Feghouli : «On ne refera pas les erreurs de la CAN»

Après un début difficile cette saison, Sofiane Feghouli fait une phase retour époustouflante après l’arrivée de Juan Antonio Pizzi à la tête de la barre technique du FC Valence. Une saison que le milieu de terrain des Verts juge comme étant positive la veille de sa venue à Alger pour le stage de l’EN avant la Coupe du monde. C’est donc dans l’enceinte du stade de Mestalla que Sofiane Feghouli reçoit Compétition. Comme à son habitude franc et sans langue de bois, celui qui constituera l’une des pièces maîtresses de Vahid Halilhodzic au Brésil nous fait un bilan de ses quatre ans déjà passés à Valence. Il évoque son avenir et parle bien sûr des Verts et de sa première Coupe du monde.

Vous avez livré face à Levante votre 100e match en Liga, comment évaluez votre parcours depuis votre arrivée au FC Valence ?

Le temps est vraiment passé très vite. Je me rappelle quand j’étais arrivé en 2010, j’étais blessé et depuis que du positif. Aujourd’hui, je suis dans un grand club, ravi de la trajectoire que j’ai prise, et ce n’est pas terminé car je suis ici au FC Valence jusqu’en 2016 et j’espère que ça va continuer.

Lors de votre première saison au FC Valence, vous avait été prêté, ce passage à Almeria vous a fait du bien ?

L’année qui a précédé ma venue à Valence je n’avais joué que cinq matches à Grenoble, car j’étais blessé avec un genou enflé, d’ailleurs j’avais subi deux opérations. Après avoir signé au FC Valence, j’avais commencé assez tôt pour pouvoir me soigner, mais les six premiers mois j’avais très peu joué. Certes, l’entraîneur était très content de moi et de mon travail aux entraînements, d’ailleurs il me l’avait fait savoir à plusieurs reprises, mais pour m’éviter de faire une deuxième moitié de saison sans jouer, et en concertation avec le club, je suis parti à Almeria dans mon intérêt bien sûr pour cumuler du temps de jeu.

Que gardez-vous de ce passage à Almeria ?

Au début ça s’est bien passé, car j’ai pu voir ce que c’était la Liga dans la peau d’un titulaire. J’ai aussi pu approfondir mes connaissance en langue, mais après, ça ne s’est pas très bien terminé. Il y a eu d’abord trois changements d’entraîneur dans la même saison, le club n’était pas très stable, mais il y avait aussi quelques soucis de vestiaires, des guerres d’egos, ce n’était pas facile, mais ce fut une bonne expérience de plus dans ce milieu. Je dois dire aussi que moi-même j’ai fait quelques bêtises là-bas.

Ah bon, quelles bêtises ?

Quand  on est jeune, on fait des bêtises, genre arriver en retard, des choses qui ne sont pas négligeables quand vous êtes un vrai pro. Des petits détails qui aujourd’hui pour moi ne sont pas négociables. Mais de mon passage à Almeria j’en garde que du positif, car cela m’a permis de ne plus commettre les mêmes erreurs par la suite.

Vous retrouvez le FC Valence la saison d’après et vous réussissez à vous imposer dans l’effectif, quel a été le secret ?

 Tout simplement le travail. Tous ceux qui me connaissent savent à quel point je suis quelqu’un de méticuleux dans le travail sur le terrain et en dehors, ça a été ça la clé. Ajoutez à cela le fait que j’avais effectué une très bonne préparation d’intersaison. En fait, quand je suis revenu à Valence, je ne voulais plus être remplaçant. Ça faisait deux ans que je galérais et c’était le moment pour moi de passer le cap. Je me suis dis si je reviens c’est pour m’imposer et non pour être sur le banc, il fallait que je montre de quoi j’étais capable et j’ai gagné ma place avec le sérieux.

C’était l’année où vous perdiez en ½ finales de l’Eruopa League face à l’Atletico et une autre élimination au même stade de la compétition cette saison face à Séville dans les 20 dernières secondes…

Il y a deux ans, j’aurais dit que l’Atletico nous était supérieur et qu’il avait mérité d’aller en finale, mais là face à Séville, on a montré qu’on était plus forts qu’eux. Ça s’est joué sur un petit détail, un but dans les arrêts de jeu qui fait très mal après le gros match qu’on avait fait devant un public énorme. Nous y avons vraiment cru et nous avions réussi l’essentiel en inscrivant trois buts.

Vous aviez justement marqué le premier but de la partie assez tôt, d’ailleurs…

Après qu’on ait perdu le match aller sur le score de deux buts à zéro, on n’avait plus rien à perdre. Il fallait exercer une grande pression, notamment dans le premier quart- d’heure avec une grande intensité et en imposant un gros rythme sans pour autant négliger le côté défensif. J’ai eu la chance de marquer sur une belle action collective, un beau jeu long sur l’attaquant, je viens en appui, ensuite je le décale, il me remet le ballon, un joli une-deux, ensuite je feinte et je tente du pied gauche et ça fait but.

Votre plus beau but cette saison…

Pour moi ce n’était pas le plus beau, je pense que celui face à Levante était pas mal, mais aussi celui face au Betis Séville ici à Mestalla.        

Qu’avez-vous ressenti au moment où l’attaquant camerounais Mbia met ce but assassin ?

Franchement, au départ, je n’y avais pas cru. Je me suis dis ce n’est pas possible, il y a certainement hors jeu ou faute, mais, malheureusement, il y avait bel et bien but. Le scénario était incroyable, car je ne pensais qu’on allait encaisser un, encore moins à ce moment de la partie, sur une déviation après une touche. A ce niveau-là, ça n’arrive quasiment jamais. C’est triste et désolant, car ça aurait été ma première finale européenne, mais c’est comme ça et félicitations à eux.  

Lors de la première partie de la saison, Miroslav Djukic ne vous faisait pas jouer, aviez-vous des soucis avec ce coach ?

Franchement aucun souci, bien au contraire je m’entendais très bien avec lui. Que ce soit avec lui ou même avec son préparateur physique, j’entretenais de très bonnes relations, mais bon il a fait ses choix et je n’en faisais pas partie.

L’arrivée de Juan Antonio Pizzi a changé la donne, puisque vous avez retrouvé votre place de titulaire, mais aussi votre niveau de jeu, que vous a apporté ce coach ?

D’abord, au niveau collectif, Pizzi a apporté une certaine discipline qui manquait dans le groupe. Mais sur un plan un peu plus personnel, Pizzi m’a dit qu’il ne voulait pas me voir attendre le ballon sur mon côté. Il voulait que je participe à la création, que je bouge un peu plus et que je finisse les actions. Et que même si je devais aller sur le côté gauche, il n’y avait pas de problème pour ça. Donc, une totale liberté sur le plan offensif et ça m’a plu, car je ne suis pas quelqu’un qui attend le long de la ligne de touche. Je suis un joueur qui aime bien être en mouvement. Maintenant, défensivement, je dois absolument revenir pour aider mon latéral et ce n’est pas négligeable avec cet entraîneur.

Vous disiez que vous aimeriez rester à Valence, qu’est-ce qui vous plaît ici ?

Le cadre de vie, car on est dans une ville où il fait beau toute l’année. Le championnat qui me plaiî, mais aussi l’équipe du FC Valence qui est un grand club, même si cette saison on est loin de nos objectifs, mais avec le nouvel actionnaire majoritaire, les choses vont certainement changer. Donc, je n’ai pas de raison de partir. Après c’est clair qu’à moyen terme j’aspire à jouer dans les 7 à 8 meilleurs clubs qui existent dans le monde. Donc, après le FC Valence, les tremplins y en a pas beaucoup, c’est soit le Real, le Barça, le Bayern ou Manchester et c’est à ça que j’aspire. Aujourd’hui, j’ai une certaine stabilité, je suis à mon centième match de Liga, une certaine expérience et peut-être qu’un jour ça penchera en ma faveur pour rejoindre ce qu’il y a de mieux, à savoir un Real ou un Barça.   

 On va parler de l’équipe nationale, Vahid Halilhodzic a communiqué la liste des 30 présélectionnés pour le Mondial, deux joueurs nouveaux que vous ne connaissez pas, à savoir Bentaleb et Mahrez ont appelés…

Vahid a dû certainement bien étudier le jeu de ces deux joueurs, et s’il a fait appel à eux c’est qu’il estime qu’ils sont capables d’apporter quelque chose que nous n’avons pas en sélection. Donc, je dis bienvenu à ces deux nouveaux joueurs que je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer. En tous les cas, je suis certain qu’ils ont dû bien être reçus et je leur dis d’ores et déjà qu’ils ont fait le bon choix et qu’ils ne le regretteront pas.

Vous, on vous avait fait appel en 2010, mais vous aviez refusé de venir jouer la Coupe du monde, pourquoi ?

Oui, jene  suis pas venu parce que je n’avais pas fait les éliminatoires et j’avais surtout un problème de genou à cette époque, et de ce fait je ne me sentais pas du tout concerné par cette aventure, donc j’ai refusé. Mais pour Bentaleb et Mahrez, il ne faut pas qu’ils se sentent mal à l’aise ou quoi que ce soit, car s’ils ont été appelés c’est qu’ils méritent de jouer. Ils n’ont volé la place de personne, car aucun joueur n’a sa place attitrée en sélection. Maintenant, à eux de donner le meilleur d’eux-mêmes sur le terrain pour l’équipe nationale.

Deux jours de repos seulement avant de rejoindre la sélection ce mardi, c’est court, non ?

C’est sûr que c’est court, mais bon j’espère qu’on va pouvoir surtout bien récupérer avant d’attaquer le travail tactique avec l’équipe.

Dans quel état d’esprit rejoignez-vous la sélection pour ce Mondial ?

Vraiment très heureux, car depuis le mois de novembre dernier et le match

contre le Burkina Faso je n’avais pas rejoint l’équipe nationale. Donc, content d’être rappelé et de retrouver la sélection et mes coéquipiers, car il y a toujours une bonne ambiance entre nous les joueurs quand on se retrouve, prendre du plaisir aux entraînements et se préparer en vue du Mondial.

Depuis votre première sélection contre la Gambie, du temps a passé, vous sentez-vous à présent parmi les leaders de ce groupe ?

Dernièrement, il y a eu beaucoup d’arrivées en équipe nationale, et à présent je fais partie du groupe des anciens. Certes, c’est à nous d’aller vers les autres afin de faciliter leur adaptation. Maintenant est-ce que je suis un leader ? Je ne sais pas, il n’y a que mes coéquipiers qui pourraient en parler. Moi, c’est sur le terrain que j’essaye surtout d’être leader, apporter ce que je sais faire et être décisif dans les matches de l’équipe nationale.

Beaucoup pensent que vous êtes quelqu’un de très réservé, notamment en sélection…

Réservé non, c’est ce qu’on pense de l’extérieur. Moi, je suis simple avec tout le monde. En sélection, il n’y a pas de joueurs réservés, on discute et on s’amuse bien, il n’y a aucun souci à ce niveau-là. Quand il faut travailler on travaille, et quand il faut rigoler on rigole aussi.

Face à la Slovénie, le coach national nous a fait savoir qu’il n’avait pas apprécié votre absence, avez-vous compris sa réaction ?

A vrai dire pas trop, mais après on connaît Vahid, il est toujours comme ça, ce n’est pas méchant, ses déclarations sont bien souvent mal prises, mais il faut le connaître, c’est quelqu’un qui parfois pousse le bouchon un peu trop loin. Pour ma part, je devais subir cette intervention au niveau de ma dent de sagesse dans mon intérêt, dans celui du club, mon employeur qui me paye tous les mois, mais aussi de la sélection en vue du Mondial. C'est-à-dire arriver au stage sans le moindre souci. J’avais une infection et ça faisait un moment que je traînais ça avec des antalgiques, des anti-inflammatoires et ça me cassait un peu. Le club m’avait proposé de faire l’opération un lundi et je devais accepter, j’avais discuté avec le président de la fédération qui était entièrement d’accord et j’avais l’aval du docteur Boughlali, donc il n’y avait aucun souci par rapport à cela. 

Beaucoup estiment que notre défense n’a pas été vraiment testée avant ce Mondial, qu’en pensez-vous à un mois du match contre la Belgique ?

Nous avons des joueurs de qualité, que ce soit défensivement ou offensivement. Maintenant, il est clair que nous n’avons jamais affronté une équipe du calibre de la Belgique, et que ça sera une nouvelle expérience pour la plupart d’entre nous, mais bon sur un match tout est possible. Personnellement, je ne suis pas inquiet par rapport à notre défense, je connais mes coéquipiers et j’ai absolument confiance en eux. On répondra tous présents, que ce soit la défense ou l’attaque car le premier défenseur c’est l’attaquant de pointe.

Il y a eu une CAN ratée, à votre avis quelles sont les erreurs à ne plus commettre lors de cette Coupe du Monde ?

Durant la CAN, on a manqué d’efficacité et derrière on a encaissé beaucoup de buts. Ce qui nous a manqué aussi c’était de savoir tuer un match parce que nous avons dominé tous nos adversaires durant ce tournoi, mais au final on sort avec un point. Mais je dirais que cette compétition nous a fait du bien et pour la suite c’est de l’acquis et à l’avenir, on ne fera plus les mêmes erreurs.

Notre grand souci en ce moment consiste dans le manque de temps de jeu de nos milieux récupérateurs, un problème pour le Mondial…

C’est clair que le manque de temps de jeu est un problème pour une compétition comme la Coupe du monde, ce n’est pas négociable, car il faut arriver le jour J en étant prêt physiquement et mentalement. Après, ce problème de temps de jeu on l’a toujours eu en sélection. Ce fut le cas en 2010, durant la CAN, mais ceux qui étaient à court de forme ont toujours répondu présents en sélection et on a pu s’appuyer sur eux. Donc, il faudrait bien se préparer, ceux qui ont fait beaucoup de matches devront bien récupérer, ceux qui ont moins joué devront travailler un peu plus et au final on est un collectif.  

Bizarrement, le coach national n’a pas parlé de la Russie ou de la Belgique, mais de la Corée du Sud. A-t-il cerné la mentalité du joueur algérien, très bon face aux grands mais moyen face à des nations moins redoutables ?

C’est vrai que le joueur algérien quand on le rabaisse et qu’il est touché dans son orgueil, il a tendance à se surpasser, peut-être que Vahid veut jouer sur ça, je ne sais pas. Mais bon, ça sera trois matches compliqués, moi je dis que c’est ouvert…

C’est bien de commencer avec la Belgique…

Moi, je préfère, peut-être qu’ils auront du mal à se lancer lors du premier match. Certes sur le plan individuel, ils ont de très bons joueurs, mais collectivement ils n’ont pas un gros vécu, et sur une phase comme la Coupe du monde, ils peuvent pêcher ou nous prendre de haut. En tous les cas, c’est mieux de commencer contre la Belgique. Si on fait une belle préparation, qu’on soit soudés, qu’on pense collectif, pas vouloir faire sa Coupe du monde, penser collectif, ça sera la clé car il n’y a personne au- dessus du lot, je pense que si tous ces ingrédients sont réunis y a moyen de faire quelque chose de grand.

Beaucoup de choses ont été dites sur le probable départ de Vahid, votre avis là-dessus ?

Vahid a fait jusque-là un travail remarquable, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Il a aidé beaucoup de joueurs à progresser ne serait-ce que mentalement et les résultats parlent d’eux-mêmes. Maintenant, s’il va partir ou rester, franchement je ne sais pas, j’ai lu comme tout le monde ce qui a été écrit mais sans plus. Mais bon, nous on est très contents qu’il soit avec nous lors de cette Coupe du monde et j’espère qu’il nous aidera à passer ce premier tour.

On va évoquer la prochaine CAN et ses éliminatoires. Un groupe composé du Mali, de l’Ethiopie et peut-être bien du Bénin, vous en avez parlé avec votre coéquipier Seydou Keïta de ce tirage ?

Et bien c’est lui qui m’a informé que nous étions dans la même poule, et franchement tous les deux nous n’étions pas contents. Moi je n’aime leur jeu très athlétique et physique, et Seydou m’a fait savoir aussi qu’il n’aimait pas notre jeu. Il y a aussi l’Ethiopie qui est une bonne équipe avec un déplacement pas très facile là-bas, et aussi le Bénin qu’on connaît et qui est une équipe difficile à jouer. Ça ne sera pas facile, mais la CAN au Maroc, il ne faudrait pas la rater et on fera tout pour.

Un dernier mot pour les supporters algériens, beaucoup viendront vous soutenir au Brésil ?

D’abord, je leur dis qu’il faut qu’ils croient en nous, un match de foot c’est 90’ et tout est possible. Je leur demande de nous soutenir comme ils l’ont toujours fait jusque-là, car des moments difficiles, il y en aura. Ce sont les meilleurs supporters au monde et je leur donne rendez-vous au Brésil, car c’est tous ensemble qu’on pourra créer cet exploit.

De notre envoyée spéciale à Valence Asma H. A.

 

 

 

 

 

 

 

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