Mbolhi, l'écorché vif

Il a fait son entrée en mondovision, dans le monde du football de très haut niveau un certain 18 juin 2010, dans l’enceinte du stade du Cap, en Afrique du Sud et en Coupe du monde, en étant impérial pour sa vraie première sélection (Irlande-Algérie n’étan  Profitant de la bourde de Chaouchi face à la Slovénie, lors du premier match du Mondial, de par son talent, il n’a plus quitté le poste de gardien numéro 1 des Verts, bien loin de Zemmamouche et Doukha, ses concurrents directs, Faouzi Chaouchi étant un cas particulier. Même si c’est une véritable «tête de lard» avec son caractère bien trempé, et qu’il n’a quasiment pas parlé à la presse, quelle qu’elle soit, depuis la fin du Mondial 2010, Raïs Mbolhi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a toujours suscité chez la presse, les supporters et le monde du football, une certaine empathie. Eu égard à la personnalité du bonhomme et la place qu’il a su se faire dans le livre d’or de l’histoire du football algérien, malgré le nombre d’ennemis qu’il s’est fait dans le milieu avec ses tatouages façon de fusiller du regard façon «bad boy» et de rendre coup pour coup à ceux qui voudraient l’impressionner, s’attaquer aux siens (comme lors du récent Libye-Algérie) ou le faire marcher au pas. Car pour  arriver là où il est aujourd’hui, c’est-à-dire, héros et star absolue des Algériens et du football national, Raïs Mbolhi, à seulement 26 ans, a vraiment connu la galère, à la fois dans sa vie sportive et privée. C’est peut-être cette vie difficile qui a forgé son caractère bien trempé et c’est ce qui fait aussi qu’il est vraiment impossible de détester ce garçon, car c’est vraiment ce qu’on appelle, un écorché vif.

Une enfance difficile
Dès sa plus tendre enfance, dans la banlieue populaire et difficile des Hautes-Seines, le «9.2» comme disent les jeunes, en région parisienne, le petit Raïs Mbolhi, élevé seul et dans l’amour de l’Algérie, par sa mère et sa grand-mère originaires de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, qui lui ont toutefois donné tout leur amour pour compenser l’absence d’un père d’origine congolaise absent. Il évacuera son trop-plein d’énergie dans le football, le Racing club de Paris, le club d’en bas de chez lui, à Colombes, plutôt que de choisir le chemin tortueux de la délinquance que certains jeunes de son quartier avaient choisi. Un environnement difficile, où il avait pris ses marques et qu’il devra quitter, grâce à ses performances de gardien, à seulement 15 ans, pour finir sa formation à presque 1000 km de sa maman, dans le prestigieux Olympique de Marseille.

Surnommé «Dida», il claque la porte de l’OM
Tout se passe bien sportivement, à l’Olympique de Marseille pour l’adolescent Mbolhi, surnommé Dida par ses camarades, qui est promis à un très bel avenir. Equipe de France de jeunes aux côtés de Gourcuff et Lloris, il est conservé par le club à l’issue de sa formation, mais alors que les jeunes de son âge «s’écrasent» et acceptent tout pour devenir footballeur professionnel, Raïs, lui, reste fidèle à ses principes et au serment qu’il s’est fait à lui-même de ne jamais se laisser faire par quiconque et ce comportement lui attire des problèmes et surtout des ennemis. Il n’accepte pas son statut tantôt de second, tantôt de troisième gardien derrière le mythique Barthez et Spinosi et décide de claquer la porte du club phocéen à seulement 20 ans pour emprunter un chemin tortueux au grand dam de ses amis au club, qui déplorent, mais le comprennent, car on ne lui a vraiment jamais donné sa chance, malgré un talent certain et de ses détracteurs qui l’accusent d’avoir «le melon», de «se la jouer» et de s’être fait «monter la tête».

Un tour du monde avant le vrai décollage
Bonne ou mauvaise idée d’avoir quitté l’OM, tout le monde se pose cette question, sauf Mbolhi. Le jeune Raïs ne veut pas réussir au mépris des principes avec lesquels il s’est forgé et préfère quitter les clubs avec qui ça ne va pas plutôt que de courber l’échine. Lorsqu’il claque la porte d’un club, il tourne la page et reste fidèle à la chanson de rap née dans son département natale du 92 et qu’il a dû écouter en boucle, du groupe Lunatik qui dit : «Pas le temps pour les regrets, nos erreurs n’appartiennent qu’à nous- mêmes…» Les regrets, Raïs, connaît pas. Et il va en sillonner des clubs à travers le monde lors de cette traversée du désert post OM de 4 ans avec des passages plus ou moins fructueux en Ecosse, en Grèce, au Japon et enfin en Bulgarie, au Slavia Sofia, où les fées du football se penchent enfin sur son berceau et le sortent du purgatoire pour enfin atteindre le véritable paradis pour lui, qu’il dissimulait secrètement au fond de son cœur, attendant le bon moment, l’équipe nationale algérienne.

Une sélection pour remercier sa maman
Depuis qu’il a l’âge de taper dans un ballon, dans son quartier, qui compte une grande communauté maghrébine et algérienne, le petit Raïs, élevé «100% à l’algérienne», comme il l’a déclaré lui-même, rêve déjà de l’équipe nationale et joue chaque jour des matches Algérie-Brésil ou Algérie-France avec ses camarades, dans le City Stade de la cité. S’il caresse ce rêve, ce n’est pas par ambition ou amour du pays seulement, mais c’est surtout le seul moyen qu’il a trouvé pour remercier sa mère de tous les sacrifices qu’elle a faits pour l’élever, pour qu’il ne manque de rien, et pour l’amener là où il est arrivé aujourd’hui. Il sait que le bien le plus précieux pour sa maman, c’est l’Algérie qu’elle place au-dessus de tout et ce qui lui ferait le plus plaisir, c’est une sélection de son fils en équipe nationale. Mbolhi a patienté durant de longues années avant de pouvoir profiter de sa bonne saison bulgare pour toucher son graal. 

2010, il prend la place de n°1
Cette année restera gravée en lettres d’or dans le cœur et le palmarès de Raïs Mbolhi, car il est sélectionné par Rabah Saâdane pour la Coupe du monde 2010 et apprend sa sélection en présence de sa mère, lui offrant la plus belle surprise de sa vie. Il arbore un énorme sourire à son arrivée à Crans Montana pour le stage de préparation des Verts et son cœur a dû beaucoup battre lors de sa première sélection en amical, en République d’Irlande, à Dublin face à l’Irlande de Trappatoni. Il réussira l’affiche des deuxièmes matchs du premier tour du Mondial en faisant, en prime time, le match parfait face à l’Angleterre et il enchaînera en étant héroïque face aux USA pour le troisième et dernier match des Verts. Ces deux bonnes prestations lui offriront le titre de meilleur gardien du premier tour du Mondial. Il fait même des essais à Manchester United la même année.
Il devient le héros des supporters 
Un titre amplement mérité. Pour les supporters algériens, qui l’ont définitivement adopté face à Rooney, il devient Spiderman. Un peuple algérien qui aura de l’admiration, le jour où il honorera sa sélection face à la Tanzanie à Blida, quelques heures seulement après le décès de sa maman, car il avait placé les couleurs nationales au-dessus de son amour pour sa mère et de son chagrin. Contrairement au reste de l’équipe nationale, il sera le seul Fennec à digérer le Mondial et à réussir son après-Mondial et il est le seul joueur irréprochable dans cette période peu faste de la fin de Saâdane et de l’ère Benchikha.

Ses vieux démons refont surface
Dès la fin du Mondial, le Raïs Mbolhi de l’OM laisse place au Raïs Mbolhi souriant de Crans Montana et ses vieux démons refont surface. N’appréciant pas certains articles le concernant et des photos publiées par un quotidien national, le joueur se referme comme une huître et refuse de s’exprimer devant la presse, mettant tous les journalistes de la presse nationale dans le même sac et privant par la même ses admirateurs de ses déclarations. Raïs Mbolhi ressort les instruments de défense qu’il utilisait au quartier jadis, il fronce les sourcils et rejoue les bad boy face aux journalistes qui viennent l’accueillir à l’aéroport, refusant de souffler le moindre mot. Mais cette posture de bad boy ne l’empêche pas d’avoir un grand cœur et de visiter les orphelins et les enfants malades chaque fois qu’il descend au pays.
Sans club depuis l’été, il réussit son meilleur match
Comme l’a dit son ancien coéquipier à Marseille et au Japon, Aimée Lavie : «Raïs Mbolhi est toujours zen. Quelle que soit l’importance du match, il ne connaît pas la pression. S’il joue, j’ai une confiance aveugle en lui.» Cela s’est confirmé récemment à Casablanca, face à la Libye, sans club depuis l’été, à cause d’un différend avec son club et surtout à cause de son principe de ne pas faire des courbettes et de ne jamais courber l’échine, alors que la rue et les médias s’interrogeaient sur le fait qu’il joue face à la Libye avec zéro match dans les jambes, c’est-à-dire en manquant de rythme, il a répondu comme à chaque fois, sur le terrain, en faisant deux arrêts reflexes phénoménaux et en faisant preuve de courage et de solidarité, en volant au secours de Djebbour, agressé par quatre Libyens. Une performance qui a donné raison à Vahid Halilhodzic, qui l’avait titularisé contre vents et marées. Il a 4 qualités  que même ses détracteurs reconnaissent à Raïs Mbolhi, c’est qu’il est fidèle à ses principes quelles qu’en soient les conséquences, c’est qu’il a indéniablement du talent, c’est qu’il ne connaît pas la pression et enfin qu’il a l’art du rebond.
M. B.

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