Grande star de la sélection nationale lors des années 2000, l’ancien sociétaire de l’Olympique de Marseille notamment, garde un œil sur le football algérien. Il livre dans cet entretien ses impressions sur les derniers bons résultats de l’EN et tant d’autres sujets.
Que notre Equipe nationalese soit qualifiée à la CAN 2025 bien avant l’heure, cela est presque devenu une habitude.
C’est vrai ces dernières années, on n’a jamais attendu la dernière journée des éliminatoires de la CAN pour se qualifier. Franchement, ce n’est pas une surprise car l’Algérie est une grosse nation de football. Ce qui est bien, cette fois, c’est qu’il y a un collectif qui fonctionne bien, avec la manière en plus. Comme on dit, tout baigne dans l’huile pour le moment.
Paradoxalement, elle est sortie au premier tour lors deux dernières éditions (2021 et 2023), comment l’expliquez-vous ?
Je ne suis pas quelqu’un de superstitieux (rires). Chaque équipe est différente de l’autre, et puis ça ne sert à rien de se focaliser sur le passé. Il faut penser au futur pour espérer faire bonne figure. Il est important de faire d’abord une bonne préparation. La CAN est une compétition très difficile. Quand on a des joueurs qui évoluent en Europe, il y a plusieurs facteurs qui peuvent influer sur leur rendement, outre le climat, la récupération et tant d’autres paramètres. Je pense que c’est le lot de toutes les sélections participantes pas uniquement la nôtre.
Prochain challenge à relever pour notre équipe nationale, assurer une qualification à la prochaine Coupe du monde avec la reprise des éliminatoires en mars prochain. On redoute, à ce titre, que la défaite concédée à Alger face à la Guinée 1/2 en juin dernier ne soit préjudiciable pour le décompte final.
Heureusement qu’on s’est rattrapés aussitôt après (victoire en Ouganda 1/2). Certes, on aurait pu éviter cette défaite contre la Guinée, mais gagner ensuite à l’extérieur est un exploit. Car il n’est jamais aisé de bien négocier les matchs à l’extérieur en Afrique. Pour répondre à votre question, j’ai la certitude qu’on va récupérer les trois points laissés à la Guinée en juin dernier. J’irais même plus loin, l’EN a tous les atouts en main pour se qualifier à la Coupe du monde 2026, j’en suis persuadé.
Pour avoir été l’un des artisans de la très belle qualification à la Coupe du monde 2010, avez-vous des conseils à donner aux joueurs actuels ?
Il faut vivre avec son temps, les difficultés sont autres par rapport à ce qu’on avait connu. Et puis, à l’époque, on était les outsiders, l’Egypte était le grand favori. Notre sélection fait partie des toutes meilleures équipes du continent. Avec les potentialités qu’elle recèle, on est optimistes pour que les Verts soient au rendez vous de 2026 inch’Allah.
Revenons à vous. La CAF vous a invité à la dernière CAN de Côte d’Ivoire en tant qu’ambassadeur du football algérien, comment avez-vous accueilli cette invitation ?
Ce fut un grand honneur pour moi que de représenter mon pays dans cette grande compétition. Franchement, c’était un réel plaisir. Malheureusement, les résultats n’ont pas été tels que je l’espérais (élimination de l’EN au 1er tour). J’ai été affecté par cet échec.
En approchant la sélection à Bouaké, comment avez-vous trouvé l’ambiance en son sein ?
Personnellement, j’étais dans mon coin. Je me suis rendu à l’hôtel de l’équipe juste deux fois. C’était pour revoir des personnes que je connaissais et qui sont toujours présentes avec la sélection. Sinon l’ambiance qui y régnait, je ne suis pas en mesure de la décrire car tout simplement je n’ai pas approché l’équipe. Comme je l’ai dit, j’ai juste rendu visite à d’anciennes connaissances.
On a raconté que vous aviez été froidement accueilli…
(Il nous coupe) Toutes ces histoires sont fausses. J’ai dit bonjour à tout le monde. Non, il n’y a rien eu. Ce ne sont que des inventions. Sincèrement, cette histoire d’accueil froid n’existe que dans l’esprit de personnes malintentionnées. Bien au contraire, tous ceux que j’ai croisés étaient contents de me revoir.
Depuis, il y a eu changement d’entraîneur. Comment jugez-vous les débuts de Vladimir Petkovic ?
Au début, c’était un peu difficile car il découvrait les joueurs, l’Afrique et pas mal d’autres choses. Il avait besoin de temps pour mieux connaître, les cultures, les personnes et les mentalités. Il faut souligner qu’un entraîneur ne peut tout changer en une semaine de stage. Mais depuis, on voit que les choses commencent à aller dans le bon sens
C'est-à-dire ?
Il a rajeuni le groupe. L’équipe progresse au fil des matchs. Et puis, celle-ci est dans ses objectifs, avec la qualification à la CAN 2025, ainsi que le ticket qualificatif au prochain Mondial. Cependant, il ne faut pas, non plus, s’enflammer après les dernières victoires
Pourquoi ?
On sera curieux de voir comment cette équipe réagira une fois face à gros calibre. En outre, comment va-t-elle réagir dans la difficulté ? C’est là qu’on pourra bien la juger, même si les prémices d’un renouveau sont visibles. Espérons que ces bons résultats en appelleront d’autres.
Les prestations mitigées de Riyad Mahrez suscitent beaucoup de critiques en Algérie, votre sentiment ?
C’est difficile de dire du mal de quelqu’un comme Mahrez qui a offert tant de moments de joie aux Algériens, que ce soit en Equipe nationale où il a été un élément prépondérant dans la consécration à la CAN 2019, ou à Manchester City. On était tous fiers de ses exploits en Ligue des champions. C’est vrai qu’il n’est pas au top de forme, mais quand tu mets Riyad dans ton équipe, sa présence à elle seule est redoutée par les adversaires. Et puis, il faut noter un détail…
… Lequel ?
Il est le capitaine de l’EN. Donc, son rôle est d’encadrer les plus jeunes, lesquels ont besoin de ses conseils pour mieux gérer les matchs, surtout en Afrique, qui sont toujours très compliqué et se déroulent dans un contexte particulier. Sinon, pour revenir à sa forme actuelle, il faut prendre en compte son âge (33 ans). Aujourd’hui, le sélectionneur national a besoin de son expérience sur le terrain afin de bien diriger les troupes.
Certains imputent cette baisse de forme à son transfert en Arabie Saoudite…
Qui aurait refusé l’offre mirobolante des Saoudiens ? Soyons raisonnable, n’importe qui à la place de Mahrez aurait succombé à cette offre. Après, c’est facile de dire que le championnat saoudien n’est pas d’un niveau élevé. Mais quand tu vois les performances de NGolo Kanté à l’Euro 2024, où il a été excellent avec l’équipe de France, il est difficile d’être de cet avis. Même remarque pour Cristiano Ronaldo qui est toujours performant avec le Portugal. Un autre exemple me vient en tête…
… De qui s’agit-il ?
Baghdad Bounedjah. Cela fait dix ans qu’il évolue au Qatar. Ses performances en Equipe nationale ont été toujours bonnes. Pour moi, le problème n’est pas de jouer en Arabie Saoudite ou ailleurs dans le Golfe.
Amoura qui a signé cet été dans votre ancien club le VFL Wolfsburg, fait des débuts prometteurs.
Je savais qu’avec ses qualités, il fera un bon parcours en Bundesliga. Amoura est très rapide. En plus, il est en grande forme. Il a tout pour réussir à Wolfsburg, à mon avis.
Un autre international algérien, Ramy Bensebaïni, s’illustre en Bundesliga. Comment le trouvez-vous ?
En Equipe nationale déjà, c’est le patron de la défense. Il est toujours régulier dans ses performances. Après son retour d’une grave blessure, il commence à retrouver sa meilleure forme, comme l’illustrent ces dernières prestations avec le Borussia Dortmund
Avez-vous suivi son match contre le Real Madrid mardi en Ligue des champions ?
Je n’ai regardé que la première mi- temps du match. Il était bien en place, sinon je n’ai pas vu la seconde période.
Etes-vous supporter du Real Madrid ou le FC Barcelone ?
Je suis un grand supporter du Real Madrid. Il est d’ailleurs rare que je rate les matchs des Madrilènes.
On comprend donc pourquoi vous n’avez pas suivi la 2e mi-temps du match contre Dortmund, car les Allemands avaient deux buts d’avance…
(Rires) Non, pas du tout, j’étais occupé par autres choses. À la fin, quand j’ai su qu’ils (les Madrilènes) ont gagné largement le match (5/2), j’étais très content.
Parlons maintenant de votre éphémère expérience comme directeur sportif à la JSK en 2021. Pouvez-vous nous dévoiler les raisons de votre départ moins de quatre mois après votre nomination ?
Il y avait un gros problème financier, avec des retards de paiement de salaires. Et comme ce n’est pas moi qui étais maître de la situation et que les joueurs me harcelaient régulièrement sur les raisons du retard dans le versement des salaires. C’était beaucoup plus extra-sportif qu’autre chose. Or, on m’a recruté pour gérer le volet sportif et non pour jouer le rôle de… banquier ! C’est la principale raison de mon départ de la JSK. Sinon, j’étais honoré de travailler dans ce grand club que j’ai vraiment aimé. Pour mieux évaluer la grandeur de la JSK, il faut voir comment elle est accueillie en Afrique, un accueil digne de grands clubs.
Aujourd’hui, le club est doté de gros moyens financiers après son rachat par Mobilis. On devine que vous auriez souhaité que cette entreprise soit la propriétaire de la JSK quand vous étiez son directeur sportif.
Pour tout dirigeant, c’est toujours bien d’avoir des moyens financiers à sa disposition. Pour revenir à mon passage à la JSK, malgré le peu de moyens, l’équipe a fini deuxième en championnat. Néanmoins, avoir un budget consistant ne garantit pas la réussite. Pour preuve, les débuts difficiles de la JSK cette saison en championnat.
Si on vous propose de revenir au club, quelle sera votre réponse ?
Pour l’instant, le sujet n’est pas d’actualité. Des gens qui sont en place, il faut les respecter et les laisser travailler. Le jour où on fera appel à moi, je donnerai mon avis.
La Ligue 1 Mobilis enregistre depuis deux saisons l’arrivée de joueurs connus tels que Mbolhi, Guedioura, Boudebouz ou Slimani, quels effets aura-t-elle sur notre championnat ?
Ça va surtout apporter plus de visibilité à notre championnat. Ces joueurs vont également apporter leur expérience et leur savoir-faire à leurs clubs.
A votre époque, il était impensable de voir des internationaux évoluant en Europe venir jouer en Algérie, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas répondre à cette question, car moi, le premier, je n’avais jamais reçu d’offre de clubs du pays. C’est peut être aussi le cas de mes autres coéquipiers en sélection.
On a également remarqué que la génération de 2010, dont vous faisiez partie, n’occupe pas de postes dans les clubs ou les sélections nationales. Est-ce une forme de rejet qui ne dit pas son nom ?
Cela me paraît anormal. L’Algérie est le seul pays où on refuse de recourir aux services d’anciens internationaux ayant fait le bonheur de la sélection. Pourtant, ils peuvent être utiles à notre football. Djamel Belmadi a réussi l’exploit de remporter la Coupe d’Afrique des nations en 2019. Deux ans après, Madjid Bougherra a remporté avec les A la Coupe arabe des nations. Puis, il est allé en finale du CHAN 2022. Les anciens footballeurs qui ont fréquenté le très haut niveau peuvent apporter un plus non négligeable à notre football, pourvu qu’on fasse appel à eux.
Pour clore cet entretien, en Algérie on se demande pourquoi votre carrière en Equipe nationale s’est arrêtée alors que vous n’aviez que 29 ans.
Je ne peux rien dire d’autre que de répéter que c’était un choix de l’ancien sélectionneur (Vahid Halilhodzic). Pour l’intérêt de l’Equipe nationale, je n’ai pas voulu en faire toute une histoire et ce, malgré le fait que j’étais frustré que ma carrière en équipe se soit arrêtée à un âge où j’étais encore en mesure d’avoir un bon rendement.
- S.