EN : Antar se livre à Compétition

«C’est aux joueurs de s’adapter à Vahid et non le contraire» «J’ai toujours eu d’excellents rapports avec Halilhodzic» «Quand j’avais une chose à dire à Vahid, j’allais le voir et, d’homme à homme, de professionnel à professionnel, je la lui disais les yeux dans les yeux» «Djabou est un bon joueur, mais aussi un Homme avec un grand H» «Belaïli est un diamant à l’état pur» «Cette équipe est plus talentueuse que la nôtre» «Les leaders se dégagent naturellement» «Ma retraite n’a rien à voir avec la venue de Vahid»

- Félicitations pour votre victoire lors du derby tunisois face au Club Africain…

- Merci beaucoup. C’était un match important. On a dominé les débats et on a su nous imposer face à un adversaire coriace. Le match était tendu. On ne s’est pas fait de cadeaux. Je suis content qu’on l’ait remporté en alliant l’art à la manière.

- Vous avez fourni une bonne prestation. Mais on vous a senti un peu excité quand même. Ce explique pourquoi vous étiez sur le point de vous disputer avec deux ou trois joueurs adverses…

- Comme je vous l’ai dit, ce match était important pour les deux équipes. Il y avait beaucoup de tension et des accrochages comme celui dont vous me parlez qui est courant lors des derbys. Mais, je ne pense pas avoir été assez excité, c’était juste la tension du derby, sans plus.

- On vous a vu quitter le terrain en boitant après une heure de jeu. Rassurez-nous, ce n’est pas grave?

- Comme vous le savez, je n’ai pas trop joué en début de saison. Après avoir rejoint l’Espérance, j’ai commencé à retrouver le rythme progressivement. Maintenant, on joue chaque trois jours et cela a, à mon avis, provoqué cette blessure. J’ai une contracture à la cuisse. Je pense que ce n’est pas trop grave.

- Vous vous plaisez en Tunisie…

- Oui, ça me plaît de jouer dans ce championnat. Le niveau n’est pas mal. L’Espérance est un club bien structuré. Les infrastructures sont excellentes. Au niveau de la ville, je me sens à l’aise. Ma famille se plaît aussi. Tout va bien pour moi.

- Passons, si vous le voulez, à l’équipe nationale. Vous qui connaissez bien la maison, comment vous trouvez l’équipe actuelle ?

Je vois une équipe qui progresse sans cesse. Il y a beaucoup de joueurs de qualité et on voit à travers les matchs qu’il y a du travail qui est en train de se faire. J’espère qu’ils vont réussir à se qualifier à la Coupe du monde.

- Vous parlez du plan sportif, mais ce qui nous intéresse en ce moment bien précis, c’est le côté humain. Vous êtes certainement en contact avec certains joueurs, vous entendez des choses que nous, on n’entend pas. Vous remarquez aussi des choses qui nous échappent à nous les journalistes… De loin, comment vous trouvez le groupe, l’ambiance ?

- Vous savez, depuis que je suis parti, beaucoup de choses ont changé en sélection. C’est vrai qu’il y a des joueurs, comme Madjid (Bougherra, ndlr) qui ont choisi de continuer, mais je pense que certaines choses ont évolué, ou régressé… Je ne sais pas. Pour revenir à votre question, et contrairement à ce que vous pensez, je ne suis pas aussi informé des affaires de la sélection que vous ne le pensez. Je suis avec beaucoup d’attention l’actualité des Verts, ce qui est normal et logique, mais au-delà de savoir des choses que vous les journalistes vous ignorez, non. J’ai décidé de prendre ma retraite et cela implique automatiquement aucune ingérence de ma part dans les affaires internes de l’EN.  Ce n’est pas parce que j’aie été le capitaine de cette équipe que je suis mis au courant de ce qui se fait  dedans. Cela dit, je reste un fidèle supporté des Verts.

- Mais cela ne vous empêche pas de donner votre avis, en tant qu’ancien international et capitaine de l’EN…

- Oui, bien sûr, mais je ne parlerai pas des choses dont j’ignore l’existence ou qui sont confuses. Vous savez, il s’agit de la sélection, c’est l’affaire de tout un peuple. Créer des polémiques, inventer et surtout alimenter les conflits seraient à mon avis : ne pas aimer l’équipe nationale. C’est faire preuve de manœuvre dangereuse pour l’équipe, ce que je ne veux surtout pas faire. Je pense, et je suis très sincère, que notre équipe est sur la bonne voie. On est aujourd’hui respectés et reconnus en tant que puissance footballistique en Afrique. J’ai visité plusieurs pays et j’ai pu constater ça de mes propres yeux. Il faut laisser cette équipe grandir, travailler et progresser. Ce n’est pas le moment de se remettre en question, comme il n’est pas indiqué de chercher des problèmes là ou il n’y en a pas. On va prendre un virage important pour l’avenir de cette équipe et même de cette génération. Le temps est à la concentration, au travail et la sérénité.  

- On comprend et on respecte votre position, mais dites-nous quelle est la différence entre cette génération et la vôtre ?

- Comme je vous l’ai dit, je n’ai pas trop vécu avec l’actuelle équipe. Après mon départ, beaucoup de joueurs sont arrivés, d’autres sont partis. Néanmoins, je pense que cette génération a plus de joueurs talentueux que la nôtre. Grâce à la loi du Bahamas et surtout aux efforts du président Raouraoua, beaucoup de joueurs franco-algériens ont rejoint l’équipe. Taïder, Feghouli, Brahimi, Ghoulam… Pour ne citer que ceux-là, ce sont de très bons joueurs. Ils sont jeunes et peuvent dans un avenir très proche former le noyau de l’équipe.

- Vous voulez dire que Halilhodzic a plus de choix qu’avait Saâdane, si c’est oui, alors, il devrait faire mieux que lui, du moment que les moyens dont il dispose sont les mêmes, si ce n’est mieux que ceux mis à la disposition de Rabah Saâdane…

- Je ne veux pas entrer dans ce débat, encore moins faire la comparaison entre Cheikh Saâdane et Coach Vahid. Chacun à sa méthode, chacun sa conduite, chacun son époque. Comme je l’ai dit, l’équipe est en train de progresser, de gagner, c’est ce qui importe le plus à mon avis. 

- Sur l’émission Studio foot diffusée sur Echourouk TV, et au sujet du capitanat et des leaders,  vous avez dit que c’est au coach de trouver ses leaders, de les former et de les imposer. Vous avez dit aussi que Saâdane l’avait fait et que Vahid devrait faire de même, que vouliez- vous dire au juste ?

- Vous savez, dans un groupe, il y a des leaders qui se dégagent naturellement, des leaders nés, d’autres que le coach lance, forme, choisit. Cette problématique est posée souvent en équipe nationale parce que beaucoup de joueurs de l’ancienne équipe ne sont plus là. Le football est ainsi fait. Des joueurs s’en vont, d’autres arrivent. Cela dit et comme je vous l’ai dit avant, je ne connais pas bien cette équipe. Je ne peux même pas vous nommer les joueurs qui sont des leaders, ou même affirmer s’il en existe en sélection, mais ce que je sais par contre, c’est qu’en plus du talent des joueurs qui forment actuellement la sélection, il y a forcément des joueurs capables de devenir leaders dans le groupe  et meneurs d’hommes dans un avenir très proche.

- Pensez-vous qu’un joueur comme Feghouli est capable d’assumer ce rôle ?

- Je ne sais pas. Je n’ai joué qu’un seul match avec Sofiane. C’est un garçon très doué. Il a de la personnalité, mais je ne peux dire s’il peut devenir un bon leader ou pas.

- Halilhodzic a récemment attaqué certains joueurs lors de sa dernière conférence de presse. Traitant certains d’hypocrites, d’autres de traîtres… Il a même dit que Djabou est un joueur de 10 mn, que pensez-vous de ses déclarations ?

- Il faut que les joueurs s’adaptent à Halilhodzic. Il faut qu’ils apprennent à le connaître et à comprendre ses motivations et surtout les messages qu’il veut passer à travers ses conférences, ses déclarations ou même ses discours aux entraînements. Je pense que chaque entraîneur à sa façon de faire, sa méthode de travail, sa conduite et les joueurs se doivent de l’accepter. Ce n’est pas à Halilhodzic de s’adapter à eux ! Ça ne marche pas comme ça dans le professionnalisme.

- Vous avez affronté Djabou cette semaine, pensez-vous que c’est un joueur de 10 mn ?

- Bien sûr que non ! Djabou est un très bon joueur et de plus, c’est un vrai homme. Je ne sais pas si vous avez vu le geste qu’il a fait à mon égard (NDLR : Antar a sèchement taclé un joueur du Club Africain, les équipiers de ce dernier voulaient le venger et s’en prendre à Antar avant que Djabou n’intervienne avec force pour sauver son compatriote)… Le coach ne compte pas sur lui, c’est son affaire, il a sûrement ses raisons, Mais Djabou reste un très bon joueur.

- Belaïli est en train de réaliser une excellente saison. Que pensez-vous de lui ?

- Youcef est un diamant à l’état pur. Il est en train de se façonner, de trouver sa voie. Je lui prédis un avenir radieux. Il a la chance d’avoir un bon entraîneur, Al-Kanzari, en l’occurrence, qui est en train de le faire progresser, surtout tactiquement.

- Pensez-vous qu’il est prêt à intégrer la sélection dans l’immédiat ?

- Il a largement les qualités pour…

- On va maintenant vous poser une question et on aimerait recevoir une réponse franche et honnête…

- Je connais déjà votre question, mais allez-y quand même… Cela commence par : avec du recul, non ?

- Avec du recul (il nous coupe) :

- Je le savais (rire). 

- …Avec du recul, vous ne pensez pas avoir pris votre retraite un peu trop tôt ?

- Vous dire que je n’y pense pas serait vous mentir. J’y pense même chaque jour. Quand j’entends l’hymne nationale, je vibre d’émotion et quand il y a un match de l’équipe nationale, le moment que j’attends le plus c’est Kassaman… Mais j’ai pris ma décision et je ne peux plus revenir en arrière. Je n’ai aucun regret bien au contraire, je l’assume entièrement.

- Une autre question mais sans langue de bois… Qu’est-ce qui a déclenché cette décision. Il y a bien une raison, une explication logique…

- J’ai tout simplement ressenti le besoin de céder ma place aux jeunes. Il y avait beaucoup de jeunes défenseurs axiaux qui arrivaient derrière. Medjani, Belkalem, Benlamri et Chafaï avaient les qualités pour nous remplacer et j’ai tout simplement voulu leur céder ma place. C’est tout.

 - Ça n’a pas de rapport avec la venue de Vahid, ni… (Il nous coupe)

- Ça n’a aucun rapport avec ça. Je tiens à préciser que j’ai de très bons rapports avec le coach. J’ai connu plusieurs entraîneurs tout au long de ma carrière et j’ai pu m y ’adapter sans aucun problème. J’aurais pris la même décision si Benchikha, Saâdane ou un autre étaient à la tête de la sélection. Vahid est un bon entraîneur. J’ai eu à travailler avec lui et ça s’est passé très bien. Quand j’avais quelque chose à lui dire, je ne me cachais pas, je ne me retenais pas non plus. J’allais le voir et lui dire la vérité les yeux dans les yeux. Nos discussions étaient toujours positives. Entre deux professionnels, on se comprenait très, très bien. Je tiens donc à vous assurer qu’il n’y a aucun problème entre nous.

- On vous croit sur parole parce que le coach vous a beaucoup regretté et il ne le cachait pas…

- Oui, cela prouve que sa venue n’y était pour rien dans ma décision de me retirer. J’ai pu lire et entendre ses éloges tout au long des conférences de presse qui avaient suivi ma retraite.  Mais comme je vous l’ai dit, ma décision était prise, je ne pouvais pas revenir en arrière.

- Vous aviez quand même eu droit à une belle fin, une victoire en Gambie avec à la clé un but de toute beauté. Vous aviez aussi été honoré par la FAF en la présence du coach…

- Je connais des fins beaucoup plus belles…Mais bon, c’était mon destin. Aujourd’hui, la page est tournée, je suis passé à autre chose…

- Les Verts s’apprêtent à jouer le Bénin et le Rwanda en déplacement, comment voyez-vous ces deux rencontres ?

- C’est un virage dangereux. Ces deux matchs sont décisifs. Personnellement, je fais confiance à ce groupe. J’espère qu’ils seront dans un bon jour et que les blessures épargneront nos joueurs. Se qualifier à la Coupe du monde est quelque chose d’unique, de spécial. J’espère qu’on passera du fond du cœur, je souhaite à cette génération de connaître ce que c’est que de jouer un Mondial.

- Dernière question. Que fera Antar Yahia une fois il arrêtera le football ?

- J’ai l’intention de jouer encore quelques années... Tant que je me sentirai capable de jouer je veux dire. Après, je ne sais pas, entraîneur ou manager… Dans tous les cas, je ne m’imagine pas m’éloigner des terrains de football.

A. B.

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