Benyellès : «L’entraîneur doit se recycler annuellement»

A 72 ans, Abdelkrim Benyellès est le doyen des entraîneurs. Diplômé de Leipzig (en ex-RDA), Benyellès a d’abord été joueur au Widad de Tlemcen puis entraîneur de ce même Widad, de nombreuses formations du pays et de l’étranger, en plus des sélections, jeunes et olympique. Fin tacticien, à cheval sur la discipline, coach Benyellès est un adepte du beau football. Pour cela, il n’y a qu’à aller voir jouer le RC Relizane pour comprendre qu’à la barre, il y a un monsieur qui impose le beau jeu.

M. Benyelles, beaucoup d’observateurs estiment que le RC Relizane, votre équipe, joue un très beau football et louent votre mérite. Ça vous fait quoi d’entendre de pareils éloges ?

Ça fait beaucoup plaisir, bien sûr. Mais bon, pratiquer du beau football n’est pas une fin en soi. Il faut le faire dans la durée et pour cela, il y a beaucoup de travail à faire. Cependant, je voudrais vous dire que je ne suis pas d’aujourd’hui. Je suis dans le football depuis toujours et après plus de quarante années sur le banc, forcément on devient adepte du beau football. C’est vous dire que le travail bien fait finit toujours par payer.

 

D’aucuns voient aussi une certaine similitude entre le RCR d’aujourd’hui et le WAT du début des années 90, celle que vous avez formée vous-même. Il y a une similitude pour vous ?

Pour ce qui me concerne, je ne sais pas, mais pour moi, dans la forme, le travail est pratiquement le même. Je ne vous cache pas que j’accorde beaucoup d’importance au volet psychologique. Je prends mon temps pour discuter avec mes joueurs, les comprendre et leur faire comprendre certains aspects de ma philosophie du jeu. Ce n’est pas facile de faire progresser un groupe dans un laps de temps assez court. Il vous faut effectuer un volume de travail considérable pour cela. Je consacre beaucoup de temps au travail organisationnel, à la stratégie, à la tactique, etc. C’est en multipliant le volume de travail de ces aspects très importants qu’on arrive à élever le niveau de jeu. Il faut que les joueurs persévèrent dans les enchaînements, qu’ils savent quand il faut aller dans les couloirs, quand il faut passer par l’axe, etc. Le beau football, c’est la conservation de la balle et celle-ci n’est pas une mince affaire. Il n’y a aucun secret dans la réussite, celle-ci se paie avec une seule monnaie : le travail. L’entraîneur doit se recycler chaque année, il faut aller voir ce qui se fait dans d’autres continents, d’autres contrées. Moi j’ai eu la chance de la faire quand j’étais sélectionneur national des U20 ; grâce à la FAF et son président Mohamed Raouraoua, que je remercie au passage, j’ai pu effectuer des stages à l’étranger.  

 

Vous qui avez vu défiler des générations de footballeurs, où situez-vous la différence entre ceux de vos débuts et ceux d’aujourd’hui ?

Dans certains aspects. Avant, on consacrait beaucoup de temps à la formation des jeunes. Pour l’exemple, sachez qu’en 1974, j’étais entraîneur national des cadets, j’avais dans mon équipe certains joueurs qui avaient pour noms Assad, Merzekane et d’autres. Quelques années plus tard, entre 1980 et 1986, ces jeunes allaient défrayer la chronique en s’imposant au niveau mondial. Regardez aujourd’hui ce qui se passe autour de nous ! Les présidents de club n’ont d’yeux que pour les seniors, ils négligent de la manière la plus méprisante les jeunes. Résultat des courses, notre niveau a régressé. Moi, je me rappelle dans les années 70 et 80, je passais quelque chose comme 10 heures au stade. Je partais le matin à 9h et je ne rentrais chez moi qu’après 20h, et on le faisait avec plaisir, parce qu’on savait que ce qu’on semait aujourd’hui, on allait en récolter les fruits quelques années plus tard. J’en veux pour preuve la génération des années 90 au WAT avec les Yade, Kheris, Djalti, Brahimi Bettadj, Dahleb et tant d’autres.

 

La transition est toute faite, alors. Justement, vous qui avez été pendant un quart de siècle entraîneur du WA Tlemcen, qu’est-ce que ça vous fait de voir le Widad en DNA ?

Mal. Très mal. Tlemcen, c’est chez moi, c’est là où j’ai appris à jouer au foot et c’est là aussi où j’ai fait mes débuts d’entraîneur. Je ne suis pas insensible à ce qui arrive au Widad. J’en suis même peiné. Je me pose la question, où sont les responsables ? Où sont les amoureux du Widad ? Mon souhait le plus cher aujourd’hui, c’est que tous, à Tlemcen, y mettent un peu du sien pour faire remonter le WAT à sa vraie place. C'est-à-dire en Ligue 1. Je sais que la mission sera très difficile mais pas impossible. Remonter la pente est une sacrée mission, je souhaite de tout mon être que le club revienne à sa place parmi l’élite.

M. O. 

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