- Première question, quel bilan faites-vous de votre phase aller avec votre équipe le Dynamo Dresde ?
- Sur un plan purement sportif, je dirais que mon bilan est plus que positif, du fait que je suis arrivé très en retard par rapport au reste de mes coéquipiers, ce qui fait que je n’ai pas effectué la préparation d’intersaison. J’ai été un peu perturbé en raison des problèmes que j’ai eus avec mon ancienne équipe l’ESS. Mais il n’y a pas que la préparation physique que j’ai ratée, j’ai aussi raté les trois premiers matchs de la saison. C’est pour vous dire que ce n’était pas évident de s’imposer avec tout ça, mais quand je vois mes statistiques, je me dis : je suis sur la bonne voie et je me dois de persévérer.
- Justement, vous évoquez les statistiques, vous êtes le meilleur buteur de votre équipe avec six réalisations…
- Oui, c’est une bonne moyenne sachant que je n’ai joué que quatre fois titulaire et le reste du temps j’étais remplaçant. Comme vous venez de le dire, je suis le meilleur buteur du Dynamo à deux réalisations seulement du meilleur buteur de la Bundusliga 2. Vous savez, lors de cette phase aller, nous avons eu trois différents coachs. L’entraîneur actuel, quand il nous a fait des tests, il m’a fait savoir que je manquais de rythme et non de compétition et que je devais travailler encore plus. D’ailleurs, lors de son premier match face à Düsseldorf, Olaf Janßen ne m’avait pas convoqué, mais je n’ai pas baissé les bras avec des objectifs bien fixés et Dieu merci, ça s’est plutôt bien passé.
- Vous êtes le meilleur buteur de votre équipe, mais comment expliquez-vous le fait que vous n’êtes pas titulaire ?
- C’est vrai que c’est bizarre, et je me suis moi-même posé la question, mais en Allemagne ça ne fonctionne pas comme en Algérie. Enfin, je pense que l’entraîneur a sa propre vision des choses, il voit que je n’ai pas fait de préparation. J’ai aussi de la concurrence, avec un avant-centre comme le Slovène Zlatko Dedic qui est pétri de qualités, et vous aurez l’occasion de le voir le 5 mars prochain et le capitaine d’équipe béninois Michael Poté qui sont connus en Allemagne. Moi, un incognito qui venait d’Algérie, et même avec mon petit vécu en équipe nationale, il fallait absolument que je fasse mes preuves, d’ailleurs le dernier match j’ai été titularisé face à Bochum.
- Votre manager inquiet de votre situation s’est rendu à Dresde pour rencontrer vos dirigeants…
- Personnellement, moi je n’étais pas du tout inquiet par rapport à ma situation, mais mon agent si. Et bien lors de cette rencontre avec le directeur sportif du club, ce dernier lui a dit que pour le coach, Aoudia est l’attaquant numéro un. Personnellement, j’ai tiré ma conclusion en me disant que pour un nouveau élément qui de surcroît n’a pas fait de préparation, le staff ne brûlera jamais les étapes. D’ailleurs, ce fut le cas aussi pour moi lors de mes débuts eu CRB il y a de cela six ans, je ne suis pas devenu l’attaquant vedette du Chabab du jour au lendemain. Il fallait que je prouve chaque jour et lors de chaque minute en marquant et en apportant le plus. En Allemagne, je ne suis pas connu et, qu’on le veuille ou non, je n’ai pas été formé en France…
- Vous avez certainement dû avoir des soucis pour vous adapter sur le plan tactique, non ?
- Mon premier constat après seulement quelques séances d’entraînement, c’est que le football allemand est très physique avec une grande rigueur tactique. Croyez-moi, parfois en jouant une simple sixte dans un périmètre de 50 mètres à l’entraînement, pendant sept à huit minutes il n’y a pas de but tellement chaque joueur respecte les consignes tactiques. Je vous avoue que j’ai trouvé des difficultés, car il y a moins d’espaces, et moi qui suis un attaquant aimant les espaces et le jeu en profondeur, mais je me suis adapté au fur et à mesure. Même si mes statistiques sont plutôt bonnes, je considère que les premiers mois passés à Dresde furent des mois d’apprentissage, exactement comme une voiture qui est en plein rodage.
- Qu’est-ce qui a changé en vous en six mois ?
- Rien, mis à part que je suis devenu plus rigoureux et un lève-tôt, car j’avais tendance à dormir le matin quand j’étais en Algérie.
- On ne dirait pas que vous étiez en Allemagne, puisqu’on voit que vous êtes bien bronzé ?
- En fait, le club m’a demandé de faire des rayons ultra-violets par rapport à mes carences en vitamine D, car en Allemagne il n’y a pas de soleil. Les rayons artificiels en remplacement des gélules. D’ailleurs, ma mère en me voyant m’a tout de suite dit : tu veux faire fashion avec un teint bronzé ? Après, je lui ai expliqué.
- On constate aussi que vous avez appris l’allemand…
- (Il nous lance plusieurs phrases en allemand). J’ai étudié pendant cinq mois, deux fois par semaine, après je suis passé à trois fois par semaine. Nous avons une superbe prof qui nous aide beaucoup, que ce soit moi ou Idir Ouali, Chekh Guey ou Poté, car on est six ou sept joueurs francophones à apprendre l’allemand. Donc, à présent, je n’éprouve aucune difficulté à communiquer avec mes coéquipiers ou mon coach.
- Décris-nous un peu l’ambiance au stade lors de matchs ?
- Franchement, c’est très beau. Je suis d’ailleurs fier pour moi et pour ma famille de représenter mon pays à Dresde, surtout quand je vois des drapeaux algériens dans les tribunes parmi les 30 000 spectateurs qui font le déplacement à chacune de nos rencontres.
- Pourquoi le choix du Dynamo Dresde ?
- Je suis quelqu’un qui aime essayer dans la vie même si je sais que je ne vais pas forcément réussir. Comme d’ailleurs mon expérience en Egypte. Beaucoup ont été surpris de mon choix, mais le Zamelek est un très grand club connu au niveau continental. D’ailleurs, j’aurais pu refuser l’offre de Dresde vu que j’avais d’autres propositions beaucoup plus intéressantes financièrement que ce soit dans le Grand Maghreb ou même en D1 et D2 françaises. Il est vrai que le Club Africain m’a fait une offre exceptionnelle d’1 ,5 million de dollars pour deux ans (équivalent de 62 500 dollars par mois), mais j’ai choisi le Dynamo Dresde, car je voulais tenter une carrière professionnelle au vrai sens du terme, et permettez-moi de préciser une chose…
- Oui, allez-y…
- Je savais que le football allemand allait me convenir et je ne me suis pas trompé.
- Avez-vous demandé conseil ?
- Oui, tout à fait. J’ai demandé conseil à Karim Matmour, à Smaïl Bouzid et j’avoue que je ne regrette pas.
- Vous êtes connu pour être un joueur avec un caractère très spécial, le confirmez-vous?
- En fait, si on sait m’utiliser, on peut en tirer beaucoup de choses. Sans prétention aucune, j’estime être quelqu’un de très confiant. Aussi, je ne perds jamais espoir, j’adore la pression. Mais concernant mon caractère, peut-être que ceux qui m’ont côtoyé pourront parler mieux de moi.
- Comment passez-vous vos journées à Dresde ?
- Vous savez, à Dresde il fait nuit à 15h30. Donc, petit-déjeuner, déjeuner et entraînement. Je dois dire que je n’ai rien à faire mis à art mes cours de langue et dormir pour récupérer. Par contre, chaque semaine, au niveau duclub club il nous programme des sorties en groupe.
- Le fait marquant la semaine dernière fut votre expulsion face à Bochum et les trois matchs dont vous avez écopé ?
- C’était un duel aérien tout ce qui a de plus normal. Le fait que le joueur que j’ai touché a un peu saigné de la gencive a probablement poussé l’arbitre à me brandir le carton rouge. Il y a eu beaucoup de choses dites dans la presse disant que je ne méritais pas l’expulsion et d’ailleurs, les supporters ont longuement sifflé l’arbitre. Il y a même eu une comparaison entre deux vidéos où il y a eu une action beaucoup plus grave que la mienne dans un autre match et où l’arbitre s’était contenté d’un carton jaune…
- Vos dirigeants ont pris la décision de faire appel…
- Tout à fait et ils vont visionner une nouvelle fois la séquence, et j’espère que ma sanction sera revue à la baisse car je n’ai vraiment rien fait.
- Dans le cas contraire, vous risquez de reprendre fin février, donc trop juste pour prétendre jouer le match du 5 mars face à la Slovénie…
- Je ne vous cache pas que je garde toujours la sélection en tête, et ça sera le cas jusqu’à la fin de ma carrière de footballeur. La reprise est prévue le 8 février mais je crois que nous avons trois matchs en l’espace de 12 jours, mais je n’en suis pas certain. Mais bon, si le coach national décide de ne pas me convoquer, c’est sa décision. Maintenant nous sommes à six mois de la Coupe du monde et beaucoup de choses peuvent se passer d’ici là.
- Vous étiez présent à Ouagadougou pour le match aller face au Burkina Faso, mais votre nom a été retiré de la liste à la dernière minute lors du match retour, comment avez-vous vécu cela ?
- Franchement, une semaine avant que le coach ne donne la liste j’étais certain à 99% que j’allais y être, mais finalement je n’y étais pas. Je ne mentirais pas en disant que je l’ai très mal vécu. Ces deux dernières années, je ne cesse pas de marquer des buts que ce soit en Algérie ou avec mon club actuel. Il faut que les gens sachent qu’en équipe nationale j’ai eu ma chance deux fois : contre la Gambie à Banjul et face à la Bosnie au 5-Juillet. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas joué le moindre match à Tchaker à Blida, peut-être bien que pour le moment je ne le mérite pas, surtout qu’il existe d’autres attaquants qui passent par une belle période en étant très efficaces. Donc, un seul mot d’ordre, c’est de continuer à travailler.
- Lors de la conférence de presse, et interrogé sur votre non-convocation, le coach national avait dit beaucoup de bien de vous précisant que vous étiez un garçon très charmant…
- Le coach trouve que je suis un garçon charmant, c’est un compliment et je le remercie pour cela, mais bon. Maintenant, l’entraîneur national n’a même pas à se justifier par rapport à ma non-convocation. C’est une personne que je respecte beaucoup, pour son passé, pour son présent et pour son futur. Pour moi, la sélection c’est vraiment quelque chose de sacrée. D’ailleurs, je vais vous raconter une anecdote…
- Oui…
- Après le match face à la Gambie, et sans citer de nom, dans l’avion au retour il y avait un joueur qui était très déçu de n’avoir pas joué, je lui ai dit il ne faut pas faire la tête, car cette équipe nationale est celle de tout le monde et ton tour viendra forcément. Une sélection n’a rien à avoir avec le club. En tout cas, en ce qui me concerne, et même si je vais casser la baraque en marquant à chaque journée de championnat et que je ne vais pas être sélectionné pour le Mondial, il n’y a aucun souci. Pas de souci pour moi même si je termine le championnat avec 40 buts. Il y a une chose que vous ne savez pas peut- être pas et qui m’a empêché de continuer à percer en EN.
- C’est quoi au juste ?
- En avril 2012 et lors du match ESS-Simba de Tanzanie, j’ai été victime d’un traumatisme crânien grade 3, j’ai vraiment frôlé la mort et tout ce que j’ai vécu lors de ces derniers 18 mois, je le considère comme bonus vu que j’ai failli mourir.
- Mais lorsque vous voyez des joueurs en manque de temps de jeu convoqués et vous non, vous vous dites quoi ?
- Ce qui m’a surpris lors de ce match, c’est que j’avais du temps de jeu et je n’ai pas été convoqué, alors que dans d’autres rencontres, je jouais moins et je faisais partie de la sélection. Personnellement, je ne connais pas les paramètres sur lesquels se base le coach national pour faire son choix.
- Halilhodzic a toujours déclaré que vous étiez un joueur très utile à l’extérieur…
- Je ne sais pas s’il a dit ça. Mais si jamais il l’a dit et bien la Coupe du monde aura lieu au Brésil pas en Algérie.
- Comment avez-vous vécu le match retour contre le Burkina Faso ?
- Comme tout Algérien avec un grand stress. Je l’ai regardée avec mon coéquipier Benyamina Sofiane, un joueur pétri de qualités. Mon cœur s’est arrêté de battre à la suite de la barre de Soudani, et bien beaucoup de joie quand on a marqué, et Dieu merci, on est au Mondial et c’est ça le plus important.
- Comment jugez-vous notre équipe nationale et son niveau actuel ?
- Sur le plan continental, nous avons une très bonne équipe. Mais sur le plan international, nous n’avons pas eu l’occasion de rivaliser avec de grosses équipes. C’est un groupe en plein apprentissage. Les plus expérimentés : Bougherra, Medjani, Mesbah et Mbolhi. Personnellement, je suis d’accord avec Halilhodzic lorsqu’il dit qu’on est parmi les équipes les plus faibles du Mondial. Si vous voulez, on va faire des comparaisons…
- Comme vous le voulez…
- Azar ou Soudani ? Sans diminuer de la valeur de Soudani qui est un super joueur et un très bon ami. Ok, disons Lukako ou Aoudia. Kompany ou Medjani, il faut quand même être réaliste. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne va pas rivaliser contre ces adversaires, car l’Algérien est connu pour sa ferveur et l’exemple de l’Angleterre est là. Le coach a le droit de se protéger et protéger ses joueurs car il a compris la mentalité algérienne. Il a beaucoup de vécu que se soit en tant que joueur ou entraîneur, et nous les joueurs on comprend très bien son message.
- Que pensez-vous justement du tirage au sort ?
- La Belgique est une équipe très respectueuse, la Russie une grande équipe sur le plan européen et la Corée du Sud je n’en ai vraiment aucune idée.
- En plus de Benyamina, il y a Idir Ouali, que pouvez-vous nous dire sur ce joueur ?
- C’est un joueur qui aime l’Algérie et du coup on parle très souvent de l’équipe nationale. Il a beaucoup de qualités et s’il continue à faire ce qu’il a fait par exemple face à Kaiserslautern, il pourra prétendre à une sélection même après le Mondial. D’ailleurs Korichi est venu le superviser à Dresde.
- Nous sommes en plein mercato, y a-t-il possibilité pour vous voir changer d’air ?
- Je ne vous cache pas que j’ai eu quelques offres au cours de ces derniers jours dont celle du Club Africain qui souhaiterait m’avoir pour un prêt de six mois, un prêt payant bien sûr. D’autres clubs aussi en Allemagne même si les trois matchs de suspension risquent de me bloquer un peu. Pour l’instant, les dirigeants de Dresde ont émis un niet catégorique, il y aura certainement d’autres rounds de négociations.
- Quelle est la somme exigée par vos dirigeants pour vous avoir ?
- Franchement, je ne sais pas combien ils ont demandé, mais tout ce que je sais c’est que ma valeur actuelle en Allemagne est estimée à 1M d’euros sachant qu’il me reste un an et demi de contrat.
- Vos souhaits pour la nouvelle année…
- La santé bien sûr et beaucoup de bonnes choses pour l’Algérie et tous les Algériens. J’espère aussi faire sensations en marquant le maximum de buts avec le Dynamo Dresde.
- Avant de vous laisser, parlez-nous de votre danse à Sétif et ce que vous faites à Dresde après chaque but ?
- J’ai vu cette danse chez un joueur turc, après c’est un joueur égyptien qui la faisait mais d’une autre manière. Mais la condition pour faire cette danse, c’est qu’il faut que tu marques souvent pour ne pas dire chaque match. Donc, cette danse je l’ai ramenée d’Egypte mais je lui ai donné ma touche personnelle et ce qui m’a rendu heureux c’est que tout le monde l’a fait. Mais je termine juste par dire que les supporters de Sétif je les adore, mais, malheureusement, le staff dirigeant actuel de l’ESS m’a trahi.
Asma H. A.
«Ma non-convocation face au Burkina Faso, je l’ai très mal vécu»
«Même si je marque 40 buts et que je ne suis pas convoqué pour le Mondial, pas de souci»
«Le coach a raison de dire qu’on est parmi les équipes faibles de ce Mondial…»
«Meilleur buteur du Dynamo et je ne suis pas titulaire, voilà pourquoi»
«…Car il a bien compris la mentalité algérienne»
«Mon carton rouge, un simple duel, je n’ai rien compris»
«Cet été, le Club Africain m’a proposé 1.5 M$ pour 2 ans…»
«…Ils me relancent pour un prêt de 6 mois»
«Cette fin de buts et de titres, je les ai appris aux côtés de Houssam Hassan»
«En avril 2012, j’ai failli mourir à la suite d’un grave traumatisme crânien»