La FAF de Raouraoua a brisé plusieurs joueurs. «Mes félicitations, encore plus Djamel parce que c'était ses premières minutes avec l'OL. Il a été top. C’est un guerrier, on l’a pris pour ça. Il nous a très bien aidés. »
Ces propos élogieux sont ceux du coach lyonnais Rudi Garcia qui rendait hommage dimanche soir à Benlamri et à son entrée fracassante, au vrai sens du terme, contre Lille. La France du football a enfin pu découvrir le guerrier promis par Aulas et son équipe dirigeante. Fini le temps des défenseurs brésiliens, ou même celui des avant-postes consacrés à la filiale binationale, et place aux rocs excellant aussi bien sur le plan physique que technique. Des caractéristiques que le public lyonnais a découvertes en moins d’une mi-temps, car la prestation de l’Algérien aura été exceptionnelle. En 40 minutes, l’ancien défenseur de la JSK a remporté ses 5 duels, bloqué 2 tirs et réussi toutes ses passes. Il a surtout apporté son âme de guerrier au collectif qui jouait à 10. Ce qui a fait dire aux fans lyonnais que Benlamri a joué double ; il a non seulement pris la place de Marcelo, mais aussi d’Aouar qui lui a laissé, réalisant ainsi un match XXL qui n’a toutefois pas étonné les fans de l’EN, car Benlamri c’est déjà près de 10 ans de brillance, 10 ans de duels gagnés, 10 ans de gros matches au NAHD, puis à la JSK, à l’ESS jusqu’en Arabie saoudite. En latéral droit ou en défense centrale, il avait tout pour s’affirmer, mais dans un pays où l’on enterre les brillants, vifs, Benlamri, le jeune de 20 ans, ne pouvait espérer cette aventure européenne qu’il est en train de découvrir à l’âge de 30 ans.
Il était une fois Vahid et Raouraoua
D’El Kahla (équipe à El Harrach) à l’IRHD, en passant par Bach Djerrah, le joueur a appris le b.a.-ba du foot organisé. C’est là que Djamel s’est forgé en étant jeune avant de passer plus haut vers l’IRHD, puis le NAHD. Très vite, le chasseur de talents Moh Cherif Hannachi, l’inégalable président de la JSK, l’a chipé. Il faut dire que ses prestations sous le maillot sang et or n’ont laissé personne indifférent, y compris Ait Djoudi, sélectionneur à l’époque des U23. Il l’avait pris pour construire une muraille en défense en l’associant à Belkalem. Mais les Olympiens ont raté l’occasion de leur vie d’aller briller aux JO de Londres. C’est peut-être là que Benlamri a raté la chance de sa vie d’aller exposer son talent au grand monde, car sur le terrain, il était déjà entreprenant à l’échelle locale. Il rejoindra d’ailleurs quelques stages des A sous Vahid Halilhodzic, et à quelques jours de son engagement à la JSK, il assiste au regroupement des Verts à Bouchaoui où l’EN préparait son déplacement au Burkina où elle devait croiser le fer avec le Mali. C’est durant ce stage que Benlamri a été achevé. Le sélectionneur bosnien lui avait reproché une absence à un entrainement matinal en compagnie de Chaouchi. Une petite erreur de jeunesse que Halilhodzic, appuyé par le président de la FAF de l’époque, ne lui ont jamais pardonnée. Ils ont été les principaux assassins de Benlamri, le joueur.
Hannachi engage un bras de fer avec Gourcuff
Au même moment, Benlamri a continué sa carrière ; il a été excellent sous le maillot de la JSK et aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas dans l’axe qu’il s’est fait une réputation, mais plutôt sur le couloir droit. Il a utilisé son gabarit et ses belles courses balle au pied pour dominer tous ses adversaires. Il a tout simplement crevé l’écran ; mais comme il a été black-listé par l’ancien président de la FAF, Gourcuff ne pouvait pas le convoquer. Hannachi s’est même permis (comme toujours) des critiques envers le Français, déclarant à Compétition, en marge d’un match joué à Oran, que «si Gourcuff ne convoque pas Benlamri, il ne connaît rien au football». Une déclaration qui remonte à 2014 et qui avait pour but de secouer Raouraoua car, c’est de lui que l’instruction était partie. Mais hélas, les choses n’ont pas changé ; le joueur se contentera alors de gérer sa carrière à la JSK puis à l’ESS, avant de faire le bon choix d’aller gagner en maturité et en professionnalisme en Arabie saoudite. C’est grâce à ce passage au Shabab que le joueur a pu atteindre ce qu’il est devenu maintenant, un peu tard, mais comme le dit si bien le dicton, mieux vaut tard que jamais.
Ceci dit, même si les résultats ont donné raison à Vahid, il a quand même des choses à se reprocher, surtout en voyant ce brouhaha médiatique qui a accompagné une simple première apparition du roc algérien. Le Bosnien pouvait avoir une autre manière de sanctionner, au lieu de briser une carrière et gâcher une cartouche pendant des années où l’EN n’aurait été que plus forte en comptant ce défenseur polyvalent dans son effectif.
La fâcheuse étiquette
Des joueurs comme Benlamri, il y en a eu ; ils sont même nombreux, car l’étiquette ou la théorie du joueur local qui ne peut pas rivaliser avec ‘’le produit d’importation’’ a été très bien promue et protégée par ses promoteurs. Il faut dire que pour donner du crédit à ses œuvres, notamment celle qu’on a nommée depuis la loi du Bahamas, Raouraoua a bloqué plusieurs talents. Benlamri est un exemple, mais il y a aussi Belaili qui pouvait aspirer à une meilleure carrière n’était sa mise à l’écart de l’EN presque de la même façon, avant que Belmadi n’arrive et exige sa présence dans son effectif. «C’était carrément une condition que j’ai posée à Zetchi pour que j’accepte le challenge proposé», disait le coach national récemment en évoquant le cas Belaili et son poids en sélection, Soudani et Slimani ont fait exception, mais grâce à leur sortie prématurée du pays, ils ont fui la fameuse étiquette qui a enterré de nombreux talents issus du championnat algérien. La réussite de Benlamri à 30 ans reste tout de même un bon exemple de persévérance, car comme l’a récemment applaudi le sélectionneur national, il a fait un choix sportif, et c’est tout à son honneur. Djamel a encore de belles années devant lui dans le haut niveau ; quant aux dirigeants du football algérien qui croient tout connaître et tout contrôler, ils tiennent là en ces nombreux exemples des leçons de gestion et des preuves de l’échec de leur politique.
- M. A.