la soif à Oumdourman et de violences en Egypte mais ils ont tenu bon et ont goûté aussi aux plages de Durban et de Cap Town en 2010. Ils ont fait la fête à Blida le 20 novembre dernier, mais ils ont aussi pleuré à Marrakech en 2011. Ces supporters-là ne font pas semblant et quoi qu’il arrive ils seront là. Certains d’entre eux se sont associés en différents kop de supporters, suivant leur âge, leur origine géographique et leur leader, les «Manolo algériens» sont devenus de véritables stars médiatiques. D’autres préfèrent supporter les Verts en solo. On peut les appeler «supporters Freelance». Ce «douzième homme» est devenu la véritable force de cette équipe nationale et les différentes batailles qu’ils ont livrées à Tchaker mais aussi aux fins fonds de l’Afrique au service des Verts et du drapeau national leur a attiré la sympathie de l’entraîneur national Vahid Halilhodzic et de l’ensemble des joueurs qui les respectent et les chouchoutent. Certains sponsors les aident même à se déplacer pour alléger leurs frais. Nous vous proposons trois portraits de ces supporters  « ultra» de l’équipe nationale, trois exemples d’Algériens moyens qui ont décidé de vouer leur vie à l’équipe nationale et qui sont capables de camper des jours durant devant la billetterie du stade Tchaker ou devant les camps d’entraînement de La Manga Club ou de Crans Montana, pour essayer d’apercevoir leurs idoles et leur apporter leur soutien. Ces supporters qui ont troqué, tels des légionnaires, leur nom et leur prénom d’état civil contre leur sobriquet de supporter.

 

«Kouider Frenda», le doyen

Si vous suivez même un tout petit peu l’équipe nationale, même de loin, vous n’avez pu échapper à ce vieux monsieur, au visage d’ange, prêt à tous les sacrifices pour soutenir l’équipe nationale. Tantôt en burnous marron lorsque l’équipe nationale joue en Russie, tantôt en Bermuda et t-shirt lorsque les Verts jouent en Zambie et en qamis lorsque les Fennecs jouent dans le Golfe, Kouider, un retraité de l’armée nationale populaire, âgé de 70 ans, qui a choisi comme nom de scène «Frenda» du nom de la ville dont il est originaire, dans la wilaya de Tiaret, a décidé de vouer sa vie aux Verts. En bon militaire, Kouider Frenda a voué sa vie au Verts et s’est sorti à plusieurs reprises de situations difficiles en étant obligé de survivre sans le sou au milieu de la brousse africaine ou de passer la nuit dans des quartiers mal fréquentés. Lorsque nous l’avons interrogé pour les besoins de ce papier, Kouider Frenda nous a déclaré : «Chaque fois que l’équipe nationale joue, je me dois d’être au stade pour la soutenir. Si ce n’est pas moi qui le fais qui le fera. (…) Lorsque l’équipe nationale joue en Algérie, tout va bien, car il y a toujours une personne qui m’offre son hospitalité, mais lorsqu’elle joue à l’étranger j’applique toujours le même système, celui que ma solde d’ancien soldat me permet. Je vais à l’agence de voyages, prends le vol Air Algérie le plus proche de la destination où doivent jouer les Verts. Ensuite, je termine en stop, en taxi brousse ou dans des bennes de camions en priant que Dieu et ma bonne étoile me permettent d’arriver au stade sain et sauf. Des fois, j’arrive sans argent et souvent la solidarité des Algériens présents m’aide à financer mon retour. Nous formons tous une famille les Algériens, surtout lorsque nous nous retrouvons à l’étranger.» Nous pouvons d’ores et déjà vous l’assurer, Kouider Frenda sera au Brésil, si Dieu le veut, en juin prochain.

 

Kadi de Chéraga, les muscles au service de l’EN

Tout le monde le connaît sous le nom de «Kadi de Chéraga» à tel point que même la police de l’air et des frontières lorsqu’elle tamponne son passeport est étonnée de voir son véritable patronyme. Même s’il n’est pas de la vieille génération de vieux Fennecs solitaires comme Kouider Frenda, Kadi de Chéraga commence à être un vieux briscard et un vétéran des supporters «fous» des Verts. Lui et son groupe ont livré quelques batailles prestigieuses comme la bataille du Caire et la bataille de Khartoum qu’ils ont remportées. Ils sont toujours présents aux côtés de l’EN à domicile comme à l’extérieur, et si ça doit «castagner» ce KOP très musclé à l’image de son leader Kadi est prêt à en découdre pour protéger les joueurs en cas de besoin. Kadi de Chéraga et son groupe resteront dans l’histoire comme les premiers à avoir structuré leur groupe de supporters à l’image d’une association de supporters de clubs. Ce sont les premiers à avoir négocié des tarifs de groupes avec les agences de voyages et les tour operators et à avoir fait de la recherche de sponsor et de mécénat pour financer leur déplacement.

 

«Chmissou de Blida», la relève

Après avoir parlé des anciens, des supporters trentenaires et quadras, il était bon de parler de la relève de ces «Fous des Verts». Et cette relève est incarnée par Chmissou de Blida. Chmissou, à seulement 22 ans, a réussi à se hisser au Panthéon des supporters ultras de l’équipe nationale. Avec son groupe qu’on peut qualifier de « classe biberon » des Ultras. Certes, ils n’ont pas le passé militaire de Kouider Frenda ou les muscles de Kadi de Chéraga, mais Chmissou, qui n’habite qu’à quelques mètres à vol d’oiseau du stade Tchaker, est tombé dans l’équipe nationale comme Obélix est tombé dans la potion magique, dès sa sortie de la maternité, et ses amis se sont hissés au sommet grâce à leur maîtrise des nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux. Sur Facebook et Twitter, on ne voit qu’eux et c’est cette présence en force qui leur a permis d’approcher les joueurs de l’EN virtuellement sur la toile et attiré leurs sympathie en voyant leur dévouement pour l’équipe. Chmissou est le supporter de 2014, il est un bon communicant et ne rate jamais un micro ou un dictaphone pour faire connaître son groupe et sa raison d’être, l’équipe nationale. Malgré son jeune âge, son dévouement et son abnégation lui ont attiré la sympathie des autorités et des sponsors de la wilaya de Blida et du reste du pays qui veulent l’aider dans son projet fou. Emmener au Brésil le maximum de supporters de son groupe qui n’ont pas le sou. Chmissou qui est aussi un rusé renard a acquis aussi ses lettres de noblesse en déjouant tous les services d’ordre et de sécurité de la planète pour réconforter ou faire la fête avec les joueurs dans les vestiaires. Chmissou entretient d’ailleurs des rapports d’amitié avec pas mal de joueurs de l’équipe nationale dont Sofiane Feghouli, et même de la part de Vahid Halilhodzic qui retrouve le sourire chaque fois qui le voit. Contacté par nos soins, Chmissou nous a déclaré : «Vahid et les joueurs m’aiment car ils savent que je fais ça bénévolement et par amour pour l’équipe nationale, les joueurs et surtout le drapeau national. Tous les joueurs m’aiment, Vahid et même le président de la Fédération m’apprécient beaucoup parce qu’ils savent que je suis un passionné et que j’ai le même but qu’eux, emmener l’équipe nationale au sommet.»

Kouider Frenda, Kadi de Chéraga, Chmissou mais aussi Akram et les 26 000 autres anonymes seront sûrement à Tchaker ce soir pour faire le maximum de bruit et encourager à fond les Verts dont ils sont fous.

 

M. B.

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