CAN 2013-Mali : attention danger

Le 22 mars prochain va s’enclencher un duel à distance entre les deux favoris du groupe H des éliminatoires de la Coupe du monde Brésil 2014, zone Afrique, entre l’Algérie et son voisin du Sud, le Mali.

Le problème, c’est que les résultats de cette CAN 2013 ont vu s’opérer de fait une totale redistribution des cartes dans cette poule. Un nouvel ordre africain, une nouvelle hiérarchie qui est malheureusement en défaveur des Fennecs, car elle profite aux Aigles du Mali qui ont terminé cette Coupe d’Afrique en trombe, en prenant la troisième place du tournoi et en accrochant «le scalp du Ghana» à leur ceinture.

L’Algérie abattue va affronter un Mali galvanisé

Car lorsqu’on se paye le Ghana d’Asamoah, quart de finaliste de la dernière Coupe du monde et qui a frôlé la demi-finale d’un cheveu, 3 buts à 1, cela donne des ailes. Les Maliens, troisièmes pour la deuxième fois consécutive de la compétition la plus importante du continent, sortent galvanisés de leur séjour sud-africain et vont entamer la prochaine échéance qui les attend en mars prochain, à savoir les éliminatoires du Mondial 2014, avec un moral d’acier. Au contraire de l’équipe d’Algérie, arrivée en Afrique du Sud auréolée de son statut de deuxième nation africaine juste derrière le Ghana dû à sa dix-neuvième place au classement FIFA, et qui est sortie par la petite porte de cette CAN 2013 avec un bilan qui ne prête pas à l’optimisme, mais plutôt à l’inquiétude, à savoir deux défaites et un nul face à la Côte d’Ivoire. Alors que les Verts, malgré la défaite de Ouagadougou, jugée à l’époque «accidentelle», avaient abordé ces éliminatoires en costauds et en leader, aujourd’hui, au vu des derniers résultats, il semble que le Mali ait pris l’ascendant et que l’Algérie doit se contenter de la place d’outsider du groupe. 

Fousseni Diawara : «Une victoire très importante en vue des prochaines échéances»

A l’image du défenseur d’Ajaccio, l’équipe du Mali, avant-hier, même si elle jouait pour la médaille de bronze de cette CAN, avait plus la tête aux éliminatoires de la Coupe du monde 2014 et cette double confrontation face au petit poucet de ce groupe H, le Rwanda, les 22 mars et 7 juin prochains à Kigali, puis à domicile, soit chez eux, si la situation le permet ou dans un pays limitrophe. Quasiment tous les joueurs maliens, sans se concerter au préalable, ont eu dans leurs déclarations d’après-match un mot pour les prochaines échéances, au lieu de profiter du moment présent de joie intense qui était le leur. Mais comme nous vous le disions plus haut, c’est la déclaration de Fousseni Diawara qui est la plus limpide :

«C’est une victoire très importante sur laquelle il va falloir s’appuyer pour nos prochaines échéances (éliminatoires du Mondial 2014 en mars, ndlr). Il nous faut plus de régularité. On a un bon groupe de formé. Maintenant, il faut essayer de jouer le plus de matchs ensemble. Les rassemblements sont assez courts pour qu’on puisse bien travailler tactiquement. Pour cela, il faut du temps. Il faut laisser le coach travailler. Il est là depuis 6 mois et il décroche déjà une 3e place. Il faut lui tirer un grand coup de chapeau. Il faut que les Maliens comprennent que cette 3e, à ce jour, c’est notre place. Même si tout le monde espérait la coupe, notre 3e place et cette médaille sont conformes à la qualité du groupe. A nous de faire plus à l’avenir.» Après une telle déclaration, on peut dire que les choses ont le mérite d’être claires. A ceux qui pensaient que les Super Eagles de Stephen Keshi avaient anéanti cette jeune équipe malienne pour un bon moment, en leur infligeant une correction en quart de finale, bien au contraire, l’Aigle malien, qui était jusque-là amorphe, s’est réveillé.

La gifle infligée par le Nigeria les a réveillés

Car il faut avouer qu’après un match d’une prudence extrême, voire poussif, face aux jeunes Bafana Bafana, qui ont fait l’essentiel du jeu en quart de finale, et qui avec un peu plus d’expérience auraient pu l’emporter, et surtout la gifle 4-1 infligée par les Super Eagles, les autres Aigles version anglophone, plus personne n’aurait parié, ne serait-ce qu’un bouton de culotte sur Seydou Keïta et sa bande. Surtout à la fin de ce quart de finale cauchemardesque, où les Maliens, abattus et exsangues, avaient le regard vide et n’arrivaient plus à se concentrer pour jouer, transformant cette fin de partie en séance de «pousse-ballon» digne de la cour de récréation d’une école primaire. Mais comme l’a dit Sofiane Feghouli : «C’est dans la difficulté et la défaite qu’on apprend.» Ce conseil a été appliqué à la lettre par la bande à Carteron qui a été piquée au vif et qui à la manière d’une bête blessée a préféré jeter ses dernières forces dans la bataille pour laver l’affront et honorer son peuple, en proie à une guerre civile, plutôt que de se laisser mourir. Et il faut une sacrée force de caractère pour claquer un 3-1 face à la première nation africaine, le Ghana, trois jours après avoir totalement sombré face au Nigeria. Sigamary Diarra, l’expérimenté attaquant d’Ajaccio, buteur à la 90e minute, explique magnifiquement ce sursaut d’orgueil dans sa déclaration d’après-match : «La défaite face au Nigeria a créé une grosse déception. On est parvenus à s’en remettre avec cette 3e place comme preuve. On était arrivés avec plein d’ambition en voulant faire mieux que l’année dernière, on n’a pas réussi, mais on a fini une nouvelle fois 3e et on en est très contents.»

Carteron a resserré les boulons

Bien que très critiqué par les observateurs de cette CAN pour avoir dénaturé le jeu malien avec un système ultra-défensif qui rappelle énormément le fameux «autobus de dix défenseurs» dans les 16 mètres, avec un attaquant seul en pointe, avec un jeu bloqué, où le but est de tenir 120 minutes pour faire match nul et attendre un éventuel coup de pied arrêté ou la séance des tirs aux but, qu rappelle le  championnat de première division de son pays, le Français Patrice Carteron a tout de même su, après «le camouflet» que lui a infligé Stephen Keshi, rectifier le coche et ouvrir un peu plus le jeu pour l’emporter avec la manière, in fine, et face au Ghana s’il vous plaît. Carteron, qui disposait déjà d’un bloc défensif impressionnant, en apportant cette petite modification tactique qui lui a permis d’ouvrir un peu son jeu, pour essayer de l’emporter et ne pas viser le match nul. Et cette audace de Carteron, bien que tardive, a fait franchir un pas supplémentaire à son équipe, à la fois sur le plan du jeu, mais aussi sur le plan mental.

L’Aigle est devenu phœnix

Car l’Aigle malien, qui avait été abattu lors d’un combat sans merci pour le territoire du «Soccer City Stadium» de Johannesburg, par un aigle venu du Nigeria et avec une plus grosse force de frappe, s’est transformé en phœnix, le fameux oiseau de feu légendaire, puisqu’il a su renaître de ses cendres. Les joueurs maliens ont su se ressaisir et se remotiver pour essayer de se maintenir au niveau qui était le leur en 2012, déjà au Gabon, et offrir à leur peuple, meurtri par une situation politique et humanitaire difficile, une belle victoire pour l’honneur de tous les Maliens.

Les binationaux enfin impliqués

Car de mémoire de suiveur de l’équipe du Mali, jamais on a vu les joueurs de cette équipe avoir une telle grinta et une telle motivation à l’idée de redonner le sourire à leur peuple. Surtout du côté des joueurs maliens, binationaux, bien souvent nés et qui ont grandi en France, et qui sont déracinés et déconnectés de leur pays. Des «fils d’immigrés», qui découvrent pour la plupart leur pays de cœur lors de leur première sélection et qui avaient par le passé du mal à privilégier leur sélection par rapport à leur club, comme leurs homologues nés au Mali, comme l’ancien joueur du Real Madrid, Mahamadou Diarra par exemple. Voir des joueurs comme Samassa, autrefois qualifié de «quasi français» par la presse malienne, sonner la charge et devenir le porte-étendard de tout un peuple, après avoir ouvert la marque à la 21e minute, est révélateur, que le choc psychologique a eu lieu.

Seydou Keïta le leader charismatique

Le duo Carteron-Pathé Diallo a réussi, grâce à une défaite, à transformer cette sélection malienne en véritable équipe nationale. Une bande de jeunes unis, autour de Seydou Keïta, un leader charismatique, qui a décidé, au crépuscule de sa carrière, de mettre sa carrière en club entre parenthèses pour essayer d’entrer dans l’histoire de son pays. Il n’y a qu’à regarder la moue de l’ancien Barcelonais pour connaître l’état du reste de l’équipe. Cette équipe a opéré une véritable synergie.

Vahid et ses troupes sont prévenus

La bande à Vahid Halilhodzic est dorénavant prévenue. Avec la montée en puissance du Mali, consécutive à une CAN correcte, ponctuée par un match référence face à la meilleure équipe d’Afrique, le groupe H va changer de visage. Les Fennecs devront se faire à leur nouveau statut d’outsiders et réussir leur double confrontation face au Bénin, et l’emporter en costauds à Blida face au Mali pour espérer rêver à Copa Cabana.

Bouguerra Mohamed

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