L’occasion pour le site internet DNA de revenir sur les frasques des Khadafi -dont une partie de la famille a trouvé refuge en Algérie depuis août 2011 pour des raisons humanitaires - avec ce sport roi.
Dans la famille Kadhafi, il y avait trois larrons qui ont marqué l’histoire du football libyen. Davantage en mal qu’en bien. Chez les Kadhafi, il y a d’abord le père, Mouammar, tué en octobre 2011 après 41 ans de règne. Le guide de la révolution libyenne n’a jamais été un amateur de football. Son aversion pour le sport roi, il la couchera sur papier dans le tome trois de son fameux Livre Vert, la Bible des Libyens, sorti en 1975. Pour le colonel Mouammar Kadhafi, les fans de foot sont des imbéciles : «Les milliers de gens qui s’entassent dans les stades pour regarder, applaudir et rire sont des imbéciles qui se privent de pratiquer eux-mêmes ces activités. Ils se pressent sur les gradins, comme en léthargie, applaudissant ces héros qui les dépouillent de toute initiative, qui dominent le terrain, manipulent le sport, et détournent à leur profit les installations mises à leur disposition par les masses.»
«Maintenant, bande de stupides, je vous laisse avec votre jeu stupide !»
Cette détestation du foot n’empêchera pas le guide de faire des pieds et des mains pour organiser la Coupe d’Afrique des Nations dans son pays en 1982. Lors de la cérémonie d’ouverture organisée à Tripoli, Kadhafi prononce un long discours avant de prendre congé en lançant à l’assistance, joueurs, invités, délégations et supporteurs : «Maintenant bande de stupides, je vous laisse avec votre jeu stupide !» Quelques années plus tard, le colonel se lâchera, cette fois-ci contre la FIFA. C’était en juin 2010.
«Mafia mondiale»
Furieux que la Fédération internationale de football accorde l’organisation de la Coupe du Monde à l’Afrique du Sud alors que la Libye s’était portée candidate, alors que lui est prêt à investir 9 milliards de dollars pour la tenue de cet événement, Khadafi traite la FIFA de «mafia mondiale». Devant des milliers de partisans massés dans un stade à Tripoli, il affirme que «avec les milliards qu’elle gagne du trafic des êtres humains, la FIFA doit aider les pays pauvres à accueillir la Coupe du monde».
Si Khadafi père abhorre le foot, son fils Saâdi, aujourd’hui réfugié au Niger, en est un inconditionnel. Footballeur raté, le troisième fils a marqué les esprits davantage pour ses frasques sur la pelouse et en dehors des terrains que pour ses qualités de joueur. Quand ses joueurs voyagent en bus, lui affrète des jets privés et se rend aux stades à bord de limousines, escorté d’une escouade de gardes du corps.
Saâdi, limousines et jets privés
Sa carrière de footballeur, Saâdi la fera d’abord en Libye où il joue dans deux clubs, Al-Ahly de Tripoli, puis dans El-Ittihad. Milieu de terrain flanqué du célèbre numéro 10, président de club, capitaine de la sélection nationale, président de la Fédération libyenne de football, Saadi cumulera les casquettes, les frasques et les déboires. Pour réussir dans le foot, il s’adjuge les services de trois grosses pointues. D’abord le sprinteur canadien Ben Johnson, devenu célèbre pour avoir été contrôlé positif aux jeux Olympiques de Séoul en 1988. Montant du contrat : 400 000 dollars.
Maradona, Ben Johnson et Bilardo
Une peccadille comparée au cachet obtenu par Diego Maradona, engagé par le même Saâdi comme consultant pour 5 millions de dollars. Trop dopé à la cocaïne, le roi Maradona abandonnera Saadi pour se réfugier à Cuba. Plus tard, le rejeton s’attachera les services d’un autre Argentin, Carlos Bilardo, champion du Monde avec l’Argentine en 1986, recruté comme entraineur de la sélection libyenne. Il n’y fera pas longue feu.
Le but du millénaire
Quand Saâd veut marquer l’histoire du foot de ses crampons, il organisera un tournoi de prestige à Tripoli en décembre 1999. La finale opposant la Libye au Ghana est programmée pour le 31 décembre, à 23 heures. Peu avant minuit ce jour-là, Saâdi marque, inscrivant ainsi le dernier but du millénaire. Saleh Sola, ancien international libyen, raconte dans le journal Le Monde que Saadi faisait tellement peur sur le terrain que les joueurs s’effaçaient devant lui. «Quand il jouait avec son club d’El-Ahly, aucun adversaire n’osait lui prendre la balle : le tacler pouvait t’envoyer quelques jours en prison... Les gardiens de but avaient tellement peur qu’ils laissaient filer le ballon quand Saadi tirait vers les cages».
Le quart d’heure américain de Saâdi
Tenté par une carrière à l’étranger, Saâdi entre en 2002 dans le capital de la Juventus de Turin, puis s’engage dans le club de Pérouse, grâce à l’entregent de Silvio Berlusconi, soucieux de se garantir quelques juteux contrats avec la Libye. Saadi y joue comme remplaçant avant d’être suspendu pour trois mois pour cause de dopage. Selon la chronique footballistique, Saadi ne jouera en tout et pour tout que 15 minutes dans le championnat italien. Le quart d’heure américain de Saad Kadhafi.
Mohamed, le discret
Enfin dans la famille Khadafi, il y a Mohamed, fils ainé du guide, réfugié depuis août 2011 en Algérie avec son frère Hannibal, sa sœur Aicha et sa mère Safia. Moins extravagant que son frère Saâdi, plus discret, Mohamed n’est pas moins un féru de football. Président du comité olympique libyen, patron des télécoms, Mohamed est également président du Club El-Ittihad Tripoli, rival d’El-Ahly, l’équipe présidée par son frère Saadi. De notoriété publique, les deux frères ne s’apprécient guère.
Match terminé à coups de révolvers
En 1996, les deux équipes s’opposent dans un match de championnat. El-Ittihad bat El-Ahly. Furieux que l’arbitre siffle un penalty au détriment de son équipe, Saâdi déclenche une bagarre sanglante. A coup de revolvers, les gardes corps des deux frères s’affrontent comme dans un western avant que massacre gagne le banc des supporteurs. Bilan de la tuerie : 29 morts dont l’arbitre.