Carteron : «Avant l’Algérie, il nous faut les 6 points»

L’Algérie, grâce à sa victoire contre le Bénin, a pris la tête du groupe H, le Mali victorieux à Kigali s’accroche à ce fauteuil de leader que les Aigles veulent à eux seuls dès le mois de juin prochain. Patrice Carteron, le coach du Mali, nous le fait savoir. Il nous a accordé cette interview dans laquelle il revient sur la lutte acharnée entre le Mali et l’Algérie qui pourrait continuer jusqu’au mois de septembre prochain. Ecoutons ce qu’il dit.

- D’abord, félicitations pour votre excellent parcours à la CAN, puis pour cette victoire décrochée à Kigali.

- Merci. Laissez-moi aussi féliciter l’Algérie pour sa belle victoire arrachée face au Bénin.  

 

- Coach, dites-nous, ça vous fait quoi de récolter autant de bons résultats en un temps record, alors que vous venez d’arriver à la tête de cette sélection malienne ?

- Oui, je savais dès le début ce qui m’attendait. Je savais que l’équipe s’était classée 3e à la CAN 2012 et que c’était difficile de stabiliser le groupe. Ce n’était pas gagné d’avance, on a travaillé très dur avec le staff ; je suis très content d’avoir atteint cette 3e place une seconde fois consécutive. Le niveau est très élevé en Afrique ; la majorité des équipes sont parfaitement structurées, l’écart est de plus en plus mince et la différence se fait souvent sur l’état de fraîcheur du moment.

 

- La preuve, nous avons vu beaucoup de surprises le week-end dernier…

- Tout à fait. On l’a vu le week-end dernier avec beaucoup de surprises, les deux favoris logiques de ce groupe, le Mali et l’Algérie, ont gagné, mais je ne cesserai jamais de répéter que l’Algérie est le favori, car avoir l’avantage de nous recevoir chez elle à la dernière journée est assez exceptionnel. De notre côté, on va faire en sorte que l’Algérie donne vraiment le meilleur d’elle-même pour mériter la première place de ce groupe.

 

- Vous avez créé la sensation de cette 3e journée en allant vous imposer à Kigali au Rwanda…

- On savait que le groupe était extrêmement serré et aller chercher un bon résultat au Rwanda était pour nous une bonne façon de marquer les esprits. C’était une semaine très difficile, très compliquée, on s’est entraînés sur du synthétique, en altitude ; on a eu des conditions climatiques pas faciles et très compliquées. Il a plu, il a fait froid durant la semaine, et c’est pour ça que j’étais très heureux, car, après avoir eu une première période très difficile, on a eu les ressources de revenir rapidement en seconde mi-temps…

 

- Et vous avez même gagné ce match…

- Après l’égalisation, nous sommes allés chercher une victoire sur un terrain difficile, face à un adversaire qui a vendu chèrement sa peau et qui nous a poussés dans nos derniers retranchements. Mais, vous savez, on prépare toujours les matches pour faire du mieux possible. Avant notre déplacement au Botswana, il y a quelques mois, le Mali avait la réputation de ne jamais gagner à l’extérieur, l’équipe est restée 5 années sans gagner à l’extérieur, et maintenant on est sur 2 victoires à l’extérieur en deux déplacements. Donc, je suis plutôt content qu’on ait pu casser cette spirale négative à l’extérieur pour donner à la nation d’autres moyens de grandir.

 

- Et si vous nous parlez un peu de cette équipe du Rwanda ?

- Cette même équipe du Rwanda était allée en Coupe du monde des U17 il y a quelques années. Ils commencent à récolter un petit peu le fruit du travail effectué en matière de formation, ils ont beaucoup de jeunes joueurs inconnus, mais qui sont en train de monter en puissance. Je les ai vus aussi durant la semaine, ils ont fait un très bon match contre la Libye. Je pense que c’est une nation de foot. Avec son organisation actuelle, il va certainement encore grandir, comme ce fut le cas il y a quelques années du Burkina Faso ou de la Zambie. Je pense que c’est une nation qui va continuer à grandir.

 

- Et concernant l’équipe A…

- Ils ont un pénitentiel offensif, avec des joueurs de vitesse, un effectif redoutable, qui ne se pose pas de questions, qui est bien soutenu par un public. C’est un adversaire effectivement dangereux, comme vous l’avez si bien souligné, et c’est pour ça qu’on a savouré cette victoire.

 

- Au même moment, l’Algérie a battu le Bénin, avez-vous suivi ce match ?

- Oui, tout à fait. Je suis forcément tous les matches de l’Algérie, c’est une très belle équipe, un adversaire redoutable ; je l’ai vu lors de la dernière CAN, mais aussi ses matches amicaux, et face au Bénin ; sans un gardien exceptionnel en face, je pense qu’ils auraient eu la tâche plus facile, mais ils ont eu les ressources nécessaires de gagner ce match-là. Avec deux buts d’écart, un très bon goal-average, ils gagnent avec des 4-0 à domicile, 3-1, comme je vous l’ai dit, ils sont injouables à domicile, mais bon…

 

- Ici, chez nous, les gens ont critiqué le rendement de l’équipe face au Bénin, et ce, malgré la victoire…       

- Vous savez, dans chaque équipe il y a des points faibles. Pour moi, la dernière CAN concernant l’Algérie se résume à ce match contre la Tunisie, un match qu’ils pouvaient gagner facilement, mais que vous avez perdu sur un véritable hold-up dans les arrêts de jeu ; ils pouvaient aussi gagner contre la Côte d’Ivoire. Maintenant, forcément l’équipe d’Algérie a aussi des points faibles, sinon elle n’aurait pas perdu contre nous à l’aller, mais il faut noter que sans qu’elle fasse un grand match contre le Bénin, elle a pu l’emporter 3-1. Je n’ose pas imaginer l’ampleur du score si elle avait fait un grand match !

 

- Vahid parle de 4 points obligatoires, est-ce que vous pensez que l’équipe algérienne a les capacités d’aller s’imposer par exemple à Kigali ?

- Cette équipe a le potentiel d’aller gagner partout, aujourd’hui, en plus, le travail de fond qui est fait en Algérie avec la venue de beaucoup de binationaux, je suis assez admiratif du travail qui est fait. Arriver à faire venir des joueurs comme Ghoulam, quelqu’un comme Brahimi, qui a vraiment un talent exceptionnel, donne non seulement à la sélection un plus pour gagner, mais aussi pour préparer l’avenir, et offre dans quelque temps la chance de devenir une nation de foot de très haut niveau…

 

- Vous connaissez bien tous ces joueurs…

- Sur papier. Pour moi, aujourd’hui, individuellement, l’Algérie a les joueurs qui évoluent dans les meilleurs clubs, et c’est pour cela que je les vois dans la capacité d’aller gagner partout en Afrique, pas seulement à Kigali.

 

- Mais vous avez plus de chance grâce notamment aux deux rencontres que vous jouerez à domicile. Déjà, confirmez-vous que les matches auront lieu à Bamako ?

- On a eu l’assurance qu’effectivement les rencontres auront lieu à Bamako. A moins qu’il y ait des incidents problématiques chez nous dans les mois qui viennent, chose qu’on ne souhaite pas, normalement, les deux matches auront lieu à Bamako.

 

- C’est un sacré avantage pour vous…

- Bien sûr, ce n’est jamais évident, comme cela a été le cas, de s’expatrier et d’aller jouer des adversaires au Burkina Faso ; on sait qu’à domicile on est soutenu par un public à chaque fois heureux de voir son équipe. On essayera de leur donner du bonheur comme on l’a fait lors de cette coupe d’Afrique de nations ou contre le Rwanda, même si, en football, on sait que jouer deux matches de suite à domicile, c’est très difficile d’arriver à les gagner. On sait que notre petite chance y est, mais on n’a pas d’autre alternative que de prendre six points.

 

- Il vous faudra marquer beaucoup de buts en même temps…
- Ça, je crois que ça sera pratiquement impossible d’arriver à faire aussi bien que les Algériens, on n’a pas autant de potentiel ; il faut savoir que nous, l’objectif ça sera de prendre les 6 unités pour aller et avoir une chance de se qualifier sur le dernier match en Algérie. Après, l’Algérie, aujourd’hui, a également son destin entre ses pieds, puisqu’ils savent que s’ils gagnent les trois matches qui leur restent, ils sont qualifiés ; ils savent qu’après deux victoire à l’extérieur, ils nous recevront en position de force à domicile, donc c’est eux qui ont aujourd’hui l’avantage, à eux de le conserver, et à nous de faire un parcours parfait pour venir les déranger.        

 

- Vahid ne cesse de déclarer que le Mali est le favori du groupe et vous de votre côté vous dites le contraire…

- La vérité, c’est que les deux sélectionneurs se respectent. Déjà, j’apprécie ces paroles, parce que je sais qu’il a beaucoup de respect par rapport à ce qui a été accompli à la CAN. Après, j’ai tendance à dire que les deux sélectionneurs vont tout faire pour se qualifier, il ne faut pas se voiler la face, mais, quand on pose les deux effectifs sur le papier, l’effectif de l’Algérie est largement supérieur, c’est une réalité, il n’y a rien de péjoratif, rien de bluff par rapport à ça. Après, collectivement, on sait que nous, il nous faut beaucoup plus d’efforts pour  arriver à hausser notre niveau de jeu et à rivaliser avec l’Algérie.

- Ryad Boudebouz a été écarté du groupe, le coach Vahid lui reproche d’avoir fumé une chicha à la CAN, que pensez-vous d’une telle décision ?

- Chaque sélectionneur et entraîneur a un profil, il fait des choix par rapport à la discipline ; les joueurs ont tendance à se regrouper à plusieurs pour fumer une chicha, avoir un moment de détente, moi, personnellement, ce n’est pas quelque chose qui me choque. Maintenant, ce n’est pas le cahier des charges et la discipline fixés par la sélection algérienne, donc je ne me permettrai pas de juger les normes et les règles d’un pays comme l’Algérie. Moi, j’ai un avis différent qui ne regarde que moi. Il a voulu certainement faire un exemple, il a des résultats et ça lui donne raison.

 

- Vous avez évoqué l’apport des binationaux, avec l’arrivée d’anciens Bleuets comme Brahimi, Taïder ou Ghoulam, est-ce que vous n’avez pas mis en place un programme dans ce sens pour renforcer votre sélection à l’avenir ?

- On a effectivement un nombre de joueurs maliens qu’on aimerait faire venir en sélection, mais, vous savez, ce n’est pas facile, le Mali n’a pas encore le standing d’une nation comme l’Algérie, ce n’est pas forcément évident. Les joueurs veulent souvent attendre s’ils auront leur chance en équipe de France, maintenant, je suis content qu’on ait pu faire venir un gardien, Samassa en l’occurrence, un défenseur central comme Molla Wagué de Caen, et puis dernièrement Mana Dembélé, l’avant-centre de Clermont, évoluant en Ligue 2 française. Des joueurs, qui à l’heure où je vous parle, sont encore jeunes, et qui n’ont pas encore le standing de joueurs comme Taïder ou Brahimi, mais il s’agit quand même d’une bonne évolution et d’une bonne progression.

- Vous avez cité Taïder, qui a joué son premier match face au Bénin, comment avez-vous trouvé sa prestation ?

- Pour un premier match, il a été décisif ; ce n’est jamais simple, il est décisif au moment où l’équipe était en difficulté, c’est déjà la marque d’un grand joueur ; je suis persuadé qu’il va continuer à beaucoup apporter à cette équipe d’Algérie. J’espère qu’il sera dans un jour sans contre nous et le reste, je suis persuadé qu’il va continuer à beaucoup apporter.  

 

- Vous devez aussi connaître Ghoulam ?

- Il a un grand potentiel, il a des hauts et des bas en club, mais il est jeune, il a une énorme activité, il est capable de multiplier les allers et retours sur le couloir gauche, il a un bon jeu de tête. Défensivement, il a aussi du potentiel, il va encore gagner en expérience. Mais je suis sûr que c’est un renfort de choix pour l’Algérie pour les dix années à venir, parce qu’il est tout jeune et il va continuer à grandir.   

 

- Le peuple malien rêve de voir sa sélection nationale jouer un Mondial, est-ce que Carteron a cette baguette magique qui permettrait aux Aigles d’aller au Brésil en battant par exemple l’Algérie dans son fief à Tchaker ?

- Gagner en Algérie, très honnêtement, ça me semble impossible à l’heure où je vous parle, parce que j’ai regardé les matches, et j’ai vu l’ambiance ; ça serait un exploit historique, mais s’appuyer et rêver de ça à l’heure où je parle, me semble difficile, c’est pour ça que je vous ai dit qu’on a besoin de faire un parcours parfait à domicile. Il faut vraiment qu’on prenne six points dans les deux matches qui viennent, après, notre chance, c’est que le Bénin a aussi une chance de se qualifier. Il ne faut pas l’oublier, ce n’est pas leur défaite en Algérie qui va faire oublier qu’il leur manquait leurs deux meilleurs joueurs, à savoir Poté et Sessegnon, au mois de juin avec ces deux joueurs là…

 

- Pour vous, le Bénin a encore toutes ses chances ?

- Ils ne vont pas être faciles à jouer, ils vont jouer leur va-tout ; imaginons qu’ils puissent surprendre l’Algérie, et venir jouer la première place la semaine suivante au Mali ; c’est dire qu’il ne faut pas résumer la bataille entre le Mali et l’Algérie parce que ce groupe est difficile, aller au Rwanda et s’imposer c’est très difficile, le Bénin peut se qualifier, le Mali a une défaite au Bénin, c’est le football, c’est comme ça. Il faut l’accepter, mais, pour le reste, tout va se jouer au mois de juin. Après, aller s’imposer en Algérie, oui ça serait un miracle, mais on en est encore loin.

S. M. A.

«C’est l’Algérie qui a aujourd’hui l’avantage, à elle de le conserver»

«On a toutes les assurances pour accueillir à Bamako»

«Se regrouper à plusieurs et fumer une chicha, je n’y vois aucun mal ?»

«En écartant Boudebouz, Vahid a certainement voulu en faire un exemple»

«Il a des résultats, ça lui donne raison»

«J’espère que Taïder sera dans un jour sans contre nous»

«Ghoulam est un renfort de choix et il va continuer de grandir»

«Le Bénin a joué à Alger sans ses deux meilleurs joueurs»

«Il ne faut pas résumer la bataille entre le Mali et l’Algérie»

«Brahimi a un talent exceptionnel»

«Je suis admiratif du travail qui se fait chez vous»

 

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