Tour d’horizon de la planète foot confinée (sauf au Bélarus) en raison de la pandémie due au Covid-19. Quatre semaines (presque) sans ballon. Glasgow, 12 mars. L'ailier jamaïcain Leon Bailey scelle la victoire de Leverkusen sur le terrain des Rangers (3-1) en Ligue Europa. Tribunes pleines, but magnifique.
Ce sera le dernier : le coronavirus s'apprête à plonger l'Europe du foot dans une improbable parenthèse. Ce jeudi-là, c'est la bascule. L'entraîneur d'Arsenal Mikel Arteta est testé positif, le grand Real Madrid placé en quarantaine. Le lendemain, les championnats français et anglais sont suspendus, rejoignant les Ligues espagnole et italienne. L'Allemagne fera de même rapidement. «La protection de la vie humaine doit s'imposer à tout autre intérêt», écrit alors sur Twitter le quintuple Ballon d'Or Cristiano Ronaldo, confiné à Madère, son île natale. Alors que les appels aux dons fleurissent, les joueurs commencent à trouver des alternatives à l'entraînement, à grand renfort d'haltères et de tapis de course.
Le président de Trabzonspor : «Si on suspend le championnat (...), on ne trouvera plus assez de juges pour prononcer les divorces»
Bientôt, les réseaux sociaux sont inondés par cet inattendu «Stay At Home Challenge» ("Rester à la maison: le défi") visant à jongler avec un rouleau de papier toilettes. Le confinement est partout. Ou presque. En Turquie, pour quelques jours encore, on joue. «Si on suspend le championnat (...), on ne trouvera plus assez de juges pour prononcer les divorces», lance le président de Trabzonspor. Face à cet attentisme, son joueur John Obi Mikel finira par rompre son contrat. «Je ne me sens pas à l'aise», assène-t-il. Le 17 mars, pour la première fois dans la longue histoire du football européen, l'Euro est reporté d'un an, les compétitions de club sont suspendues. «Le seul match à gagner, c'est celui que nous livrons actuellement contre le coronavirus», concède Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, touchés par leur premier cas de contamination : Blaise Matuidi. «Ce virus, c'est la peste», tonne le 22 mars le président de Brescia, favorable à une interruption définitive des championnats. La guerre du calendrier commence. A ce moment-là, l'Europe espère encore finir les championnats au 30 juin. Hypothèse vite oubliée. Les stars du foot, elles, prennent la poudre d'escampette. Ouf, Neymar peut se confiner dans son immense villa de Mangaratiba, au sud de Rio, avec une flopée de proches. Thiago Silva aussi est rentré au pays, sa femme regrettant que «les supermarchés se vident rapidement» en France, s'exposant aux critiques des internautes. Les réseaux sociaux commencent à chauffer. Exit les résumés de match, bonjour les appels au confinement. «Andra tutto bene. Restate a casa» («Tout ira bien, restez à la maison»): les mots de l'attaquant de Sassuolo Francesco Caputo, brandis sur une pancarte après un but, font le tour de l'Europe. Heureusement, il y a la console de jeu. Devant des milliers de supporters en ligne, le Madrilène Marco Asensio remporte un tournoi virtuel mettant aux prises chaque club de Liga.
Lukaku : «J'ai failli devenir fou»
Les instances, elles, font les comptes. La facture sera lourde. Mesures extrêmes : bientôt, l'immense majorité des clubs diminuera la rémunération de ses joueurs, entre chômage partiel et accords salariaux. D'ailleurs, les détenteurs de droits TV, comme Canal+ et beIN Sports en France, pâtissent de la crise et interrompent leurs versements. Pendant ce temps, leurs téléspectateurs savourent comme ils peuvent... des rediffusions. L'ennui pointe son nez. «J'ai failli devenir fou», lance le Belge Romelu Lukaku. La presse rapporte aussi les histoires de joueurs brisant leur confinement, comme celle du défenseur de Manchester City Kyle Walker, qui, tout en restant chez lui, ne se prive pas d'inviter deux prostituées. Avant de s'excuser platement. D'autres acteurs du foot se muent, à l'inverse, en héros. Comme Iragartze Fernandez, cette arbitre semi-professionnelle, infirmière à Bilbao. «Je ne suis pas SuperWoman, je fais un effort comme tout le monde», explique-t-elle à l'AFP. Pour les supporters, c'est dur. «Je commence à être en état de manque», confie à l'AFP un ultra du PSG. Certains mettent leur énergie dans des opérations de soutien. Originalité à Dortmund, où les fans simulent leurs consommations de jour de match en achetant bières et saucisses virtuelles aux bars et restaurants de la ville. Au Bélarus, les bières sont bien réelles et le ballon circule : le président Alexandre Loukachenko refuse les mesures de confinement, dénonçant la «psychose». Mais la maladie est bien là et elle emporte Pape Diouf, figure de l'OM, décédé brutalement le 31 mars au Sénégal. Malgré les drames qui s'accumulent, le foot veut reprendre, doit reprendre. En Allemagne, les joueurs du Bayern ont été de retour à l'entraînement dès le 6 avril. Dans le respect néanmoins des mesures barrières. Privés de duels et de tacles, les joueurs restent suspendus à la crise sanitaire. Le foot mondial aussi.
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Le coronavirus a rendu la sélection chinoise anxieuse
Le sélectionneur de la Chine, Li Tie, a révélé le poids psychologique qu'a eu le coronavirus sur ses joueurs, présents plus longtemps que prévu à Dubaï pour un camp d'entraînement prolongé par la pandémie. Les hommes de Li Tie ont passé une grande partie du mois de mars à Dubaï (Emirats arabes unis), comme de nombreuses équipes du championnat chinois. Après avoir trouvé un vol, ils ont pu rejoindre la Chine le 23 mars mais ont dû être mis en quarantaine sur l'île tropicale de Hainan (Sud), selon l'agence de presse Xinhua. «Pendant cette période, tous nos joueurs et notre personnel étaient soumis à une grande pression psychologique. Tout le monde était anxieux, avait le mal du pays et s'inquiétait de notre propre sécurité», a expliqué Li Tie à la télévision chinoise.