Une enfance difficile
Dès sa plus tendre enfance, dans la banlieue populaire et difficile des Hautes-Seines, le «9.2» comme disent les jeunes, en région parisienne, le petit Raïs Mbolhi, élevé seul et dans lamour de lAlgérie, par sa mère et sa grand-mère originaires de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, qui lui ont toutefois donné tout leur amour pour compenser labsence dun père dorigine congolaise absent. Il évacuera son trop-plein dénergie dans le football, le Racing club de Paris, le club den bas de chez lui, à Colombes, plutôt que de choisir le chemin tortueux de la délinquance que certains jeunes de son quartier avaient choisi. Un environnement difficile, où il avait pris ses marques et quil devra quitter, grâce à ses performances de gardien, à seulement 15 ans, pour finir sa formation à presque 1000 km de sa maman, dans le prestigieux Olympique de Marseille.
Surnommé «Dida», il claque la porte de lOM
Tout se passe bien sportivement, à lOlympique de Marseille pour ladolescent Mbolhi, surnommé Dida par ses camarades, qui est promis à un très bel avenir. Equipe de France de jeunes aux côtés de Gourcuff et Lloris, il est conservé par le club à lissue de sa formation, mais alors que les jeunes de son âge «sécrasent» et acceptent tout pour devenir footballeur professionnel, Raïs, lui, reste fidèle à ses principes et au serment quil sest fait à lui-même de ne jamais se laisser faire par quiconque et ce comportement lui attire des problèmes et surtout des ennemis. Il naccepte pas son statut tantôt de second, tantôt de troisième gardien derrière le mythique Barthez et Spinosi et décide de claquer la porte du club phocéen à seulement 20 ans pour emprunter un chemin tortueux au grand dam de ses amis au club, qui déplorent, mais le comprennent, car on ne lui a vraiment jamais donné sa chance, malgré un talent certain et de ses détracteurs qui laccusent davoir «le melon», de «se la jouer» et de sêtre fait «monter la tête».
Un tour du monde avant le vrai décollage
Bonne ou mauvaise idée davoir quitté lOM, tout le monde se pose cette question, sauf Mbolhi. Le jeune Raïs ne veut pas réussir au mépris des principes avec lesquels il sest forgé et préfère quitter les clubs avec qui ça ne va pas plutôt que de courber léchine. Lorsquil claque la porte dun club, il tourne la page et reste fidèle à la chanson de rap née dans son département natale du 92 et quil a dû écouter en boucle, du groupe Lunatik qui dit : «Pas le temps pour les regrets, nos erreurs nappartiennent quà nous- mêmes
» Les regrets, Raïs, connaît pas. Et il va en sillonner des clubs à travers le monde lors de cette traversée du désert post OM de 4 ans avec des passages plus ou moins fructueux en Ecosse, en Grèce, au Japon et enfin en Bulgarie, au Slavia Sofia, où les fées du football se penchent enfin sur son berceau et le sortent du purgatoire pour enfin atteindre le véritable paradis pour lui, quil dissimulait secrètement au fond de son cur, attendant le bon moment, léquipe nationale algérienne.
Une sélection pour remercier sa maman
Depuis quil a lâge de taper dans un ballon, dans son quartier, qui compte une grande communauté maghrébine et algérienne, le petit Raïs, élevé «100% à lalgérienne», comme il la déclaré lui-même, rêve déjà de léquipe nationale et joue chaque jour des matches Algérie-Brésil ou Algérie-France avec ses camarades, dans le City Stade de la cité. Sil caresse ce rêve, ce nest pas par ambition ou amour du pays seulement, mais cest surtout le seul moyen quil a trouvé pour remercier sa mère de tous les sacrifices quelle a faits pour lélever, pour quil ne manque de rien, et pour lamener là où il est arrivé aujourdhui. Il sait que le bien le plus précieux pour sa maman, cest lAlgérie quelle place au-dessus de tout et ce qui lui ferait le plus plaisir, cest une sélection de son fils en équipe nationale. Mbolhi a patienté durant de longues années avant de pouvoir profiter de sa bonne saison bulgare pour toucher son graal.
2010, il prend la place de n°1
Cette année restera gravée en lettres dor dans le cur et le palmarès de Raïs Mbolhi, car il est sélectionné par Rabah Saâdane pour la Coupe du monde 2010 et apprend sa sélection en présence de sa mère, lui offrant la plus belle surprise de sa vie. Il arbore un énorme sourire à son arrivée à Crans Montana pour le stage de préparation des Verts et son cur a dû beaucoup battre lors de sa première sélection en amical, en République dIrlande, à Dublin face à lIrlande de Trappatoni. Il réussira laffiche des deuxièmes matchs du premier tour du Mondial en faisant, en prime time, le match parfait face à lAngleterre et il enchaînera en étant héroïque face aux USA pour le troisième et dernier match des Verts. Ces deux bonnes prestations lui offriront le titre de meilleur gardien du premier tour du Mondial. Il fait même des essais à Manchester United la même année.
Il devient le héros des supporters
Un titre amplement mérité. Pour les supporters algériens, qui lont définitivement adopté face à Rooney, il devient Spiderman. Un peuple algérien qui aura de ladmiration, le jour où il honorera sa sélection face à la Tanzanie à Blida, quelques heures seulement après le décès de sa maman, car il avait placé les couleurs nationales au-dessus de son amour pour sa mère et de son chagrin. Contrairement au reste de léquipe nationale, il sera le seul Fennec à digérer le Mondial et à réussir son après-Mondial et il est le seul joueur irréprochable dans cette période peu faste de la fin de Saâdane et de lère Benchikha.
Ses vieux démons refont surface
Dès la fin du Mondial, le Raïs Mbolhi de lOM laisse place au Raïs Mbolhi souriant de Crans Montana et ses vieux démons refont surface. Nappréciant pas certains articles le concernant et des photos publiées par un quotidien national, le joueur se referme comme une huître et refuse de sexprimer devant la presse, mettant tous les journalistes de la presse nationale dans le même sac et privant par la même ses admirateurs de ses déclarations. Raïs Mbolhi ressort les instruments de défense quil utilisait au quartier jadis, il fronce les sourcils et rejoue les bad boy face aux journalistes qui viennent laccueillir à laéroport, refusant de souffler le moindre mot. Mais cette posture de bad boy ne lempêche pas davoir un grand cur et de visiter les orphelins et les enfants malades chaque fois quil descend au pays.
Sans club depuis lété, il réussit son meilleur match
Comme la dit son ancien coéquipier à Marseille et au Japon, Aimée Lavie : «Raïs Mbolhi est toujours zen. Quelle que soit limportance du match, il ne connaît pas la pression. Sil joue, jai une confiance aveugle en lui.» Cela sest confirmé récemment à Casablanca, face à la Libye, sans club depuis lété, à cause dun différend avec son club et surtout à cause de son principe de ne pas faire des courbettes et de ne jamais courber léchine, alors que la rue et les médias sinterrogeaient sur le fait quil joue face à la Libye avec zéro match dans les jambes, cest-à-dire en manquant de rythme, il a répondu comme à chaque fois, sur le terrain, en faisant deux arrêts reflexes phénoménaux et en faisant preuve de courage et de solidarité, en volant au secours de Djebbour, agressé par quatre Libyens. Une performance qui a donné raison à Vahid Halilhodzic, qui lavait titularisé contre vents et marées. Il a 4 qualités que même ses détracteurs reconnaissent à Raïs Mbolhi, cest quil est fidèle à ses principes quelles quen soient les conséquences, cest quil a indéniablement du talent, cest quil ne connaît pas la pression et enfin quil a lart du rebond.
M. B.