Quelle mouche a piqué lancien séléctionneur Rabah Saâdane suite à la qualification de notre équipe nationale à la Coupe dAfrique des nations dimanche dernier.
Habituellement sage et très prudent quant à ses déclarations, notamment concernant les Verts, le moins que l’on puisse dire, c’est que le Cheikh s’est lâché cette fois-ci, peut être même un peu trop, dirons-nous. Tout en avouant que l’équipe actuelle est meilleure que la sienne, celle qu’il avait drivée et qui avait réussi les deux fabuleux exploits, ceux d’atteindre la demi-finale de la CAN-2010 et surtout la Coupe du monde, Rabah Saâdane s’est ouvertement attaqué à Vahid Halilhodzic. Il a dans un premier temps remis en cause ses choix, notamment les choix des joueurs qui n’ont pas été sélectionnés. Mais le Cheikh que nous connaissons bien et qui n’est pourtant pas du tout habitué à tenir ce genre de propos est allé encore plus loin en affirmant même que des éléments comme Yahia, Belhadj, Matmour ont décidé de prendre leur retraite à cause de la mauvaise gestion humaine du groupe et qu’ils avaient tout simplement peur de subir le même sort que Karim Ziani. Des affirmations assez graves, d’autant plus que le Cheikh lui-même avait une sainte horreur que des techniciens collègues à lui critiquaient ses choix. A l’époque d’ailleurs, tout le monde s’était abstenu, y compris les différents médias, de commenter la mise à l’écart des Rahou ou de Zaoui pour les remplacer par des nouveaux venus, à l’image de Belaïd, et les prendre en Coupe du monde. Ensuite, l’ancien patron des Verts affirme que l’actuelle équipe et son coach ont eu pour l’instant un seul vrai test face au Mali, un match qu’ils ont d’ailleurs perdu et qu’on ne pourra juger cette EN que lors de la CAN. C’est certes la vérité, mais il n’avait peut-être pas besoin de la rappeler, surtout pas maintenant. Aussi, et ce qui est encore plus étonnant de la part de Rabah Saâdane, c’est que ce dernier n’a pas manqué de critiquer la titularisation de Raïs Mbolhi, du fait que ce dernier n’était pas compétitif, précisant que si c’était lui qu’il l’avait fait jouer, la presse l’aurait descendu en flammes. Apparemment, le Cheikh aurait oublié qu’il avait aligné des éléments qu’on préférerait ne pas citer lors de la Coupe du monde, des joueurs qui étaient pourtant restés plusieurs mois sans jouer. A l’époque, ni les médias ni les techniciens n’ont jugé utile de le critiquer et cela pour la simple raison que Rabah Saâdane n’avait tout simplement pas le choix à ce moment-là, et c’est exactement le cas pour Halilhodzic actuellement concernant son gardien de buts. Donc, pourquoi Rabah Saâdane, un coach qui nous a toujours habitués à donner l’exemple dans tout, décide subitement de s’attaquer à l’actuel entraîneur national. Quelles en sont les raisons et pourquoi maintenant, un moment où l’équipe vient juste de décrocher sa qualification ? Seul le Cheikh détient la réponse.
«Le Mali, c\'était son seul vrai test, il l\'a perdu… On va le voir à la CAN»
En disposant de la Libye en aller et retour, l’Algérie a validé son billet qualificatif à la CAN 2013, elle retrouve cette compétition à laquelle elle a pris part pour la dernière fois en 2010 sous les ordres de cheikh Saâdane, avec la fameuse 4e place qui n’était pas arrivée depuis le sacre des Verts à Alger en 1990. L’ancien sélectionneur national, qui reste attentif au parcours de l’EN malgré son départ à l’issue de la rencontre face à la Tanzanie, nourrit beaucoup de regrets par rapport à son départ, ça se ressent à travers ses déclarations et ses sorties médiatiques dont la dernière a eu lieu avant-hier dans l’émission de Berbère TV «Addal+» où il est intervenu en direct à partir d’Alger et a bien voulu commenter la belle qualification des Verts à la CAN, mais aussi tout ce qui se passe actuellement comme changements par rapport à l’équipe qu’il a drivée.
«Le retour à la CAN est très important pour l’avenir de cette jeune équipe»
A la question de savoir son avis sur l’exploit réussi par l’équipe de Vahid, celui de revenir à la CAN après l’absence de l’an dernier, Cheikh Saâdane répond : «On est très contents que l’Algérie revienne à la CAN, c’est une très bonne chose pour le classement de la FIFA mais aussi pour l’avenir de cette équipe, qui est jeune», dira-t-il.
«La CAN sur le sol du meilleur pays africain, l’occasion propice pour s’améliorer»
Ce n’est un secret pour personne que la CAN est un tout autre niveau, de grands joueurs et de grandes équipes s’y produisent. Alors, la jeune équipe algérienne pourra-t-elle résister à ce véritable test ? Le Cheikh enchaîne : «Ça sera un tremplin pour pouvoir aller à la Coupe du monde 2014, ça sera un test mais dans de très bonnes conditions, l’Afsud est le meilleur pays africain, il remplit toutes les conditions favorables d’organisation et même de climat pour nos joueurs, pour améliorer tout ce qui ne marche pas et qu’on a vu dans les derniers matches. Jouer la CAN, c’est se mesurer aux meilleurs d’Afrique.»
«Y avait du louche dans notre défaite en demi-finales face à l’Egypte»
L’ancien driver des Verts persiste et signe, pour lui, il y avait du louche lors du célèbre 4 à 0 face à l’Egypte, il ne veut pas s’y attarder, mais affirme que sans ça, l’EN aurait pu aller loin, c’est pour ça qu’il pense que les Verts, version Vahid, sont favoris : «Normalement oui, l’EN est favorite, vu la CAN-2010 quand on est arrivés en demi-finales, on a raté la finale à cause d’un problème sur lequel je ne veux pas revenir, mais l’Algérie, qui a amélioré son potentiel, qui a une qualité de joueurs de haut niveau, peut aller loin, voire atteindre la finale.»
«En qualités techniques et tactiques, surtout en attaque, l’équipe actuelle est meilleure que la mienne»
Même si Saâdane a affirmé qu’il n’aime pas trop les comparaisons, il a reconnu tout de même que l’équipe de Vahid est meilleure que la sienne, explication : «C’est difficile à dire, je n’aime pas trop les comparaisons, il y a deux ans on a essayé de comparer mon équipe à celle de 1982, et maintenant ça se répète et c’est difficile. Ce que je peux dire, c’est que celle qui a pris part en 2010 à la CAN et au Mondial avait quelque chose de particulier, on n’avait sans doute pas les meilleurs qualités techniques et tactiques concernant les joueurs, notamment sur le plan individuel, mais elle avait du potentiel, c’était une équipe qui jouait bien et qui jouait avec ses tripes, on avait des résultats notamment à l’extérieur et même à domicile, l’équipe actuelle est jeune, elle est en pleine transition, il y a beaucoup plus de qualités individuelles, notamment sur le plan offensif. Il y a un grand potentiel, elle a besoin de temps, le coach trouvera ce qu’il faut pour l’améliorer.»
«Ziani a milité pour cette EN, je ne comprends pas comment on la prive de son talent»
Cheikh Rabah évoque donc cette période de transition, alors que pense-t-il de la mise à l’écart mystérieuse de Ziani qui aurait pu encadrer avec brio l’équipe actuelle. «Il faut revenir un petit peu en arrière, moi, je ne comprends pas comment on puisse casser l’équipe qui a fait un excellent travail pendant des années et qu’on écarte, d’une telle manière, Karim Ziani, qu’on prive l’EN de son talent, surtout qu’il fait partie des joueurs qui ont milité pour l’EN à un moment où personne ne voulait venir. Il est pétri de qualités et l’un des rares émigrés qui a opté pour l’EN depuis les espoirs jusqu’au A grâce à ses parents, il était très jeune, il avait apporté cette fougue et cet état d’esprit qui caractérisait l’équipe, notamment lors de la compétition africaine. Le coach a ses raisons et des choix à respecter, mais on devrait convoquer le joueur et discuter avec lui. Bref, je pense qu’il y a un problème quelque part, l’équipe a trop changé, il y a eu des règlements de comptes qui se sont passés quelque part, et Ziani en a fait les frais, peut-être à cause de sa forte personnalité. Il faut dire les choses franchement, l’encadrement national doit savoir que c’est un meneur, voilà pourquoi il dérangeait, il a beaucoup de personnalité et qu’il a beaucoup d’emprise sur le groupe, il a beaucoup d’expérience, il a fait des coupes d’Afrique et un Mondial, ceux qui sont partis sont des rassembleurs, mais vite on a essayé de tourner l’EN sur d’autres problèmes, en faisant croire qu’il n’y avait pas de discipline, mais quelles que soient les raisons, on a réussi grâce à cette pédagogie familiale pour atteindre des performances énormes, et personne ne pourra effacer ça qui restera gravé dans la mémoire de l’histoire.»
«Lemouchia allait être viré de l’ESS et je l’ai sauvé»
Lemouchia a réintégré l’EN juste après le départ de Saâdane qui avait, pour rappel, barré son nom à cause de son comportement lors de la CAN et son départ précipité, il revient sur ce conflit : «Tout entraîneur, quand il prend des décisions, c’est dans l’intérêt de l’EN pas pour lui, pour Lemouchia, il y a eu beaucoup d’interventions pour le faire revenir, notamment après la CAN, mais je m’y étais opposé, pour un joueur que j’ai moi-même lancé notamment alors qu’il était à l’ESS, il était partant mais je l’ai aidé à atteindre le haut niveau avant de le ramener en EN. On travaille dans l’intérêt de la sélection, mais quel que soit le joueur, je ne garde pas rancune, je ne suis pas contre son retour, lorsque je quitte mon poste, ça ne me dérange pas qu’on rappelle un sanctionné.»
«Belhadj, Antar et les autres se sont peut-être retirés à cause de la mauvaise gestion humaine du groupe»
Vahid a déclaré qu’une nouvelle équipe est née. Saâdane nous dit ce qu’il en pense : «La transition s’est faite dans la douleur, cette équipe actuelle a la chance d’avoir croisé des adversaires qui ne sont pas de gros calibres, à part le Mali, où on a été défaits, ce n’est qu’à la CAN qu’on peut réellement jauger le réel niveau de cette équipe, face à des teams de gros calibres, je pense qu’elle est en train de acquérir son expérience, les gens ne se sont pas rendu compte, il y a beaucoup de choses qui se sont passées, d’où le retrait de plusieurs joueurs, soit parce qu’ils ont compris qu’ils allaient avoir le même sort que Ziani, et je pense que la mauvaise gestion humaine a perturbé l’équipe et maintenant on est dans une nouvelle équipe, pleine de talent, il faut le reconnaître, on a mis 6 à 7 joueurs pleins de talent qui sont en train de s’exprimer. Je pense aux joueurs que j’ai moi-même ramenés après la Coupe du monde, qui sont en train de s’épanouir actuellement.»
«Cette équipe est sur la bonne voie»
Malgré toutes le critiques, Saâdane ne cache pas son admiration pour les résultats et le progrès effectués par l’actuelle sélection, il pense qu’elle va progresser : «Revenons au domaine technique, plus il y a des matches, plus elle va progresser, cette équipe est sur la bonne voie, elle va encore s’améliorer à la CAN, en attendant la Coupe du monde. Depuis 2010, on a un statut et des moyens financiers qui nous permettent de se classer parmi les meilleurs.»
«Si c’était moi qui avais fait jouer un Mbolhi sans club, on m’aurait descendu»
Mbolhi joue actuellement avec l’EN sans qu’il ne joue au sein de son club, Saâdane en parle : «C’est difficile de donner un avis sur ça, si je l’avais fait, on m’aurait complètement décortiqué, Vahid a sans doute fait face à des problèmes sur le terrain, on a parlé de problèmes de discipline, parce que là aussi c’est un problème de discipline, je comprends parfaitement le coach de l’EN. Dans la difficulté, on est obligés de prendre des décisions qui ne sont pas forcément conformes à la réalité dans l’intérêt de l’équipe, ce que fait Vahid aussi, c’est qu’il organise des stages pour locaux, nos clubs doivent produire plus de joueurs.»
«J’ai toujours dit que Halliche devait être aidé dans les moments difficiles qu’il a passés»
Halliche a changé de club, mais Saâdane pense que l’EN ne l’a pas bien soutenu dans la crise qu’il a traversée à Fulham : «On regrette le cas de Halliche, j’ai déclaré qu’il devait être aidé et intégré même s’il ne joue pas en Angleterre, c’est une pièce maîtresse, moi quand Ziani était en quarantaine à Marseille, je l’ai quand même convoqué.»
«Belkalem ? On le jugera à la CAN»
A l’image de ce qu’il a dit sur l’équipe, Saâdane pense que le moment propice pour juger Belkalem, c’est lors de la CAN quand il affrontera les rouleaux compresseurs du continent : «On a un potentiel ici au pays, mais ils ont besoin de travailler au sein de leurs clubs, si on améliore cet aspect-là, je suis sûr que dans quelques années, il y aura de la qualité. Concernant des joueurs comme Belkalem, ils ont besoin de temps, c’est dans une compétition comme la CAN qu’on peut savoir leur réel niveau.»
«C’est dommage que je ne puisse pas aider mon pays»
Après avoir encensé des joueurs comme Soudani et Slimani, ainsi que toute l’attaque qui carbure à plein régime, le Cheikh enchaîne sur son avenir, il annonce qu’il ne sera plus sur les terrains du foot encore moins à la tête de la barre technique de l’EN, et regrette le fait que la FAF ne lui fasse pas appel pour la conception technique. «Les terrains pour moi, c’est terminé, j’ai eu plusieurs offres de l’étranger que j’ai refusées, du Maghreb, de tous les pays du Golfe. J’espère être un expert, c’est dommage que je ne puisse pas aider mon pays en ce qui est de la conception technique, il y a des jeunes talents qu’on a formés et qui sont capables d’assurer l’intérim», conclura-t-il sa longue intervention.
S. M. A.