- Une semaine est déjà passée. Avez-vous réussi à sortir de l’euphorie, de la joie et de l’ivresse de la qualification ?
- Pour être franc, non. C’est difficile d’oublier et de chasser de son esprit des moments comme ceux qu’on vient de vivre avant, pendant et après le match. J’ai encore des flashs, des images, des actions de matchs, des souvenirs de joie et d’euphorie qui me reviennent. Je pense qu’il me faudra un peu plus de temps pour passer à autre chose, me concentrer sur un autre objectif. Après Oumdourman, c’était à peu près pareil.
- Mais vous avez quand même repris avec votre club, pris part à un match durant lequel vous étiez bon, pas du tout déconcentré. Comment vous faites pour gérer tout ça ?
- Je suis un professionnel et j’estime que j’ai assez d’expérience pour gérer mes émotions, faire mon job convenablement. Je suis employé de Lekhwiya, par conséquent, je me dois d’être corps et âme avec mon club. Après, bien sûr, il y a des moments adéquats où je repense au match de l’Algérie, à la séléction, ce qui est humain, logique et tout à fait normal.
- Vous vous êtes blessé au cours de ce match. Une déchirure au mollet. Quel impact aura cette période de convalescence sur votre saison à Lekhwiya et, parallèlement, en équipe nationale ?
- Aucune. Je serai out à peu près un mois. Je vais me soigner et à l’occasion me reposer aussi. Dieu merci, cette blessure est intervenue après le match du Burkina Faso et surtout sept mois avant la Coupe du monde. J’aurais préféré aider mon équipe lors des quelques matchs qui nous sépare de la trêve, mais c’est mon destin et je l’accepte.
- Une rumeur a circulé il y a 72h concernant les réserves formulées par le Burkina Faso contre vous. Comment avez-vous réagi quand vous appris la nouvelle ? Avez-vous paniqué, douté ?
- (Il nous coupe en rigolant), non, jamais de la vie. Je savais que je n’avais rien à craindre, d’autant plus que lors de ce match, j’avais fait très attention. J’étais hyper concentré et prudent. Je faisais partie des joueurs menacés de suspension. Avec Feghouli, Belkalem, Guedioura et Slimani, on a reçu des consignes d’éviter de prendre un deuxième carton, synonyme de suspension. Personnellement, j’ai tellement fait attention que je n’ai commis aucune faute durant toute la partie. Je crois même qu’aucun coup franc n’a été sifflé contre moi. C’est pour vous dire que je n’ai pas reçu de carton. Belkalem et Guedioura si, mais pas moi. Pour revenir à votre question, je dirais qu’à aucun moment je n’ai paniqué ou douté, parce que j’étais sûr à 200% que je ne risquais rien. Par contre, j’ai beaucoup rigolé avant d’éteindre mon téléphone tellement les gens de Paris, d’Algérie et d’ailleurs m’appelaient pour s’assurer que je n’avais pas pris ce carton.
- On a ressenti une grosse pression chez les joueurs et même chez les staffs technique et dirigeant, plusieurs de vos coéquipiers étaient en difficulté en début de match, mais pas vous. Comment on fait pour surpasser tout ça ?
- Quand on a le vécu que j’ai en sélection ou avec les différents clubs avec lesquels j’ai joué, notamment à Glasgow, on arrive instinctivement à laisser nos émotions hors du terrain et se concentrer seulement sur la rencontre. J’ai constaté, comme vous le dites, que certains joueurs étaient surexcités en début de match et j’ai fait ce que j’ai pu pour leur montrer la voie. Il n’est jamais facile de trouver l’équilibre parfait entre l’engagement physique, la hargne et la fougue qu’exigent des matches pareils, et le calme, le sang-froid, la sérénité et la concentration qui va avec. L’expérience joue un grand rôle, l’intelligence aussi.
- Plusieurs spécialistes pensent que le style de jeu des Verts a littéralement changé depuis l’échec de la CAN. Selon eux, avant, vous jouez l’attaque à outrance, l’EN marquait beaucoup de buts, créait plein d’occasions, mais encaisser aussi presque à chaque match. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Est-ce un choix de votre part ou du coach de jouer la prudence, ou s’agit-il seulement d’un comportement inconscient, instinctif presque de la part d’une équipe sous la pression des résultats ?
- Vous savez, il y a des matchs où l’enjeu l’emporte sur le jeu. Prenez l’exemple du Burkina Faso, n’est-ce pas préférable de mal jouer et prendre part à la Coupe du monde ? Vous auriez préféré assister à un bon match avec plein de buts, beaucoup d’occasions de part et d’autre pour à la fin suivre le Mondial à la télé ? Je suis sûr que tous les Algériens sont du même avis concernant cette question. Ce fut comme une finale et une finale, ça se gagne. A combien de bonnes finales vous aviez assisté ? Elles se comptent sur les doigts d’une seule main. L’histoire retiendra qu’on a joué le Mondial 2014 au Brésil et non pas : l’Algérie a dominé, mais ne s’est pas qualifiée. Maintenant, vous dites qu’on joue défensivement depuis le match de mars, moi je vous dis que je ne suis pas du tout d’accord avec vous. On a gagné 3 à 1, puis 2 buts à 0. On a ensuite enchaîné avec une victoire face au Bénin 3 buts à 1 et une autre victoire au Rwanda 1 but à 0 et battu le Mali avec le même score. On a ensuite perdu au Burkina Faso 3 buts à 2, après avoir marqué 2 buts et raté plein d’autres occasions… Regardez les stats, elles parlent d’elles-mêmes.
- Ce dont on parl,e c’est la qualité de jeu et le nombre d’occasions qu’on crée lors des matchs qui ont suivi la CAN…
- Oui, je vous ai compris. Mais vous êtes d’accord pour dire que les Algériens auraient préféré gagner la CAN en jouant mal plutôt que de dominer tous nos adversaires pour quitter la compétition au premier tour ! Vous savez, la CAN a été un mal pour un bien. Je pense que l’équipe a beaucoup mûri et appris de cette expérience. Bien que je ne fusse pas présent en Afrique du Sud, j’ai constaté de mes propres yeux de grandes avancées lors du stage du mois de mars. Cette équipe est en train de grandir petit à petit. La moyenne d’âge est inferieure à 24 ans, on ade très bons joueurs, un staff compétent et une fédération qui fait le maximum pour nous mettre dans les meilleures conditions possibles. La marge de progression est énorme. Il nous reste beaucoup de travail à faire pour être au top, mais on est sur la bonne voie. On trouvera tôt ou tard le style de jeu qui va avec la qualité des joueurs qu’on a. Regardez ce que cette équipe a pu réaliser avec le peu de temps qu’elle a eu pour se préparer et se construire ! Il faut rester patient et laisser cette équipe grandir dans la sérénité.
- Vous parlez de l’avenir de cette équipe, qu’en est-il du vôtre ? La décision de prendre votre retraite internationale après la Coupe du monde est-elle définitive ?
- Je n’aime pas trop parler de ça pour la simple raison que je ne sais pas ce qui va arriver d’ici juin ou juillet prochains.
- Mais vous en avez déjà parlé, vous aviez annoncé «la mauvaise nouvelle» vous-même !
- J’ai 31 ans et je sais que dans le poste que j’occupe, on peut y jouer facilement jusqu’à l’âge de 35 ans, à condition bien sûr de rester compétitif, sérieux et surtout, et c’est le plus important, motivé pour continuer. Des fois, même si le physique est là, le mental est tellement saturé, fatigué que vous avez envie de tout lâcher.
- C’est votre cas…
Non, ce n’est pas mon cas. J’aime le métier que je fais et tant que je me sentirai au même niveau que les jeunes de 22 ans, je continuerai à taper dans un ballon, mais ce n’est pas le cœur du problème. A un moment donné, il faut avoir le courage de quitter la table et au bon moment. Je ne veux pas m’éterniser en sélection et je ne veux pas aussi sortir sous les sifflets des supporters. Il y a des jeunes joueurs qui arrivent. Je veux leur céder la place.
- Vous ne répondez pas à ma question, votre décision est-elle irrévocable ?
- Vous voulez bien me lâcher avec ça ? (Rire), Non, elle ne l’est pas. Elle le sera incha Allah après la Coupe du monde. Je vais jouer, si Dieu le veut bien sûr, la Coupe du monde, après on verra. Si je me sens toujours capable de me battre tant mieux, sinon, je tirerai ma révérence. Je sortirai avec les honneurs, par la grande porte comme on dit.
- Il y a donc des chances de vous voir jouer la CAN 2015 au Maroc, une compétition que l’Algérie ambitionne de remporter ?
- Si je me sens capable, à tous les niveaux et surtout si le coach veut que je reste et me le demande ouvertement, oui, c’est possible que je sois présent. Dans le cas contraire, je ferai mes adieux au public. Rien qu’à en parler, je suis triste.
- Il y a exactement un an, vous vous battiez contre une blessure qui vous a éloigné des terrains pendant 8 mois. Il vous arrive de penser à cette période et, surtout, avez-vous pensé tout arrêter après l’échec de votre première opération ?
- Je pense, si ma mémoire est bonne, que vous m’aviez posé à peu près la même question il y a une année de ça. Vous vous souvenez de ma réponse ? J’avais dit que je reviendrai plus fort, que j’étais un battant et un professionnel. Et bien je suis là. Beaucoup a été dit à propos de mon choix de jouer au Qatar. Moi, je voulais prouver que quel que soit le championnat où on évolue, le plus important était le joueur et sa volonté et rester dans le haut niveau. Je n’ai jamais été tout au long de ma carrière victime d’une blessure aussi grave et malgré ça, j’ai réussi, grâce à mon sérieux et mon abnégation, à me relever. Etait-ce une renaissance, oui. Ai-je pensé à tout abandonner ? Ah ça, non, jamais !
- Vous allez jouer une deuxième Coupe du monde consécutive, une chance que beaucoup de joueurs n’ont pas, comment vit-on cela ?
- Mbolhi, Kadir, Mesbah, Lacen, Djebbour, Medjani, Yebda et même Boudebouz vous diront, je suis sûr, la même chose : c’est magique,
- Avec quelle ambition allez-vous au Brésil ?
- On pourra fixer des objectifs une fois nos adversaires connus. Je ne voudrais pas me montrer pessimiste, mais si on joue le Brésil au Maracaña, je ne pense pas qu’une défaite de notre part serait un échec. Une victoire ou un nul, ce sera tout simplement un exploit, mais une défaite est normale face aux grandes nations de football.
- Le président Raouraoua parle de 2e tour, Vahid Halilhodzic lui pense que vous êtes capables de tenir tête aux meilleures équipes…
- Ce que je peux promettre, c’est que cette fois-ci, on jouera au football sans calcul aucun. On évoluera à notre vrai niveau. On va se lâcher, attaquer, essayer de marquer, gagner, se qualifier… Et ce quel que soit l’adversaire qui sera en face de nous. Comme ça, au moins on n’aura pas de regrets. A la place de ça, on aura la satisfaction d’avoir marqué cette Coupe du monde et le bonheur de s’être amusé, profiter au maximum de cette chance de faire partie des 32 équipes qui ont eu l’honneur et le privilège de jouer une Coupe du monde au Brésil. On fera en sorte de faire honneur à notre peuple et notre pays.
- On peut comprendre à travers vos dires que vous avez des regrets quant à votre dernière participation. Pensez-vous que l’Algérie est passée devant un exploit au Mondial 2010 ?
- Je pense qu’on aurait pu faire mieux. On n’a pas osé en Afrique du Sud. Si on a des regrets, oui beaucoup même. Une victoire contre la Slovénie, un adversaire qui, je pense, était à notre portée, aurait pu nous propulser au second tour. Je n’accuse personne, mais je suis sûr qu’avec un peu moins de peur et un peu plus de confiance et d’assurance, le groupe de 2010 aurait fait au moins comme le Ghana. On ne peut pas revenir en arrière, mais on a cette chance de nous rattraper et de démontrer à tout le monde ce dont on est capables. Cette fois, on jouera sans calculs, pour la gagne et rien d’autre.
- Certains pensent que vous aviez choisi un mauvais site d’entraînement lors de la Coupe du monde 2010. Trop isolé, selon certains joueurs. Voudriez-vous que ce ne soit pas le cas au Brésil ?
- Je n’ai pas trouvé notre site en Afrique du Sud si mauvais que ça. En tous les cas, le site n’y était pour rien dans nos résultats. Pour ce qui est du prochain site, je n’ai aucun avis à donner là-dessus. Ça dépasse mes prérogatives. Il y a une administration et un staff qui sont mieux placés que moi pour en parler. Aucun joueur, même pas le capitaine, ne sera associé au choix final. Vahid Halilhodzic, par exemple, est bien placé pour dire ce qui sera le mieux pour l’équipe.
- Le tirage au sort approche, avez-vous une préférence, ou une équipe en particulier que vous espérez affronter ?
- Non, aucune, du moment qu’on ne va pas échapper aux grandes nations de football. Mais j’attends le tirage au sort impatiemment.
- Le Premier ministre portugais a parlé d’un match amical Algérie-Portugal ou Portugal-Algérie le 5 mars prochain. Ça vous dit de museler Ronaldo, après que vous vous êtes occupé de Rooney…
- (Rire), non, je n’ai aucune envie de lui courir après. Cependant, je pense qu’il est prématuré de parler de matches amicaux tant que nos adversaires ne sont connus. Je pense que le staff va décider des sparring-partners en fonction de notre groupe. Si par exemple on joue le Japon, affronter la Chine ou la Corée serait un choix judicieux.
- Le coach Vahid a laissé le doute planer quant à son avenir avec les Verts. Avez-vous senti, vous les joueurs, que Vahid voulait vous quitter ?
- A aucun moment on a senti qu’il voulait partir ou songer à nous quitter. Il était tellement dans le match que cette idée n’était même pas envisageable. Aucun de nous n’a eu le sentiment que Coach Vahid faisait ses adieux ou quelque chose dans ce genre, bien au contraire.
- Donc, pour vous, la Coupe du monde, vous la ferez avec Vahid comme coach ?
- Il n’y a aucun doute là-dessus. Vahid nous a qualifiés au Mondial, il fera la préparation et il dirigera l’équipe au Brésil.
- C’est important que ce soit lui…
- Il faut que ce soit lui. Ça ne peut pas être quelqu’un d’autre. Ça serait injuste, cruel même. Cette Coupe du monde, il l’a méritée, il l’a gagnée tout autant que nous. C’est un bosseur, un vrai de vrai. Les joueurs ont appris à l’aimer et a aimé travailler sous ses ordres. Je ne vois pas pourquoi changer une équipe qui gagne.
- Finalement, après l’avoir éliminé lors de la CAN 2010, vous lui offrez une qualification à la phase finale de la Coupe du monde. C’est incroyable combien la vie peut nous surprendre…
- Oui, on a rigolé un peu le coach et moi autour de ça. J’avais réussi à égaliser face à la Côte d’Ivoire dans les temps morts grâce à «ma grosse tête» et aujourd’hui, cette même grosse tête nous permet avec lui comme entraîneur de jouer une Coupe du monde au Brésil (rire). Comme quoi avoir une tête comme la mienne peut servir. Elle est Magic la tête de Magic.
- Terminons, si vous vous le voulez bien, sur la déclaration de Belhadj, dans laquelle il dit vouloir revenir en sélection. Vous qui êtes son ami, comment avez-vous reçu cette nouvelle et surtout qu’en pensez-vous ?
- Ce dont je suis sûr, c’est que Nadir est tout, sauf un opportuniste. Je sais que les gens vont dire qu’il a attendu la qualification pour annoncer sa volonté de revenir, mais c’est faux. Moi qui le connais depuis des années, je peux avancer, sans crainte aucune, que Nadir est motivé par autre chose. S’il a dit ça, c’est parce qu’il pense qu’il peut apporter un plus à l’EN, c’est qu’il est convaincu qu’il peut aider son pays, ce qui est le cas, selon moi. Il est motivé par son amour pour l’Algérie, son désir de porter à nouveau le maillot de la sélection, une sélection qui lui manque beaucoup.
- Selon vous, quelles sont ses chances que Coach Vahid le rappelle ?
- Je ne sais pas. Cette question, il faudra la poser au coach ou à un de ses adjoints. Moi, je donne mon avis de joueur et d’Algérien, après, le dernier mot revient à Vahid Halilhodzic qui est le seul habilité à trancher cette question.
- Sur le plan technique, pensez-vous que Belhadj peut être d’un bon apport pour les Verts ?
- Absolument. Ce joueur, de par ses qualités techniques, physiques et son expérience, peut aider beaucoup la sélection. Eto’o, Zidane et plein d’autres joueurs sont revenus en sélection après avoir raccroché, pourquoi pas lui ?
- Vous diriez la même chose de Matmour, Yahia ou Ziani…
- Oui, tout joueur algérien toujours sélectionnable, qui est capable de donner à un plus à l’équipe nationale, devrait être le bienvenue. Après, comme je l’ai dit, le choix final revient à Coach Vahid. Lui seul sait ce qu’il lui faut et ce qu’il ne lui faut pas.
A. B.
«Pas question de faire comme en 2010. Au Brésil, on attaquera, on jouera au football avec l’ambition d’aller le plus loin possible»
«On ne veut plus avoir les mêmes regrets»
«Belhadj n’est pas un opportuniste, c’est juste un nationaliste»
«On veut faire la Coupe du monde avec Vahid comme entraîneur»
«J’ai tellement fait attention à Ouagadougou que je n’ai provoqué aucun coup franc ! Parler d’un carton est hilarant»
«Elle a éliminé Vahid en 2010 et l’a propulsé au Mondial en 2013, elle est Magic ma grosse tête !»
«Quels que soient nos adversaires, on ira au Brésil en conquérants»
«On ne remerciera jamais assez nos fans»
«Nous, défensifs, non, c’est l’enjeu qui a provoqué ça»