Bencheikh : «MCA-JSK en finale de la coupe d’Algérie serait somptueux»

Le nom d’Ali Bencheikh est intimement lié au Clasico, tant il a marqué de son empreinte les belles empoignades d’antan entre le MCA et la JSK. Alilou effectue un flash-back et évoque les parties qui ont fait date.

- Ali, que signifie pour vous un match entre le MCA et la JSK ?

- Pour moi, c’est le plus grand derby de l’Algérie, celui qui retient l’attention de tous les passionnés du football.

- On a l’habitude de parler de Clasico plutôt que de derby…

- Pour moi, cela aussi est un derby parce que la distance entre Alger et Tizi Ouzou ne dépasse pas la centaine de kilomètres, donc les deux clubs sont voisins, ce qui justifie l’appellation de derby. C’est un peu comme Barcelone et Madrid, les deux villes ne sont pas trop lointaines l’une de l’autre et, personnellement, je considère qu’on peut parler de derby comme de Clasico. Tant que l’opposition entre les deux rivaux sportifs assure le spectacle et suscite l’engouement des amateurs du beau football, les deux appellations se valent. L’essentiel se passe sur le terrain et c’est ce que réclame le spectateur assis dans la tribune.

-Quelles sont les rencontres qui vous ont marqué ?

- Elles sont nombreuses, je suis tenté de dire toutes celles auxquelles j’ai participé puisque, jadis, toutes les parties entre ces deux grands clubs valaient le détour et cela se vérifiait le jour J. Mais je peux vous en citer quelques-unes plus particulières que les autres. Je songe notamment au match de 1974, au stade du 5-Juillet-1962, qui s’est achevé sur le score de 1 à 0 en notre faveur.

- Qu’avait-il de particulier ?

- Ce jour-là, le Mouloudia a copieusement dominé les débats mais la balle refusait de franchir la ligne de but. On jouait l’ultime minute de jeu, le public avait déserté le stade, le tableau électronique était sur le point de s’éteindre quand, sur une remise en touche effectuée par Azzouz, j’ai décoché un tir de 30 à 35 mètres qui eut raison  de Cerbah, le portier de JSK à l’époque. Peu après cette réalisation, l’arbitre a sifflé la fin. On n’oublie pas facilement un tel dénouement. Je suis tenté de dire que la rivalité sportive entre ces deux grands clubs a pris naissance après ce match.

- Les Mouloudéens retiennent aussi le 2 à 0 en 1976 où, personnellement, vous en avez fait voir de toutes les couleurs à Baris et compagnie, avec vos célèbres petits ponts…

- Il est vrai que ce match représente aussi un des sommets du MCA face à la JSK, mais je préfère m’abstenir de revenir sur les petits ponts et autres. J’ai trop de respect pour mes valeureux anciens adversaires de la JSK et je ne me risquerai pas sur ce terrain.

- On dit que c’est essentiellement à cause de vous que les matches entre le MCA et la JSK sont devenus épicés. La preuve, pour narguer les supporters kabyles, leurs homologues du Mouloudia s’amusaient à reprendre le fameux «Ya Ali, ya bni» du film «L’opium et le bâton» avec Sid-Ali Kouiret…

- Cela a une seule signification à mes yeux : c’est la preuve que j’évoluais en communion avec notre public. Le spectateur venait pour voir du spectacle et il en avait chaque fois pour son argent. A l’époque, le MCA et la JSK répondaient largement à cette attente. Je ne crois pas que ce soit encore le cas aujourd’hui…

- Avez-vous en mémoire d’autres matches qui vous ont marqué ?

- Oui, je me souviens aussi de la fois où on a gagné 3 à 2. Le MCA menait 1 à 0, après la pause la JSK a repris le dessus et le score devint 2 à 1 en sa faveur. On a été ensuite pris à la gorge pour le reste de la seconde mi-temps mais, contre toute attente, on est revenus vers la fin pour inscrire deux réalisations et l’emporter finalement 3 à 2. Là encore, les deux galeries se sont vraiment régalées.

- Vous parlez du fameux match où vous avez jeté votre maillot en direction de Mahieddine Khalef…

- Non, ce geste, je l’ai fait lors d’un match de coupe d’Algérie sur lequel je ne veux pas revenir. Le 3 à 2 dont je parle a été enregistré en championnat.  

- Cela étant dit, le MCA n’a pas toujours gagné, vous souvenez-vous aussi de quelques raclées que vous a infligées la JSK ?

- Bien sûr, la JSK nous a battus aussi et à plusieurs reprises. Cependant, les statistiques étaient en notre faveur, à l’époque le MCA totalisait plus de victoires que la JSK dans le Clasico. C’est après ma génération que la tendance s’est inversée.

- Avez-vous encore en tête la défaite 4 à 1, en 1976 ?

- Oui, mais je dois dire que cela s’est produit essentiellement parce que le MCA revenait d’une expédition harassante en coupe d’Afrique.

- Et la défaite 2 à 1 à Bologhine lors d’un des rares matches où vous avez joué avec Belloumi sous le maillot du Doyen…

- Voilà, effectivement, un autre match mémorable. Le stade s’est avéré trop exigu pour contenir les nombreux supporters des deux formations. Mais les heureux élus qui ont vu le match ont été gratifiés d’un beau spectacle. Il ne faut pas omettre de dire que les supporters assuraient, eux aussi, le spectacle dans les tribunes. Tout était beau, jadis !

- Samedi prochain, la JSK recevra le MCA pour un nouveau Clasico. Qu’en dites-vous ?

- Rien à voir avec ce qui se faisait de notre temps. Aujourd’hui, il n’y a pas les mêmes talents qui s’affrontent, déjà. La comparaison n’a pas lieu d’être. Et même si ce match revêt un cachet important, puisque les deux équipes luttent pour une place qualificative pour la Champions League ou la coupe de la CAF, je ne m’attends nullement à ce que les débats soient rehaussés. C’est la triste réalité à laquelle nous sommes conviés, malheureusement.

- A vous entendre, même un MCA-JSK en finale de la coupe d’Algérie, comme c’est encore possible cette saison, serait, à la limite, ennuyeux ?

- Ennuyeux, je n’irais pas jusqu’à le dire ! Au contraire, dans ce contexte, la partie sera très intéressante à suivre. Mais dans quelle enceinte un tel match se jouera ? MCA-JSK en finale de la coupe d’Algérie n’a de valeur à mes yeux que s’il se joue au 5-Juillet-1962, dans un stade plein comme un œuf. Là, au moins une condition sera réunie pour redonner à ce match sa vraie dimension.

- Le stade Tchaker de Blida ne vous contenterait pas ?

- Combien peut-il contenir ? 40 000 personnes, tout au plus ! On est loin, très loin de la masse de supporters qu’on dénombre au MCA et à la JSK. Mais bon, la pelouse y est bonne, c’est une autre condition réunie pour donner ses chances au Clasico d’exister de nouveau. Toutefois, quoi que l’on fasse on sera toujours loin des rencontres palpitantes d’antan. Le docteur Benmerabet, cheih Kermali et Youssef Hassena  ne sont plus parmi nous, s’ils étaient encore de ce monde ils vous relateraient mieux que moi ce que signifiait une opposition entre le MCA et la JSK. Je saisis l’occasion pour m’incliner devant leurs mémoires et prier pour que le Clasico renaisse un jour et retrouve tout ce qui faisait son charme.

H. D.

Baris, sa victime préférée

Ali Bencheikh était le joueur qui donnait du fil à retordre aux défenseurs de la JSK. Rachid Baris, l’ancien milieu de terrain, était celui qui en avait le plus souffert. Il était souvent désigné pour marquer à la culotte Alilou, lequel s’en sortait en le faisant tourner en bourrique, notamment à l’aide de petits ponts. Un jour, alors que ses équipiers lui demandaient de serrer un peu mieux le marquage sur Bencheikh, Baris répondit : «Faites-le donc à ma place.» Tous s’y étaient refusés de peur de subir le même sort…

89’ : Alilou marque et jette son maillot en direction de Khalef

Ali Bencheikh a rarement trouvé grâce auprès de Khalef quand celui-ci était sélectionneur national, lui préférant Lakhdar Belloumi comme meneur de jeu. Ainsi, le Mouloudéen n’a pas disputé la moindre minute du Mondial 1982, il lui en a tenu rigueur. Lors d’un match de coupe d’Algérie entre le MCA et la JSK (3-2), Alilou a marqué le but qualificatif du Doyen à la 89’ après avoir fait des misères à deux joueurs kabyles. Fou de joie, emporté par l’ivresse de la revanche, Bencheikh s’est dirigé vers Khalef, a ôté son maillot et l’a jeté en sa direction !

«Celui qui ne sera pas au lit à 22h sera contraint de s’occuper de lui»

Vrai ou faux, mais l’anecdote a circulé avec insistance. Il s’est dit que les joueurs de la JSK avaient tellement peur d’être désigné pour marquer Bencheikh que Khalef utilisait cela pour être sûr que ses protégés ne veilleraient pas la veille du Clasico, lors des mises au vert. «Celui qui ne sera pas au lit à 22h pile sera contraint de marquer Bencheikh lors du match», menaçait Khalef ses joueurs…

Adghigh avait l’antidote pour les petits ponts

On le sait, le péché mignon de Bencheikh était de faire des petits ponts à ses adversaires. Rachid Adghigh, l’ancien libero de la JSK, avait une parade à cela. Ainsi, l’ex-capitaine des Canaris avait pour coutume de dire à ses défenseurs : «Ouvrez bien vos jambes et laissez Bencheikh vous faire des petits ponts. Sachez que je serai juste derrière pour récupérer le ballon et lancer une contre-attaque !»

Battu 3 à 0 à Tizi par de jeunes loups kabyes, il fait l’aveu !

Prévoyant, Khalef avait senti la fin du grand Jumbo-Jet, il songea rapidement à renouveler son effectif en intégrant de nouveaux jeunes talents, tels Ayache, Djahnit et autres Adane. C’est avec une équipe rajeunie donc que la JSK reçut un grand Mouloudia impressionnant par ses joueurs chevronnés, à l’image de Bencheikh. Le résultat final a été un 3 à 0 sans appel en faveur des jeunes loups kabyles. Fair-play, Alilou reconnut la supériorité de l’adversaire et avoua que les Canaris lui avaient administré une leçon de football !

 

 

- «1974, les fans désertent le 5-Juillet, je trompe Cerbah des 35 m»

- «Ya Ali, ya bni était un signe de communion avec les supporters»

- «La JSK nous a battus, mais les statistiques étaient en notre faveur»


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