- Alors M. Troussier, vous êtes revenu au Maroc pour y vivre ou… (Il nous coupe)…
- Ce qu’il faut savoir, c’est que je vis au Maroc depuis 1994. Ma résidence familiale est à Rabat. Je suis arrivé ici il y a 20 ans après l’Afrique du Sud et ça ne m’a pas empêché de poursuivre ma carrière. J’ai évolué sur tous les continents. C’est un pays que j’apprécie, d’abord parce que ce n’est pas loin de la France et que ça parle français. Je suis content d’être ici et d’assister à une Coupe du monde des clubs. Qui aurait imaginé il y a quelques années voir le Maroc organiser un tel évènement. Qui a un jour imaginé que le Bayern allait fouler la pelouse d’Agadir ? Ça permet au foot marocain de se faire connaître et ainsi le rêve des autorités locales se réalise. On a vu aujourd’hui que les joueurs marocains peuvent se hisser au niveau voulu. Il faut noter la notion de la motivation, du soutien, parce qu’il ne faut pas oublier le rôle joué par le public.
- Justement, ce qu’il y a d’exceptionnel, c’est cette qualification du Raja pour la finale…
- Elle est exceptionnelle mais fait également partie du charme de la coupe. On peut parler de la coupe d’Algérie, de la coupe d’Angleterre, combien de fois on a vu des équipes de 3e ou de 4e division en finale. En tout cas, en France, ça se fait. Puis, en Coupe du monde, on a bien vu la Corée du Sud en 2002 se hisser en demi-finales et se hisser à la 4e place et la France, championne du monde 4 ans auparavant qui était sortie au premier tour et avait fini 28e au classement. Donc, la coupe n’est pas une photo des vraies valeurs d’une équipe, c’est beaucoup plus, une photo de l’instant du match, d’un scénario, un tirage au sort. C’est tout un concept qui fait qu’on peut se retrouver à un stade avancé et en finale. Mettre le Raja en finale, c’est une surprise quand on compare les forces en présence ici, mais quand on regarde le contenu des matchs, les conditions dans lesquelles se sont joués les matchs, c’est amplement mérité.
- Est-ce que l’Atletico Mineiro n’a pas sous-estimé cette équipe du Raja ?
- C’est la question qu’on pose à la grosse équipe qui se fait sortir par la petite équipe. C’est toujours la première interrogation qui vient. Je pense qu’il y a assez d’expérience pour dire à chaque joueur attention, c’est un match difficile, jouez, respectez l’adversaire. Je crois que les joueurs brésiliens ont été prévenus. Je pense qu’un match se délecte assez rapidement. En première mi-temps, on a senti que l’équipe brésilienne avait assez de qualités individuelles pour se faire 7,8 passes de suite et trouver la solution. On a vu tout de suite que le Raja se contentait de réagir et n’avait pas les moyens de se faire plus de 3 passes. Il a suffi que la première occasion venue côté gauche lorsque Yajour a décalé le numéro 21 qui a centré. Après, ça a été le premier déréglage. Ensuite, ça s’est enchaîné. On ne peut pas dire par respect au Raja que la victoire n’est pas méritée sur l’ensemble du match, surtout lorsque les Brésiliens ont égalisé. Beaucoup ont parlé du penalty accordé par l’arbitre, mais franchement quand on regarde les images et si on devait voir en direct, on sent que le pied il est bien accroché quand le gars a libéré son ballon. Donc, ça me paraît évident que l’arbitre siffle le penalty. Après, on peut toujours le discuter quand on revoit l’image 20, 25 fois. Je pense que l’arbitre sur l’action, prend la bonne décision et qu’il y avait bel et bien penalty.
- Les Rajaouis peuvent renouveler l’exploit samedi face au Bayern Munich ?
- En théorie, oui. Le football est tellement magique. Maintenant, si je devais faire un choix, je dirais le Bayern Munich parce qu’il ne faut pas oublier le prestige d’une Coupe du monde des clubs. Imaginez que le Raja mérite de gagner ce match-là contre les Allemands, c’est possible. En théorie, c’est faisable. Dans le contexte psychologique, ils peuvent le faire. Cependant, je pense que ça enlèverait un grand prestige à cette coupe ou au pire, on dira que les joueurs allemands ont pris ce tournoi à la légère. Je pense que pour la beauté et surtout pour l’exploit du Raja d’atteindre la finale soit vraiment quelque chose de marquant, il faut absolument que la victoire revienne au Bayern Munich. La logique veut que la victoire revienne au Bayern. Quel beau vainqueur de ce tournoi mondial au Maroc de voir le Bayern couronné à Marrakech contre une équipe marocaine. Je pense que c’est ça le spectacle.
- Un mot sur l’Algérie qui est en Coupe du monde avec un groupe composé de la Belgique, de la Corée du Sud et de la Russie…
- C’est marrant parce que moi, ça me rappelle le groupe que j’avais eu avec mon équipe en 2002, puisqu’avec le Japon on avait affronté la Belgique, la Russie et la Tunisie qui est remplacée par l’Algérie. C’est un groupe que je connais bien. Je ne souhaite pas qu’à la fin ce soit les mêmes pays qualifiés puisque dans notre cas, c’était la Belgique et la Corée du Sud qui s’étaient qualifiés, bien sûr en suivant la logique de 2002. C’est un groupe qui, je dirais, est ouvert parce que chaque équipe, chaque représentant de chaque pays a estimé après le tirage au sort qu’il avait de grandes chances de passer au second tour. Ça veut dire que chaque équipe a le sentiment qu’elle peut passer. Ça signifie que dans l’état d’esprit, ça sera très ouvert mais très fermé car tout va se jouer sur des petits détails. Il n’y a pas d’obstacles, vous auriez très bien pu tomber sur la France, l’Allemagne, l’Italie, le Brésil. Comme je l’ai dit, il n’y a pas d’obstacles psychologiques, donc on ne va pas avoir peur des équipes et on sait qu’on doit passer, donc, il va y avoir la pression, on mérite d’y être. Ne faisons pas de petites erreurs, car ça va se jouer seulement sur des petits détails.
- Surtout avec l’apport de Vahid Halilhodzic. C’est quelque chose…
- Bien évidemment. Vahid apporte, je dirais, la connotation du footballeur maghrébin. On l’a vu avec le Raja puisque quand on revoit le match, on voit les joueurs qui s’expriment sous le regard d’un metteur en scène qui est l’entraîneur pour leur donner le placement, le rôle qu’ils doivent jouer pour récupérer le ballon. Alors, l’entraîneur a sa part de responsabilité dans ce qui se passe au moins à 60%. Parfois, on gagne le match avec cette discipline et parfois on se frotte à un obstacle et vous attendez à ce que les joueurs sur un plan individuel vous apportent cette spécificité. Comme on l’a vu lors du match du Raja avec Mettouali. Donc, voilà, l’entraîneur, il a son importance mais il ne faut pas lui en donner plus que ça. Les joueurs ont leur importance, je pense que le résultat viendra de la qualité des joueurs. Ils sont bien organisés par Vahid, mais c’est vrai qu’il a réussi à qualifier pour la deuxième fois de suite l’Algérie à la Coupe du monde. C’est déjà une belle victoire.
- Pas avec l’Algérie, puisque la première fois c’était la Côte d’Ivoire…
- C’est la deuxième fois consécutive que l’Algérie se qualifie pour la Coupe du monde et c’est sous les ordres de Vahid. C’est le plus important que je retiens. Il y a un travail de fond qui est mené par le président de la Fédération, Mohamed Raouraoua, il ne faut pas oublier tout le travail qu’il fait au niveau de la Fédé et du ministère étant donné des moyens conséquents pas seulement en équipe nationale mais aussi avec les clubs. On se permet de parler de l’EN, mais on oublie les clubs algériens qui peuvent désormais avoir un standing pour rémunérer des entraîneurs de haut niveau. Ça vous donne un appareil costaud. Le football algérien se porte bien et je sais en interne qu’il y a encore d’autres perspectives, notamment la formation de jeunes joueurs au niveau des clubs. Ça, c’est de bon augure.
- Vous semblez bien connaître Raouraoua parce qu’il vous a sollicité un certain moment pour prendre en main la sélection…
- J’entretiens avec Mohamed Raouraoua de très bons rapports. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises avec le président Hadadj ici à Marrakech. Je dirais beaucoup plus dans un lien d’amitié.
- Il vous a proposé la sélection algérienne…
- Non, j’ai eu la proposition mais ça date de sept, huit ans. En 2003, lorsqu’il était président et qu’il était en France, je l’ai rencontré et il est même venu à Rabat avec le président Hadadj et on a discuté. Voilà, on va dire que ce n’est que partie remise, pourquoi pas, mais voilà, j’entretiens de très bons rapports avec la Fédération algérienne, les médias algériens, le public algérien. Je vous rappelle que j’ai été invité en Algérie à remettre le prix du meilleur buteur la saison passée (NDLR, trophée du meilleur buteur d’El-Khabar erriadhi), donc, j’ai ma place dans le contexte algérien.
H. D.
« Les joueurs sont bien organisés par Vahid »