Halilhodzic : «J’aimerais éviter l’Egypte»

L’Algérie n’est plus qu’à une marche du bonheur brésilien. Ses deux succès au Bénin (3-1) puis au Rwanda (1-0) lui ont permis d’effacer un peu le raté de la CAN en Afrique du Sud. Mais rien n’est acquis comme le rappelle Vahid Halilhodzic. Coach Vahid accepte pour afriqueenfoot.blogs.lequipe.fr de faire le point.

- Quel est votre sentiment après cette qualification pour le 3e tour ?

- C’est génial. Je suis hyper heureux de cette qualification un match avant la fin de ce tour éliminatoire. C’est la première fois dans ma carrière que je passe grâce à un adversaire (rire). J’ai vécu ça sur Internet dans notre hôtel au Rwanda et c’était vraiment tendu (ndlr, le Mali qui jouait plus tard que l’Algérie devait l’emporter contre le Bénin mais n’a réussi qu’un nul). C’est l’aboutissement d’un travail de fond mais ce n’est qu’une première étape.?Nous sommes encore fragiles. Rien n’est acquis. On doit donc encore travailler et grandir. Etre sur la bonne voie ne veut pas dire être arrivé. Si on lâche maintenant, c’est fini. 

- Ça change quand même de votre élimination dès le 1er  tour de la CAN…

- (Il souffle) Au final, c’était peut-être un mal pour un bien. L’équipe avait pris un peu le melon et fait n’importe quoi. Ça ne correspond pas à ce qu’on devait réussir. Maintenant, il y a un état d’esprit collectif fort et j’en veux pour preuve le peu d’occasions que nous concédons.

- On vous sent vraiment soulagés…

- J’ai travaillé comme un fou et c’est la première consécration après deux ans. Ce n’était pas toujours facile, c’était même parfois fatiguant. C’est l’un des challenges les plus difficiles, les plus complexes que j’ai eu à affronter. Aujourd’hui, nous sortons de deux matches à l’extérieur où nous avons affiché beaucoup de maîtrise, de maturité. Nous avons un groupe jeune, peu expérimenté. Nous avions des stats terribles à l’extérieur mais j’avais dit aux gars que même des nuls ne m’intéressaient pas. J’ai été très exigeant avant ces deux rencontres.

- Comment avez-vous vécu l’après CAN ?

- J’ai voulu arrêter, je me suis posé des questions. J’ai eu une réflexion profonde. Le président (Mohamed Raouraoua) qui connaît bien le foot avait son opinion. Il m’a soutenu dès la fin de la CAN. Il sait ce que je fais. Son soutien était très, très important comme celui des joueurs. Mais je voyais beaucoup de gens qui pensaient que nous gagnerions la CAN, certains joueurs avaient même fait des déclarations dans ce sens, disaient qu’ils allaient ramener la Coupe à Alger. Ça va vite en Algérie, les gens sont des passionnés et ils n’avaient pas conscience des limites de l’équipe. La défaite contre la Tunisie a été mal vécue aussi. C’était comme une question de prestige régional. Même le président de la République m’a fait envoyer un message avant la rencontre. Il y avait une pression énorme. Mais former un groupe, ça prend du temps, ça ne se fait pas comme ça.

- Vous ne pensiez pas y arriver ?

- Ce n’est pas ça et d’ailleurs, à l’analyse, je n’ai pas été inquiet par rapport au niveau de jeu pratiqué. Mais notre ambition devait se montrer sur le terrain pas dans les mots. Nous avons manqué d’un état d’esprit collectif irréprochable en Afsud. Après, j’ai assumé l’élimination, j’ai pris sur moi la responsabilité de l’échec. Je voulais protéger le groupe mais ensuite, j’ai eu un discours assez clair avec les gars quand je les ai revus. Je les ai placés devant leurs responsabilités même si pour l’extérieur, j’ai préféré tout focaliser sur moi. Mais au final, il n’a pas manqué grand-chose. Quand on voit les statistiques durant cette CAN, nous avons eu le plus de possession de balle, le plus d’occasions mais on a manqué d’efficacité, d’un peu de chance, de réussite et l’arbitrage nous a été très défavorable sur les trois matches.

- Ce sont des excuses…

- … Non et je n’en cherche pas. L’équipe est encore jeune mais je suis certain que si nous étions passés, il y avait un coup à faire. Ça s’est joué finalement à peu de choses. Ce groupe a une grosse marge de progression. Il faut continuer à travailler, individuellement, tactiquement, collectivement. Mon discours a été clair après la CAN. Je leur ai répété : «notre force est collective donc, nous devons être disciplinés.» Je suis plus exigeant encore et depuis mars, on a gagné nos matches. Mais en dehors des résultats bruts, nous avons montré de la maturité, de la cohésion.

- Vous regrettez certains choix durant la CAN ?

- Certains ne méritaient peut-être pas d’être à la CAN mais ils se sont qualifiés avec nous. En plus, pas mal de gars étaient remplaçants en club et ce n’était pas facile à gérer. Il faut toujours trouver la formule idéale. Mais l’ambiance est maintenant excellente. J’en veux pour preuve Djebbour. Avant, on me parlait pour lui de petits problèmes physiques, de retard… Maintenant, Il est un élément très positif, un vrai leader même s’il n’est pas titulaire tout le temps. Il a changé complètement. C’est exceptionnel de voir ça. Halliche aussi depuis qu’il est revenu dans l’équipe. Tout le monde tire bénéfice de leur comportement. Notre équipe, c’est d’abord la qualité collective, tout le monde doit le comprendre. Nous n’avons pas des buteurs de classe internationale comme Eto’o, Drogba ou Adebayor.

- Il y a eu aussi des arrivées d’expatriés qui ont fait du bien (Brahimi, Taïder…), non ? Taïder apparaît déjà comme un élément clé.

- En plus, il a raté pas mal d’occasions?! (rire) C’est le milieu qui a été le plus dangereux devant le but. Ce que j’aime aussi, aujourd’hui, c’est l’ambiance qui se dégage de ce groupe. Avant quand il y avait un taureau, il y avait les expat’ et les locaux. C’est fini. Maintenant, c’est mélangé. Tout le monde est ensemble. Et je le répète, quand je vois Djebbour, Halliche ou Bougherra… Avec lui, j’ai eu une discussion très franche. Ces gars ont des rôles très positifs dans l’équipe. Maintenant, je suis plus optimise pour l’avenir.

- Vous rêvez à la Coupe du monde ?

- Il ne faut pas sauter les étapes. C’est une situation nouvelle et contre le Mali, en septembre, on sera tranquille et on préparera les matches décisifs. Nous avons beaucoup d’ambition, nous sommes déterminés à aller au Brésil. Pour l’instant, nous faisons un parcours exceptionnel avec quatre succès.

- Vous pourriez tomber en barrage sur l’Egypte…

- J’aimerais éviter l’Egypte, c’est une grande équipe, qui a un jeu fluide, qui est collectivement au point, et je connais surtout le contexte… On verra mais on peut aussi tomber sur le Cameroun, le Sénégal… J’ai peur d’abord qu’on s’enflamme. Car l’euphorie en Algérie est immense. Tout le monde nous voit en Coupe du monde. Rien n’est fait. C’est pour ça que j’ai accepté un match amical en août -que je ne voulais pas spécialement au début vu la période- mais ce sera pour parler aux joueurs, pour les rassembler. Et je vais insister : «restons modestes !»

- Belfodil revient donc en sélection ?

- Qui a dit ça ? Son agent ?

- Oui…

- Je ne parle avec les agents, moi je parle au joueur directement. Je n’ai pas d’intermédiaire. Il n’y a donc rien de nouveau à son sujet. J’ai toujours été cohérent là-dessus. Certains expatriés voulaient jouer et être titulaires mais il n’y aucune condition pour intégrer l’équipe nationale. L’équipe nationale, c’est quelque chose de sacré. Quand je vois ce qui s’est passé en France… L’équipe nationale, c’est le miroir d’une nation, c’est autant politique, voire plus, que sportif. Quand on pense Brésil, on pense foot, non ? C’est plus fort même que la politique. En Algérie, les gens sont très fiers de leur pays, de leur nation. Et parce que je serais un étranger, je n’en tiendrais pas compte?! Il n’est pas question de faire n’importe quoi. Tu n’as pas le droit de bafouer le drapeau algérien. En plus, le président de la fédération nous donne tous les moyens : nous avons un avion personnel, on retourne chez nous après les matches. Nous nous préparons dans les meilleures conditions. Il y a un centre technique de très haut niveau avec des superbes infrastructures. L’Algérie est sur le bon chemin. Dans quelques années, elle peut être une grande force africaine.

H. P.

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