Tahmi : «L’EN doit passer à une étape supérieure»

Mercredi dernier, le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Mohamed Tahmi, nous a reçu au niveau de son ministère et a bien voulu répondre à toutes nos questions, sans langue de bois. Avant le début de l’interview, M. Tahmi a, d’ailleurs, tenu à nous préciser qu’on pouvait lui poser toutes nos questions sans la moindre restriction. Dans cette interview, le ministre des Sports évoque bien évidemment la récente qualification de l’Algérie pour la Coupe du monde, mais aussi beaucoup d’autres sujets qui ont fait l’actualité au cours de ces dernières semaines. Une interview filmée que vous retrouverez ce soir lors de l’émission Studio Foot sur Chourouk TV.

- Monsieur le ministre, tout d’abord merci d’avoir accepté de nous recevoir et de répondre à toutes nos questions…

- C’est moi qui vous remercie pour votre présence.

- Vous avez assisté à la qualification de notre équipe nationale au stade Mustapha Tchaker de Blida, et immédiatement après le match, vous êtes allé voir les joueurs aux vestiaires. Que leur avez-vous dit ?

- Dans ce genre de moments, il n’y a aucun message à délivrer si ce n’est, comme tous les Algériens qui étaient au stade ou devant leur poste de télévision, de la gratitude. J’ai donc remercié les joueurs pour cet exploit et cette deuxième qualification de suite pour la Coupe du monde. En fait, comme tous les Algériens, j’ai communié avec les joueurs.

- Sur un plan plus personnel, comment avez-vous vécu ce match éprouvant pour les nerfs. Etiez-vous tendu et stressé ? Qu’avez-vous ressenti durant ces 90 minutes ?

- Comment ne pas être stressé par un tel match ? C’est impossible. Surtout dans les dernières secondes où nous aurions pu prendre un but qui nous aurait envoyé dans les cordes, car le score du match aller était le score piège par excellence, et toute la pression était sur notre équipe nationale qui devait résoudre l’équation de marquer sans encaisser de buts.

- Avez-vous douté à un moment du match ?

- Appelez cela peur ou doute, mais nous avons douté et avons eu peur de la première à la dernière seconde du match, car nous savions qu’avec la pression énorme subie par nos joueurs, il ne serait pas aisé de marquer. D’autant plus qu’en face, il n’y avait pas n’importe qui. Le Burkina Faso est une très grosse équipe, avec de très bonnes individualités, finaliste de la précédente CAN et qui était là pour se qualifier aussi.

- L’équipe nationale s’est qualifiée pour la seconde fois de suite pour le Mondial. Comment voyez-vous sa participation lors de ce Mondial brésilien ?

- Ma réponse sera très simple. J’espère une participation qui honore l’Algérie. Nous nous sommes qualifiés, c’est très bien. Nous devons maintenant passer à l’étape supérieure, à savoir bien nous préparer pour faire la meilleure prestation possible au Brésil et honorer l’Algérie. Même si le prochain tirage au sort nous permettra d’établir une stratégie spécifique, d’une manière générale, il faudra tout mettre en œuvre pour que cette équipe élève son niveau au maximum pour honorer l’Algérie.

- Justement, à votre avis, qu’est-ce qu’il faudra faire pour être meilleurs que les fois précédentes ?

- Et bien par exemple stabiliser l’équipe et mettre en place une équipe type. Actuellement, il n’y en a pas. Cela bouge trop en équipe nationale. Mais bon, il faut reconnaître que c’est le système des «dates FIFA» avec deux matchs amicaux seulement qui ne permet pas de travailler correctement. Il en faudrait le double. Cette pénurie de matches amicaux fait que certains joueurs comme Faouzi Ghoulam est arrivé à ce match en n’ayant disputé qu’une seule rencontre avec les Verts, d’autres comme Mandi ou Belfodil n’en ont pas ou quasiment pas disputé. Espérons que la date FIFA qui prévoit un match amical en mars ainsi que le stage de préparation d’un mois avant le Mondial suffiront pour que nous soyons plus compétitifs, car notre équipe est très jeune et a besoin d’expérience pour progresser.

- Est-ce cette jeunesse et la grande pression qui les ont tétanisés durant la première mi-temps ?

- Non, sur ce coup là, la jeunesse n’y est pour rien. C’est plutôt le poids de la pression qui pesait sur leurs épaules et l’énorme responsabilité qui les incombait qui les ont fait déjouer pour perdre leurs moyens en début de match. Par la suite, ils sont entrés dans le match. Le fait de savoir, par exemple, que des gens ont dormi devant le stade toute la nuit dans le froid ne peut vous laisser indifférent.

- Maintenant que nous sommes qualifiés, la question que toute l’Algérie se pose, c’est celle de l’acheminement des supporters au Brésil pour supporter les Verts. Avez-vous déjà pensé à prévoir quelque chose ?

- Au jour d’aujourd’hui, tout ce que je peux vous dire, c’est que sans parler d’Oumdourman, qui était quelque chose d’exceptionnel, nous pouvons dire qu’avec la Fédération, nous avons l’expérience de la précédente Coupe du monde et de la précédente coupe d’Afrique où ça ne s’était pas trop mal passé. D’abord, tout dépendra du quota attribué aux supporters algériens. Nous allons prévoir avec les tour-opérateurs, avec qui nous travaillons habituellement, et les partenaires et sponsors, pour rééditer les déplacements comme ceux vers l’Afrique du Sud. Il y a juste une condition à respecter quand on va en Afrique…

- Laquelle ?

- La seule condition à respecter pour les supporters, c’est qu’ils soient bien vaccinés contre les maladies type fièvre jaune et prennent bien leurs médicaments contre le paludisme pour éviter tout accident regrettable. D’ailleurs, tous ceux qui se sont déplacés à Ouagadougou étaient vaccinés. Ceux qui sont tombés malades et ont attrapé le paludisme n’avaient pas pris leurs comprimés.  

- Le prix pour assister à cette Coupe du monde sera très élevé. Pourquoi, plutôt que de faire un forfait premier tour, très onéreux, ne pas organiser comme en Europe un déplacement pour un seul des trois matchs qui serait moins cher et permettrait au plus grand nombre de goûter à ce Mondial ?

- Au moment où je vous parle, rien n’a encore été décidé, et je ne peux donc vous répondre à ce sujet. Il y a dix heures de vol, mais nous allons faire comme pour Ouagadougou, en essayant de réduire le prix du billet avec l’aide de la compagnie aérienne et des sponsors. C’est vers là que nous allons nous orienter. Mais c’est d’ores et déjà certain, il n’y aura pas de déplacements gratuits.

- Quelles sont les relations entre votre ministère et la FAF ?

- Je refuse de vous parler spécifiquement des relations entre le MJS et la FAF, mais plutôt entre mon ministère et toutes les associations nationales. Qu’il s’agisse du Comité olympique ou des fédérations nationales, nos relations sont normales. Chacun a ses prérogatives. Notre philosophie, c’est que l’Etat lance les grandes lignes du sport algérien, et les fédérations, sans ingérence aucune, doivent s’organiser elles-mêmes pour mettre en place à leur échelle ces grandes lignes. Notre relation est une relation de travail.

- On évoque l’organisation de la CAN 2019 en Algérie. Qu’est-ce qui a motivé cette volonté d’organiser cette CAN et quel a été le film des évènements ?

- Je profite de votre question pour le répéter une nouvelle fois. Cette demande d’organiser cette CAN 2019 ne vient pas de l’Etat, mais de la Fédération algérienne de football. La Fédération nous a informés de sa volonté d’organiser cette CAN, elle a sollicité notre consentement, et comme le ministère a vocation d’épauler les Fédérations, nous avons donné notre accord. Une fois que notre accord a été donné, c’est à la FAF, et à elle seule, qu’incombe la confection du dossier de candidature qui sera examiné par la CAF. Je tiens aussi à préciser qu’on peut aussi abriter la CAN 2017 dans le cas où la situation ne s’arrange pas pour nos frères libyens, chose qu’on ne souhaite pas bien sûr. Pour celle de 2017, nous avons seulement formulé le désir d’organiser cette CAN 2017 dans le cas où la Libye n’organisait plus celle-ci. La nuance est importante, car nous sommes plus candidats pour la CAN 2019 que pour celle de 2017.

- Comment peut-on être candidat à la CAN 2017 alors que nous n’avons pas de stades pour organiser un tel évènement ?

- Comment ça nous n’avons pas de stades ? Et ceux qui sont en construction, il ne faut pas les oublier. Ils seront prêts pour le jour J, ne vous inquiétez pas. En 2015, si Dieu veut, quatre stades nous serons livrés : Oran et Tizi Ouzou seront livrés fin 2014. Puis fin 2015, les stades de Douéra et Baraki seront livrés. N’oublions pas le stade d’Annaba, qui sera rénové. Nous avons les stades, mais nous n’avons pas les infrastructures hôtelières, comme à Constantine par exemple.

- Ce problème d’hôtellerie sera-t-il réglé ?

- Je pense que oui, car il concerne des villes comme Constantine par exemple, où il y a de nombreux projets en ce sens. Le but est de postuler et donc d’être prêt pour 2017 en cas de désistement ou alors pour 2019.

- Le dossier de candidature devait être déposé avant le 28 novembre. Avez-vous des nouvelles en ce sens ?

- Non, car le ministère de la Jeunesse et des Sports respecte les lois. Nous n’avons aucun contact avec la CAF et aucun contact avec la FIFA. Ces organisations ne traitent qu’avec la seule FAF. Nous avons donné notre accord écrit à la CAF il y a plusieurs mois, maintenant la balle est dans le camp de la FAF qui est la seule habilitée à envoyer ce dossier.

- Quelles sont les villes choisies pour abriter cette CAN ?

- Ces villes sont le Grand-Alger, Tizi Ouzou, Oran et Annaba.

- Et Blida ?

- Oui, Blida a sa place bien sûr, parce que, pour moi, ça fait partie du Grand-Alger, si toutefois les travaux de réfection du stade sont finis dans les temps.

- Justement, monsieur le ministre, la fermeture de Tchaker pour travaux est-elle à l’ordre du jour ?

- Non, le stade Tchaker ne fermera pas. Car nous ne pouvons pas fermer et le 5-Juillet et Tchaker. Quand le stade du 5-Juillet rouvrira ses portes, nous aviserons. Une fois que le 5-Juillet sera opérationnel. Justement, toujours concernant le 5-Juillet, quand Baraki et Douéra ouvriront leurs portes, nous ne détruirons pas le stade Tchaker, nous prévoyons des grands travaux fin 2014, c'est-à-dire qu’on fera des tribunes couvertes pour le 5-Juillet.

- Puisque nous parlons du stade du 5-Juillet. Pouvez-vous nous donner les raisons du décès dramatique des deux supporters dans ce stade ?

- D’après le rapport technique qu’on vient de recevoir (lundi 25 novembre), il y avait un vrai souci au niveau des gradins. Ce stade était construit selon des normes caduques datant des années 50. Ces normes qui ont bien évidemment changés, y compris en Algérie, notamment après le séisme de Boumerdès en 2003, Nous avons confié à un bureau d’études algérien et turc d’étudier le stade et de le passer au peigne fin. La structure centrale du stade est bonne et n’a aucun problème, mais la tribune a cédé à cause des infiltrations d’eau et des intempéries, et les gradins ont subi des dégâts internes importants.

- Cette tragédie aurait-elle pu être évitée ?

- Honnêtement, je ne le pense pas. Car au moment du séisme de Boumerdès, le stade avait été passé au crible et on a dit qu’il fallait des travaux de rénovation. Et c’est ce qui a été fait en 2004. Est-ce que ces travaux ont été suffisants, on ne sait pas, mais les travaux ont bel et bien été faits. Avec les infiltrations d’eau, il y a eu oxydation du béton. Le problème est un problème d’étanchéité et d’usure du béton.

- Mohamed Raouraoua a indiqué que la finale de la prochaine coupe d’Algérie se déroulera au stade du 5-Juillet. Qu’en pensez-vous ?

- C’est ce qu’on souhaite, mais à l’impossible nul n’est tenu. Il ne s’agit pas de volonté politique ou autre, mais de protéger au mieux les citoyens. Il y a des gens compétents et sérieux qui travaillent sur ce dossier sous l’égide du ministère de l’Habitat, et c’est à eux qu’incombe la responsabilité de donner le feu vert à la réouverture de ce stade s’il n’y a plus aucun danger. Il ne s’agit pas de perdre du temps, mais il s’agit de ne pas négliger la sécurité.

- Et qu’en est-il de cette fameuse pelouse du 5-Juillet ?

- Concernant la pelouse, c’est la même chose. Après Algérie-Bosnie, nous avons procédé à une étude qui a révélé que c’est le système de drainage qui faisait défaut. Toutes les tuyauteries étaient bouchées. Le système de drainage a été refait à neuf. D’ailleurs, tout le monde a pu remarquer qu’il y avait des améliorations que ce soit lors de la finale de la Coupe d’ Algérie ou même lors de la finale de la Coupe arabe où il avait pourtant beaucoup plu.

- M. le ministre. Contrairement à 82 et 86, où nous avions un championnat local, un système de formation et des joueurs du cru de grande qualité, cette récente qualification, comme celle de 2010, ne reflète pas le véritable visage du football national. La formation n’existe plus, pas de stades de quartier et de proximité. Qu’en pensez-vous ?

- C’est un tableau noir que vous me dressez-là. Pour commencer, je voudrais rappeler à certains que tout Algérien où qu’il soit a le droit de jouer pour l’équipe nationale. Les meilleurs footballeurs algériens doivent être en équipe nationale. Qu’ils habitent Alger, Tamanrasset ou Montréal. Ce principe doit être inébranlable et incontestable et tout débat en ce sens est un faux débat. Puisque, contrairement à d’autres pays, en équipe nationale, il n’y a pas de joueurs étrangers naturalisés, mais uniquement des Algériens et cela nous honore. Maintenant je vais répondre à votre question.

- Oui, allez y…

- Je reconnais que le problème du championnat national est un réel problème. Il faut avoir un championnat fort pour tirer tout le football national vers le haut. Un championnat qui permettra à l’élite du football d’intégrer l’équipe nationale. Les camps d’entraînement sont un réel problème, tout comme les centres de formation. Les jeunes catégories dans tous les sports collectifs sont abandonnées au profit de l’équipe première et ça c’est une erreur. Nous sommes actuellement dans le projet de redonner aux jeunes catégories un coup de booster en finançant la construction et la mise en place de centres de formation. 

- Les présidents de club se plaignent de retard dans ce domaine. Que leur répondez-vous ?

- Il n’y a aucun retard d’aucune sorte. Il y a des étapes administratives et c’est tout à fait normal. Concernant les centres de formation, le volet foncier est quasiment achevé. Concernant les city stade et autres stades de proximité, il y a énormément de projets en cours et sachez que chaque fois qu’il y a de la place, nous construisons un city stade ou une pelouse en synthétique.

- Mais une équipe de football professionnelle ne doit-elle pas être autonome économiquement ?

- Si bien sûr, mais pour le passage au professionnalisme, nous nous étions mis d’accord sur une étape de transition d’accompagnement qui doit aller jusqu’en 2018. Après cette date, les clubs devront voler de leurs propres ailes et se comporter comme toute entreprise. Et le football national va de mieux en mieux. Beaucoup de joueurs frappent à la porte de l’équipe nationale et nous avons même exporté deux joueurs du championnat local à l’étranger.

- Parlons maintenant du volet «corruption» de notre football. Où en est l’affaire qui avait secoué la JS Saoura et le CAB Batna ?

- Le sport algérien ne progressera pas sans une lutte et un combat sans merci contre la triche et la corruption dans le sport. Pas seulement le football, je dis bien le sport. C’est un domaine qui ne concerne pas seulement le MJS, mais tous les volets de l’Etat. Cette affaire dont vous me parlez, nous la suivons de près et elle est entre les mains de la justice. La corruption dans le sport est présente dans tous les pays, surtout où il y a des paris. Elle n’est pas généralisée dans le football, mais elle existe, et il faut la combattre.

- Merci beaucoup de nous avoir reçu et répondu sans langue de bois aucune à toutes nos questions. Un dernier mot peut-être…

- J’espère que mon message est passé au sein de la famille sportive algérienne. Je souhaite que mon message soit un message d’espoir pour la famille sportive. Il n’y a pas de résultats sans le travail. Nous avons des capacités, mais il faut que les acteurs du sport misent sur la jeunesse.

A. H. A.

«… Pour cela, il faudra stabiliser l’équipe»

 

«Tous les supporters étaient vaccinés, ceux qui sont tombés malades n’avaient pas pris de comprimés»

«Pour le déplacement des fans au Brésil, on fera comme pour Ouaga : réduire au maximum le prix…»

«… Mais pas de voyage gratuit, c’est certain»

 

«Bien sûr qu’on peut organiser la CAN 2019, mais on peut aussi abriter celle de 2017»

«Tizi, Oran, Annaba et Alger sont les villes retenues pour la CAN»

 

«Les stades de Tizi et d’Oran seront livrés fin 2014»

«Les stades de Douéra et Baraki seront livrés fin 2015, sans oublier celui d’Annaba qui sera rénové»

«Des travaux pour des tribunes couvertes au 5-Juillet sont prévues fin 2014»

«Nous avons reçu le rapport final du bureau turc et du CTC lundi dernier, voici les raisons précises du drame des 2 supporters»

 

 

 

 

Classement