- «Il remportera le Ballon d’Or si…»
- «En restant à Leicester, il a pris la bonne décision»
- «J’espère devenir président du Liberia un jour»
Entretien réalisé par
ASMA H. A.
Mr Weah, bonjour et merci d’accepter de nous accorder cette interview. Tout d’abord, on peut dire que vous avez complètement disparu de la scène footballistique…
Bonjour à vous et mes amitiés à tous les Algériens. Pour répondre à votre question, je dirais que même si je continue à suivre de près ce qui se passe dans le football, il est vrai que j’ai choisi de ne plus être acteur dans ce sport. C’est-à-dire que je ne suis ni entraîneur ni agent de joueurs. Je regarde les matchs, car ça reste ma passion. De temps en temps, j’y joue aussi quand on m’y invite et aussi chez moi au Liberia chaque week-end.
Alors que devient Mr Georges ?
Et bien, je suis sénateur, toujours aussi engagé politiquement pour rendre service à mon pays et au peuple du Liberia. C’est beaucoup de travail, près de 7 à 8 heures par jour au quotidien. Vous savez, déjà quand j’étais joueur j’étais dans la politique, et à l’époque il y avait la guerre, mais malgré cela, je ne pouvais quitter mon pays et vivre tranquillement chez moi en Europe. Donc, à chaque fois que je pouvais rentrer, je le faisais. Je partais dans les camps des réfugiés pour aider les gens, mais aussi pour participer au désarmement. Cela faisait partie de mes priorités. C’est pour vous dire que cela fait déjà 12 ans que je suis engagé politiquement…
Espérez-vous toujours devenir président de la République du Liberia ?
Bien sûr, pourquoi pas. Si l’occasion se présente à moi, je ferai tout pour devenir le président de ce pays pour qui j’ai tout donné et que j’aime du plus profond de mon cœur. Je pense vraiment que je peux encore beaucoup faire pour le Liberia, mais aussi pour les peuples de tous les autres pays africains en difficulté.
Vous restez le seul et unique Africain à avoir remporté le Ballon d’Or…
Et bien, depuis la création du Ballon d’Or en 1956, il a fallu attendre près de 39 ans (NDLR : il l’a remporté en 1995) pour voir un Africain l’emporter. En tant qu’Africain cela m’honore beaucoup, mais j’espère et je souhaite vraiment qu’on n’attendra pas encore 40 autres années pour voir un autre joueur de notre continent remporter cette distinction. Certes c’est difficile, mais ce n’est pas impossible. D’ailleurs, je suis très heureux de voir un Africain et un joueur de votre pays, Ryad Mahrez, en l’occurrence, faire partie de la liste des 23 nominés pour ce trophée…
On voit bien que vous continuez à suivre de très près l’actualité…
Oui bien sûr, car comme je vous l’ai déjà dit c’est ma passion. Personnellement, j’ai bien suivi Mahrez la saison dernière. Il a été très bon et a contribué fortement au succès final de son équipe pour remporter le titre de la Premier League. Il a toujours répondu présent lorsque son équipe Leicester a eu besoin de lui, et sa présence dans la liste des 23 pour le Ballon d’Or est amplement méritée. J’espère vraiment qu’il continuera sur cette lancée et qu’il servira d’exemple à tous les jeunes Algériens. L’Algérie est un très beau pays qui a aussi vécu dix ans de guerre civile. Le football est une vraie religion dans votre pays, et je souhaite que les responsables fassent le nécessaire pour donner les moyens aux jeunes footballeurs, car qui ne connaît pas le football algérien. Madjer, Belloumi et tous les autres. Aujourd’hui, il y a une nouvelle génération à qui je souhaite beaucoup de succès.
Justement Mr Georges, vous avez déjà été en Algérie, quels souvenirs en gardez-vous ?
C’est vraiment un très beau pays. J’ai eu l’occasion de visiter l’Algérie à deux reprises et j’avoue que j’étais agréablement surpris de constater que j’y étais très populaire, et à quel point les gens m’aimaient. Donc, aujourd’hui, je dis un grand bravo à Mahrez, mais il faut qu’il continue à travailler pour porter haut le drapeau de son pays. Franchement, je suis fier de lui et de tous les joueurs africains qui font honneur à notre continent, car ce n’est pas facile pour un Africain de s’imposer en Europe. C’est la triste vérité, mais c’est comme ça.
Mahrez a choisi de rester à Leicester cette saison, pensez-vous qu’il a pris la bonne décision ?
Franchement oui, il a pris la bonne décision. Il vient de gagner le championnat, il joue la Champions League avec un club qu’il connaît et au sein duquel il a ses repères. Vous savez, à l’époque tout le monde m’avait fait le reproche de n’avoir pas quitté Monaco. Moi, j’ai dit pourquoi voulez-vous que je quitte Monaco, j’ai tout là-bas et j’y suis resté 5 ans et demi. Lorsque j’ai refusé la Juventus et l’Inter de Milan pour opter pour le PSG, les gens pensaient que j’avais fait le mauvais choix. Mais, moi, j’avais bien pesé le pour et le contre. Je connaissais bien le championnat de France et je savais que le PSG était un club très médiatisé, et j’ai donc préféré mûrir dans ce club avant de quitter le championnat de France…
Donc, vous estimez que pour Mahrez ce n’était pas le moment de partir…
Tout à fait. Il aime ce club, il s’y sent bien et, surtout, il a ses repères sur le terrain et en dehors. Après, il va encore mûrir et travailler, suite à cela il pourra partir. Donc, il n’a pas fait le mauvais choix à mon sens, bien au contraire. Moi, le seul conseil que je peux lui donner, c’est de continuer à travailler, car des propositions et des offres, il en aura encore certainement beaucoup dans l’avenir.
C’est quoi le secret du retour du Liberia sur la scène continentale au cours de ces dernières années ?
A l’époque quand j’étais à Monaco, j’ai réussi à faire venir beaucoup de joueurs en France grâce notamment à mon entraîneur de l’époque, Arsen Wenger, qui m’a beaucoup aidé dans ce sens. Du coup, ces joueurs ont bien été formés et forment à leur tour et ramènent actuellement des jeunes pépites du pays en Europe. Du coup, le niveau de notre sélection est monté. Nous avons aussi d’autres joueurs qui jouent dans d’autres pays comme notre meilleur buteur qui évolue au WAC de Casablanca et avec qui il réussit de très belles choses. Nous avons raté de peu notre qualification pour la CAN au Gabon. Ça s’est joué lors du tout dernier match face à la Tunisie et le Togo. C’est ça le football. Mais il faut que les responsables de notre pays aident les footballeurs, car on ne peut pas gagner comme ça.
Quels souvenirs gardez-vous de votre sublime carrière ?
Franchement, l’amour du public. Dans tous les pays où j’ai joué, et Dieu seul sait qu’ils étaient nombreux, les gens me vouaient beaucoup de respect et m’exprimaient leur amour. Quand je me blessais, les gens priaient pour moi, et c’est ce que je garde dans l’esprit. Jusqu’à aujourd’hui, là où je vais les gens m’arrêtent et demandent de mes nouvelles. Il y a une chose aussi qui me fait plaisir, c’est lorsqu’ils me disent que je suis très humble. Donc, ce que je peux dire aux joueurs africains qui sont en train de réussir leur carrière : restez vous-même et soyez humbles, car un fan est encore plus important que nous-mêmes. Sans les supporters, on n’est rien.
Vous êtes l’un des rares anciens grands joueurs africains à avoir choisi de revenir vivre au pays…
Comme je vous l’ai déjà dit au début, je suis très engagé politiquement pour aider mon pays. Ensuite, j’ai eu la chance durant ma carrière de faire le tour du monde, donc j’ai tout connu, mais revenir au Liberia me rappelle à chaque fois d’où je viens et c’est très important pour moi.
Une CAN au Gabon dans un peu plus d’un mois, votre favori pour cette Coupe d’Afrique…
Franchement, c’est difficile de donner un favori car j’étais un joueur et je respecte tous les joueurs africains qui prendront part à cette compétition. Ce que je souhaite par contre, c’est qu’on assiste à une belle CAN au Gabon, et j’espère que les Gabonais et Gabonaises accueilleront de la meilleure des manières cette CAN, comme l’avait fait l’Afrique du Sud pour la Coupe du monde en 2010. A l’époque personne n’y croyait, mais au final c’était un Mondial tout simplement magnifique. D’ailleurs, je suis heureux d’avoir été l’ambassadeur de cette Coupe du monde. J’étais très fier de cette Coupe du monde et je souhaite l’être aussi pour cette Coupe d’Afrique.
Votre regret, c’est peut-être de n’avoir pas joué une Coupe du monde justement…
Vous savez, j’ai eu une très belle carrière. J’ai joué deux coupes d’Afrique des nations. Le bon Dieu m’a beaucoup donné dans ma vie et j’en suis très heureux. Maintenant, on ne peut pas tout avoir.
Un dernier mot pour les Algériens…
Et bien, ce que je peux leur dire, c’est qu’ils continuent à travailler pour que la paix continue à régner dans leur pays, car sans la paix, on ne peut rien faire. Vive l’Afrique.
A. H. A.