Pour l’unique et simple raison que dans l’effectif de Valence se trouve l’unique rescapé algérien encore en course dans la compétition des clubs la plus prestigieuse du monde, qui est, cerise sur le gâteau, le maître à jouer et la figure de proue de l’équipe nationale et la coqueluche des supporters algériens. Compétition s’est glissé au cœur de ce match de Ligue des champions pour vous parler de ce huitième de finale, vu à travers le prisme de Feghouli, comme si vous y étiez.
Valence a attaqué, Paris a géré
Sofiane Feghouli avait pourtant prévenu, mardi en fin de soirée, lors de la conférence de presse d’avant-match, qu’il avait animée avec son entraîneur Valverde, à l’auditorium du Parc des Princes. Il avait annoncé la couleur en déclarant : «Si nous n’étions pas convaincus que nous pouvons inverser la tendance nous ne serions pas là. Le match l’aller (1-2) nous a fait mal mais nous sommes ambitieux et nous devrons attaquer dès le début de la partie avec beaucoup de détermination et d’intensité si nous voulons nous qualifier.» Cela n’a pas empêché l’équipe parisienne d’être surprise par le début de la première mi-temps des Valencians, mais le head coach du PSG, Carlo Ancelotti, est, comme son nom l’indique, italien et donc maître en ce qui concerne la gestion d’un score. Dès la lecture de la feuille de match, il était aisé de comprendre qu’il allait y avoir une confrontation tactique entre des Valencians qui se devaient d’attaquer pour revenir au score et essayer de se qualifier et des Parisiens qui resteraient bien campés en défense en exploitant les contres avec les deux flèches Lavezzi-Moura. La première mi-temps, très tactique accouchera d’un timide 0-0.
Des buts en deuxième mi-temps
En seconde période, notamment grâce aux changements dans les deux camps, le match a pris une tournure plus débridée, moins organisée et les filets ont tremblé. Valence a été récompensée à la 55e minute, grâce à un but de Jonas, et Lavezzi à la 66e sur un énième contre laser, avec Gameiro cette fois, a égalisé. 1-1 score final, le Paris Saint Germain est qualifié, Valence éliminé. Sofiane Feghouli a commencé le match comme titulaire et a été remplacé à la 62e minute de jeu.
Le match de Feghouli
Hormis la frayeur que les Algériens ont eue en voyant l’athlétique Thiago Motta tomber sur lui à l’entrée de la surface de réparation parisienne, comme à la CAN face aux Tunisiens, on peut dire que Sofiane Feghouli, en bon professionnel qu’il est, a fait son match. Le numéro 8, chouchou de Mestalla et coqueluche de Tchaker, a, après avoir satisfait au protocole Ligue des champions et exécuté sa prière habituelle, évolué sur le côté droit durant toutes les 62 minutes qu’il a passé sur le terrain.
Il avait les pieds sur la ligne de touche
Durant cette rencontre face au Paris St Germain, Feghouli a joué dans le même registre que le Néerlandais Marc Overmars à l’époque où il évoluait à l’Ajax. L’Algérien avait carrément les pieds sur la ligne de touche et dès qu’il recevait le ballon, éliminait son adversaire en entrant à l’intérieur grâce à un grigri dont seuls ses pieds ont le secret.
Sofiane au four et au moulin
Durant cette rencontre, le stratège de l’équipe nationale a montré l’étendue de son talent, de sa condition physique et de sa polyvalence. Il n’a pas arrêté de faire le «piston» le long de sa ligne de touche entre le front de l’attaque et la cage de son gardien. A chaque temps fort, il montait, et à chaque temps faible il descendait prêter main-forte à son arrière droit qui avait fort à faire avec les contres laser parisiens. Feghouli a été égal à lui-même, il a distillé quelques bons centres, notamment à la 14e, et aurait pu marquer à la 42e minute, après une course de 40 m où il a passé en revue toute la défense parisienne, donnant la «une», mais ne recevant jamais la «deux», alors qu’il était à l’intérieur de la surface. «Soso» a aussi montré lors de ce match qu’il était doué à la récupération et que, malgré sa technique, il savait aussi défendre, gêner les relances des défenseurs parisiens et faire des tacles rugueux qui ont failli lui coûter un carton en fin de première mi-temps.
Soso a joué à domicile
A chacun de ses dribbles chaloupés, à chacun de ses crochets et à chacun de ses gestes techniques, les nombreux Algériens venus le voir au Parc applaudissaient, à tel point qu’on aurait cru qu’il jouait à domicile, pas seulement parce qu’il est né en région parisienne.
Les Algériens de France l’ont bichonné
Depuis que le destin avait choisi d’opposer le Paris SG au Valencia CF, les Algériens de Paris se préparaient à recevoir leur «Soso national». La figure de proue des Fennecs a été accueillie par ses compatriotes résidant à Paris et sa région dès sa sortie de l’avion. Partout où l’Algérien est passé avec son équipe, il y avait toujours des Algériens pour le saluer, l’encourager, se prendre en photo avec lui et lui demander s’il n’avait besoin de rien. Même les nombreux supporters algériens du Paris SG étaient pour une fois partagés sur l’issue du match opposant leur équipe de cœur à leur joueur de cœur. Sofiane Feghouli a durant ce week-end montré une grande disponibilité envers les Algériens qu’il a pu croiser lors de son séjour parisien.
Il sait gérer les médias et la pression
Lorsqu’on a vu l’aisance avec laquelle il a géré sa conférence de presse d’avant-match et la pertinence de ses réponses après le match, on comprend que ce joueur a le bagage intellectuel pour évoluer dans un très grand club type Real Madrid ou FC Barcelone un jour, tant sa communication est parfaite. Feghouli sait gérer la pression médiatique et sa communication, c’est indéniable. Un domaine où les joueurs maghrébins en général n’excellent pas habituellement.
Sofiane Feghouli : «Nous avons tout donné»
C’est un Sofiane Feghouli très abattu qui est venu à notre rencontre et nous a salués en zone mixte. Un Sofiane Feghouli qui, alors que nous étions en bout de zone mixte et qu’il venait déjà de répondre à quatre ou cinq interview, a accepté de répéter à nouveau une énième fois son analyse du match pour les lecteurs de Compétition. Respectant le règlement de l’UEFA à la lettre, il n’a été question que de Ligue des champions, et la CAF ne s’est pas invitée en UEFA.
- Sofiane, votre analyse à chaud après ce match ?
- Nous avions à cœur avant ce match de tout faire pour le gagner avec la manière. De nous créer des occasions, d’être dangereux et nous croyions à la qualification.
- Qu’est-ce qui a manqué ce soir ?
- Nous savions qu’en produisant un jeu juste et porté vers l’offensive, nous allions avoir des occasions de scorer. Nous avons ouvert le score les premiers d’ailleurs. Ce qui nous a manqué ce soir ? Ce deuxième but pour les faire douter peut-être.
- Vous semblez très déçu…
- Je suis déçu certes mais c’est le football, il faut être fair-play. Félicitations à eux et j’espère qu’ils iront le plus loin possible.
- On a senti votre équipe très remontée ce soir. Vous jouiez la qualification à fond…
- C’est clair que le match aller, perdu 2-1 chez nous, à Mestalla, nous avait vraiment déçu. Car nous étions pleins d’espérance et nous avions perdu car nous n’avions pas joué ce soir-là comme nous l’avions prévu. Nous n’avions pas réussi à mettre cette équipe de Paris en danger chez nous, alors nous nous sommes juré de tout faire pour nous qualifier ici en France. Cela s’est joué sur des détails.
- Votre objectif à vous et Valence à partir de ce soir ?
- C’est très simple. Nous re-concentrer sur la Liga pour accrocher un nouveau ticket pour la Ligue des champions et revenir plus fort l’année prochaine Incha Allah.
Quand Feghouli rencontre ses fans
Mais la véritable zone mixte, c’est en dehors du carré médias du Parc des Princes qu’elle se trouvait. Nous avons eu la bonne idée de suivre Sofiane Feghouli, après qu’il a répondu et nous avons été bien inspiré, puisqu’en se dirigeant vers l’autocar, Feghouli a été interpellé par une poignée de supporters algériens, originaires d’Oran. L’international algérien de Valence, pourtant très affecté par la défaite, est venu vers eux et là s’en est suivi une scène très sympathique. Sofiane Feghouli a retrouvé le sourire grâce à trois supporters de l’ASMO, Djamel, Rabah et Amine, qui lui ont changé les idées et grâce à qui il a passé un bon moment .
L’un d’eux l’a embrassé sur la tête
Dès qu’il est arrivé vers eux, le plus âgé de la bande, Benotmane Djamel, l’a immédiatement serré dans ses bras et lui a embrassé le front. Un geste qui a un peu ému Feghouli, et qui l’a aussi fait rire. Ce supporter lui a dit : «Tu vois, nous te suivons partout parce que nous sommes fiers de toi. Et nous te suivrons jusqu’à ce que tu nous qualifies pour la Coupe du monde au Brésil Incha Allah.» Sofiane Feghouli, touché et gêné par tant de compliments, se contentait de répondre «merci» et «Incha Allah».
Quand Soso se lâche, on se marre
Djamel l’Oranais venait à peine de lâcher son étreinte que Sofiane Feghouli s’entretenait déjà avec un autre Asemiste, Amratt Rabah, qui lui a dit : «Nous on s’en fiche du PSG, si l’on est venu ce soir après une journée de travail et qu’on a payé très cher le ticket, c’est pour te voir jouer en vrai. Car nous te suivons à la télévision chaque semaine.» Rabah a profité qu’il avait son idole sous la main pour lui poser une question inattendue : «Ne trouves-tu pas que depuis deux matchs, trois avec celui de ce soir, et malgré le fait que tu sois démarqué et que tu appelles la balle, ton équipe ne jouait pas vers ton côté droit ?» Et là, Sofiane Feghouli, totalement détendu, s’est permis de faire un trait d’humour que nous ne lui connaissions pas et lui a dit : «De toute façon, moi, depuis que j’ai commencé en pro, on ne joue pas sur mon côté, mais ça ne m’a pas empêché de faire carrière (rires).»
«Bien sûr qu’on va battre le Bénin»
Les trois hommes lui ont bien sûr demandé s’il était prêt pour affronter le Bénin, et «Soso» leur a répondu sur le ton de la plaisanterie et avec une complicité dans la voix : «Bien sûr qu’on va battre le Bénin.»
Ils ont même essayé de le protéger du grigri béninois
La discussion entre Feghouli et ses amis d’un jour durant dans le temps, un supporter du PSG d’origine africaine a reconnu l’Algérien et lui a demandé s’il pouvait prendre une photo avec lui. Alors que Soso s’apprêtait à prendre la photo, Djamel et Amine lui ont dit d’une seule voix : «Ne prend pas la photo, c’est sûr c’est un Béninois, il va l’utiliser pour faire du grigri !» Sofiane Feghouli a rit et a quand même pris la photo.
«Vas-y Sofiane, monte dans le bus, sinon ils vont partir»
Puis les trois hommes se sont offert une petite séance photo avec Feghouli et malgré leur joie de passer un moment privilégié avec le stratège de l’équipe nationale, voyant que le bus allait partir, ils ont dit à Feghouli : «Vas-y Sofiane, monte dans le bus, sinon il va partir», tout ça dans un arabe dialectal typiquement oranais. Ce petit moment aura été une véritable bouffée d’oxygène pour l’Algérien.
Un dispositif Ligue des champions pour le PSG
Le Paris SG avait mis les petits plats dans les grands avant-hier soir pour respecter le cahier des charges «Ligue des champions» imposé par l’UEFA. Pour une fois, la wi-fi fonctionnait, et les pupitres étaient nominatifs. Sans parler du dispositif sécuritaire qui était quadruplé.
Accréditations, la presse africaine n’a pas la cote
Alors que d’habitude les accréditations sont données par l’Union des journalistes sportifs français et qu’il n’y a aucun problème à signaler, pour la ligue des champions, c’est le service média du PSG qui s’est occupé de cela, et les médias africains en ont fait les frais. Certes, tout le monde a été accrédité, mais 90% de la presse maghrébine et africaine n’a pas eu le macaron «zone mixte», permettant les interviews d’après-match, alors que le reste, y compris les confrères coréens, chinois, indiens et japonais, en ont tous eu une. Au PSG, on préfère mieux les pays riches qui achètent des maillots et des droits tv, plutôt que des pays moins fortunés certes, mais qui sont des pays de football.
Al Khelaifi alias «protocole n°1»
Comme à son habitude, Nasser Al Khelaifi, le président qatari du Paris Saint Germain, se déplace de sa loge VIP au vestiaire pour féliciter les joueurs. Nous avons su qu’Al Khelaifi arrivait car depuis deux ou trois matchs, nous avons compris le code par lequel les agents de sécurité de sa garde rapprochée l’appellent. Son nom de code est «protocole numéro 1». Trente secondes après que les talkies-walkies annoncent l’arrivée de «protocole n°1», Al Khelaifi arrivait devant le vestiaire.
Ibrahimovic et Menez décontractés, Beckham et Feghouli so british
Alors que Zlatan Ibrahimovic et Jérémy Ménez avaient choisi de s’habiller «street wear», comme des jeunes de banlieue, avec jogging, bonnet et basket, David Beckham et Sofiane Feghouli, eux, ont choisi un look plus smart, avec un costume bien coupé et des chaussures vernies. So british.
M. B.