- Encore une fois, Rachid Mekhloufi est présent dans une manifestation où le football algérien est à l’honneur. Première question, comment allez-vous ?
- Je vais bien. Comme un homme de mon âge. Lorsqu’on a fait appel à moi, je n’ai pas hésité une seconde, car tant que Dieu me prête vie, je répondrai toujours présent pour l’Algérie et pour faire le bien et apporter les biens à mes compatriotes et à ceux qui en ont besoin, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants comme aujourd’hui. Il faut que cette noble cause que prône Sport sans frontières, à savoir redonner le sourire à des enfants handicapés ou traumatisés dans le monde, doit être soutenue et connue de tous. De plus, je suis en famille à Tremblay au milieu de l’Algérie du football, car tous ces joueurs de 1982 sont un peu mes enfants
- Vous êtes le seul ici, avec Karim Ziani, à faire des photos et à être reconnu à la fois par les Algériens et aussi par les Français. A commencer par monsieur le maire de Tremblay en France qui ne vous a pas lâché d’une semelle depuis votre arrivée. Vous semblez surpris ?
- En ce qui concerne monsieur le maire, François Asensi, il est à peu près de ma génération. Nous avons un peu discuté des Verts et de l’année 1958, donc je ne suis pas surpris. Mais j’avoue mon étonnement de voir toutes ces personnes, qui ont l’âge de mes petits-enfants, venir se prendre en photo avec moi et me parler de mon parcours et de ma carrière comme s’ils m’avaient vu jouer. Cela me surprend à chaque fois.
- Vous êtes, avec vos compagnons de l’équipe du FLN, la genèse de cette équipe nationale algérienne. Alors comment Rachid Mekhloufi analyse-t-il le parcours récent de notre équipe nationale. Notamment la qualification acquise au Rwanda ?
- Votre question me prouve encore une fois que le football algérien souffre d’un mal très profond. Car il a suffi de deux victoires de suite de notre équipe nationale pour que tout le pays s’enflamme et qu’on devienne une équipe invincible, ce qui est totalement faux, car, en football, chaque fois que l’on atteint un palier, on doit chercher à atteindre le suivant et ne pas se reposer sur ses lauriers en croyant que l’on est arrivé.
- Votre message, c’est donc «il faut savoir raison garder», c’est bien ça ?
- Bien sûr qu’il faut savoir raison garder, car nous ne sommes pas encore qualifiés que je sache. Il y a un dernier tour à franchir et j’ai jeté un œil sur les équipes déjà qualifiées pour ce dernier tour ou en passe de l’être et je peux vous dire que des équipes comme la Tunisie, le Sénégal, le Cameroun, l’Egypte, etc. sont loin d’être des enfants de chœur.
- Selon vous, comment doit-on aborder ce dernier tour qualificatif ?
- Il faudra rester humble, sérieux, bien préparer ces deux rencontres en travaillant dur. Il y a quelque chose à faire lors de ces deux matchs, mais il ne faudra pas tomber dans nos travers, à savoir s’enflammer, car il faudra absolument qu’on se qualifie, mais la qualification n’est pas le plus important.
- Qu’est-ce qui pourrait être plus important qu’une qualification au Mondial 2014 ? Pouvez-vous nous éclairer ?
- Nous devons nous poser la question suivante : est-ce qu’avec une équipe comme celle que nous avons en ce moment, nous sommes capables de faire de bons résultats en Coupe du monde. Il ne faut pas que l’aboutissement ultime soit d’aller en Coupe du monde pour revenir aussi vite que l’on est parti après trois mauvais résultats au premier tour. Notre but devrait être de passer un tour, ou du moins de faire trois bons matchs où l’on aura joué la gagne. Se qualifier pour ne rien faire ensuite ne sert à rien. L’équipe d’Algérie ne doit pas juste se contenter d’une participation en cas de qualification.
- C’est donc ça qui freine notre football. Cette perception que le football algérien manque d’une certaine ambition et semble se contenter du minimum ?
- Oui, exactement. C’est cette mentalité, entre autres choses d’ailleurs qui fait que le football algérien est malade. Ses dirigeants actuels ou passé le savent et ne veulent rien dire. Mais pour commencer à nous en sortir, bien que le chantier soit énorme, le premier conseil que je me permettrais de donner à ceux qui dirigent le football algérien actuellement, c’est qu’en cas de qualification, bien sûr, il faudra y aller pour aller le plus loin possible et penser à préparer l’avenir en parallèle. Car si l’équipe nationale représente le sommet de la pyramide, il ne faut pas oublier la base de celle-ci.
- Préparer l’avenir, passe par quoi ?
- D’abord cela passe par un état des lieux, un tour d’horizon de la situation. Ensuite il y a une programmation à faire en fonction de l’état du chantier. Après cela, il y a des hommes et des femmes à trouver pour mettre en place ce programme établi. Et je ne vous parle pas des terrains et des infrastructures, à la fois pour le haut niveau et pour les jeunes, la formation et le football amateur et de proximité à créer pour mener à bien cette politique programmée.
- C’est un chantier pharaonique que vous proposez. L’Algérie est-elle actuellement capable de le mener à bien ?
- Certes, le chantier est vaste, mais oui je suis persuadé que nous pouvons le mener à bien. Nous disposons du plus important : la plus grande richesse, la matière première. Et lorsque je parle de matière première, je parle de l’être humain. Lorsque, avec l’équipe du FLN, nous sillonnions le pays pour parrainer des tournois de jeunes, j’ai eu l’occasion de voir dans les coins les plus reculés du pays de fantastiques jeunes footballeurs avec un niveau technique impressionnant. Des jeunes qui se sont formés quasiment seuls, car la formation est abandonnée chez nous. Imaginez si c’est jeunes avaient pu accéder à une réelle formation. Nous aurions pléthore de très grands joueurs. Il manque juste la volonté pour exécuter ce chantier.
- Qui manque de volonté pour que ce chantier soit lancé ?
- Je parle des dirigeants du sport et du football. J’ai demandé aux responsables du football de m’écouter et de m’entendre à propos de ce programme qui pourrait faire revenir le football algérien par la grande porte, celle de la base. J’ai même offert mes services pour faire des conférences pour expliquer ma théorie. Mais pour le moment, ces propositions sont restées lettre morte. Car ce chantier, bien que nécessaire, est long, il s’étend sur 5 à 10 ans au minimum et actuellement nous sommes dans une époque où l’on cherche le résultat immédiat.
- Cette politique que vous voulez mettre en place existait déjà dans les années 70/80. Pourquoi n’existe-t-elle plus ?
- Cette politique nous a permis d’aller très loin, notamment à la Coupe du monde 1982 où nous avons surpris pas mal de monde. Elle n’existe plus aujourd’hui, car nous n’avons plus l’organisation. Nous n’avons plus le suivi au niveau de cette organisation. Et, bien sûr, nous n’avons plus les hommes au niveau du terrain et de l’encadrement des jeunes. C’est pour cela que tout s’est arrêté brusquement et que notre exploit de 1982 est resté sans lendemain au niveau international.
- Un dernier mot parce qu’on vous attend pour donner le coup d’envoi de ce match caritatif avec monsieur le maire et Karim Ziani. Imaginons que vous êtes dans le vestiaire des Verts le jour du match barrage et qu’on vous demande de faire la causerie d’avant-match. Quel serait votre discours pour motiver Sofiane Feghouli et sa bande ?
- Oh, c’est très simple. Mon discours tiendrait en deux ou trois mots simples mais primordiaux. Soyez sérieux, appliqués, humbles, respectez l’adversaire et, le plus important, donnez tout pour l’Algérie.
M. B.
- «La Tunisie, le Sénégal, le Cameroun, l’Egypte sont loin d’être des enfants de chœur»
- «Restons humbles, ne nous enflammons pas»