Fabre se livre à Compétition

Il était pressenti pour devenir le portier numéro des Verts. En peu de temps, tout a basculé. Aujourd’hui, il est le remplaçant de Djemili au MCA. Impensable il y a encore peu de temps ! Mickaël Fabre se confie à Compétition et revient sur sa saison au Mouloudia.

 

- Champion du monde avec les U17 des Bleus, 200 matches en Ligue 1 française, remplaçant à Bologne de Pagliuca, l’illustre ancien gardien de la sélection d’Italie, international algérien, comment peut-on accepter après le statut de remplaçant au MCA ?
- Ben, ça va être assez simple à expliquer. Le football est un des sports les plus aléatoires, d'une saison à l'autre, d'un match à l'autre, tout peut aller très vite et changer à tout moment. Moi, j'avais signé avec l'objectif de repartir sur un projet : réussir une grande saison pour essayer de réintégrer l'équipe nationale. Malheureusement, cela ne s'est pas passé comme je l'avais souhaité. Mais bon, cela fait partie de la vie, il faut avancer. On fera le point tranquillement après. Mais, il reste encore un mois et demi à faire avec un gros match qui nous attend samedi.
- Vous vivez bien cette situation…
- Non, on ne peut pas bien la vivre. Quand on est un compétiteur, on veut jouer. Je n'étais pas venu pour vivre ça. Mais dans la vie, il y a des choses qui arrivent en cours de route, il faut savoir avancer. On a deux choix dans ce cas. Moi, j'ai fait celui de rester professionnel et d'avancer. De rester professionnel le plus possible jusqu'à la fin de saison, puis faire le point avec le club, tout simplement.
- C'est Kaoua qui vous a recruté, s'il vous a fait appel, lui, le connaisseur, c'est pour faire de vous le numéro un au MCA…
- Oui, au début, c'est comme ça qu'on a parlé. Ça fait un moment que je pratique ce métier, après, je sais qu’il y a une concurrence. Malheureusement, on ne m'a pas donné ma chance. Cela fait partie de la vie aussi, il faut avancer. Il faut continuer à travailler jusqu'à la fin de saison et saisir la moindre opportunité quand elle se présente.
- Est-ce que des choses ont changé par rapport à ce que vous vous attendiez, après le départ de Kaoua ?
- Quand j'ai signé au MCA, bien sûr, c'était pour jouer en tant que numéro un. Seulement, comme dans tous les clubs, il y a la concurrence. Il y a des choses qui ont été faites et il est vrai que j'ai été surpris de ne pas commencer au début de saison, surtout que Geiger ne m'a donné aucune explication Le football est un sport compliqué. Je suis payé pour travailler, faire de mon mieux, il y a l'entraîneur qui décide ensuite. Mais moi, dès le début, on ne m'a pas donné ma chance.
- Doit-on comprendre que c'est la faute à Geiger ?
- Sa faute, je ne sais pas ? Mais quand vous venez pour être le numéro un, que vous ne commencez même pas la saison, on ne saisit pas trop le pourquoi de la chose.
- Vous en voulez à Geiger…
- Lui en vouloir n'est pas le mot approprié, je ne raisonne pas de cette manière, je n'ai pas cette mentalité. J'essaye juste de comprendre pourquoi en sachant qu'il peut aussi avoir ses raisons. S'il pensait que je n'étais pas assez bon pour être le numéro un, eh bien c’est que ça doit être apparemment le cas. Dans la vie d'un club, il y a un gardien numéro un, un numéro deux, c'est pareil dans tous les clubs.  
- En somme, vous acceptez votre sort…
- Moi, j'ai été surpris dès le début. J'ai l'habitude de travailler saison après saison, je ne fais pas de des vagues. Je travaille au maximum en essayant de rester le plus professionnel possible. Chacun a ses arguments. A la fin de saison, on fera un bilan, comme cela se fait dans tous les clubs. J'ai un contrat de deux ans, je ne peux pas faire n'importe quoi, non plus.
- On dit que vous êtes pressenti pour garder les bois du MCA en demi-finales de la coupe Algérie, le confirmez-vous ?
- Non, pour l'instant il n'y a rien de spécial. Il est vrai que Djemili n'a pas fait un gros match contre la JSK, mais cela peut arriver à n'importe quel gardien. Pour vous répondre franchement, je ne perçois pas de signe qui m'incite à croire que je serai aligné au prochain match. Cela étant dit, même si je ne joue pas, j'ai la chance de m'entendre bien avec Djemili. Je lui souhaite le meilleur !
-  Il a raté son match à Tizi Ouzou, n'est-ce pas le moment d'avoir votre chance ?
- Oui mais, vous savez, les gens cherchent parfois la stabilité. Et il y a un coach qui prend les décisions. Ce n'est pas spécifique à l'Algérie, c'est partout pareil. Dans tous les clubs, il y a un gardien, un entraîneur, un club qui vous paye, vous ne devez jamais oublier tout ça. Mais si, demain, je serai amené à jouer, j’en serai évidemment très content. Si je ne joue pas, je serai le premier supporter du club. Le principal est de gagner les matches, celui de samedi est très important pour que notre saison ressemble à quelque chose. On espère l’emporter et aller en finale et, pourquoi pas, gagner la coupe Algérie.
- Vous n'avez vraiment perçu aucun signe qui vous laisse croire que vous allez jouer samedi prochain…
- Non, non, pour l'instant on travaille comme d'habitude, il n'y a rien de spécialement nouveau.
- On croit savoir que vous avez récemment négocié votre renouvellement de contrat, est-ce vrai ?
- Cela doit rester entre la direction et moi, parce que ce sont des trucs un peu compliqués, des choses contractuelles pas évidentes à expliquer. De toute façon, mon cas est un peu à part et on fera le point à la fin de saison. Tranquillement, on verra l'envie des uns et des autres, cela est légitime.
- Donc, vous confirmez avoir rencontré récemment vos  dirigeants…
- Oui, on a discuté de pas mal de choses.
- On dit qu'on vous aurait proposé une baisse de salaire, est-ce exact ?
- Je vais vous le dire franchement : je ne connaissais pas ce système ! Moi, j'arrive d'Europe où j'ai joué pas mal de saisons, je ne connais pas trop ce système. Après, ça peut être compréhensible dans un sens comme cela peut être incompréhensible dans l'autre. C'est comme si demain je faisais un bon match et que j’aille demander une augmentation. Je vous l'ai dit, mon objectif est de bien terminer la saison et, même si je ne joue pas, je dois garder mon état d'esprit professionnel. Il me reste quand même encore un an avec le MCA, on fera le point avec la direction à la fin de l’exercice.
- Ils vous ont donc vraiment proposé une baisse de salaire…
- On en a discuté, mais on n'a pas parlé que de ça. C'est un peu délicat à évoquer parce que je n'ai pas l'habitude de parler de tout ça. Evoquer le contenu des contrats, ça n'intéresse pas beaucoup de gens, à part moi et la direction. Mais, apparemment, ça prend d'autres proportions dehors, c'est comme ça et je n’en fais pas une histoire. Je pense que le plus intelligent serait de prendre le temps d’en parler en fin de saison et voir où les routes iront.
- On présume que si la situation n'évolue pas, vous ne resterez sans doute pas au MCA. Ce qui n'est quand même pas génial de rester inactif…
- Ce n'est pas génial du tout ! C'est que je n'avais pas prévu de passer une saison aussi difficile. En termes de temps de jeu, j'ai toujours eu l'habitude de jouer entre 15 et 20 matches minimum par saison, donc ce n'est pas facile. Mais ça me servira comme une expérience. Il ne faut pas trop parler avant que les choses ne se fassent, il faut attendre le moment opportun et faire le point autour d'une table. On fera comme font les joueurs qui sont un peu dans ma situation.
- On a remarqué que vous êtes souvent isolé au MCA, c'est dans votre nature…
- Isolé dans quel sens ?
- On vous voit rarement avec vos équipiers et, dès le match terminé, vous rentrez à la maison…
- Il est vrai que je suis assez casanier, ce n'est pas parce que je suis ici, en Algérie, que je suis devenu comme ça, cela a été ainsi partout. C'est ma mentalité. J'adore le football, mais il n'occupe pas tout mon quotidien.
- Peut-on revenir sur les épisodes avec Vahid Halilhodzic en sélection nationale ?
- Mon histoire avec l'équipe nationale n'a pas été très simple, depuis le début. Quand Halilhodzic a pris l'équipe, il m'a fait appel au premier rassemblement, c'était un stage à Paris. Il y a eu un petit souci de convocation parce que je venais juste d'être prêté un an à Lens. On avait un match de coupe de la Ligue et, comme la convocation n'est pas arrivée à temps, Lens n'a pas voulu me libérer. Après le match, j'ai rejoint le stage, j'ai tout expliqué au coach. Vous voyez, déjà, c'était un premier épisode pas simple.
- Vahid vous en avait-il tenu rigueur ?
- Oui, oui, il m'a d’ailleurs expliqué que je n'allais pas venir pour un ou deux stages, ce que j'avais admis. Après, il m'a rappelé pour le match contre la Centrafrique. On était déjà éliminés de la Coupe d'Afrique des nations. J'ai fait mon stage, cela s'est très bien passé, j'ai été le troisième gardien, je suis resté dans les tribunes. Il m'a ensuite rappelé pour un tournoi avec la Tunisie et le Cameroun. Je n'ai pas pu me déplacer parce que, la veille du rassemblement, j'ai joué un match contre Sedan. Je me suis blessé au dos. Il s’agissait de la même blessure sérieuse que j'ai contractée une année auparavant et pour laquelle je ne voulais pas prendre de risques avec le trajet. Lens s'est occupé d'envoyer tous les documents à la sélection pour expliquer la nature de ma blessure.
- Mais, encore une fois, Vahid a mal pris la chose...
- Il est vrai que j'ai pris attache avec le coach un peu tard, j'ai eu tort parce que j'aurais dû le faire plus tôt. J'aurais dû le prévenir avant. Mais il n'y a pas de soucis, j'en ai assumé les conséquences. Voilà, ça s'est passé comme ça. A partir de là, le coach n'a plus voulu me faire appel, tout simplement. Ça s'est terminé de cette manière.
- Qui, selon vous, devrait être le numéro un de la sélection nationale : Mbolhi ou Zemmamouche ?
- Depuis quelques années, c'est Raïs qui joue, mais Zemmamouche fait une belle saison avec l'USMA. Il est vrai que Raïs évolue moins avec son club, seulement il faut dire que, chaque fois qu'il a joué avec l'équipe nationale, il a été bon. Après, je ne vois pas comment il est en Bulgarie, quel est son temps de jeu… En définitive, c'est le coach qui tranchera.
- Vous n'avez pas l'habitude de trop vous exprimer dans les médias, pourquoi ?
- Je ne parle pas beaucoup parce que je ne vois pas l'utilité de trop le faire. Aussi, il faut dire que ma situation est assez compliquée... Dans une telle situation, il vaut mieux se faire petit et travailler dans son coin, sans faire trop de bruit.
- Que peut-on vous souhaiter avant de clore cet entretien ? Gagner la coupe d’Algérie et repartir en France sur une bonne note ?
- Je veux bien gagner cette coupe Algérie, mais j’aurai toujours un état d'esprit professionnel, je saurai toujours garder un aspect positif quelle que soit la situation. Le foot est un jeu collectif, de temps en temps il faut aussi penser collectif. On voit que les grands clubs ont maintenant 24 à 25 joueurs, ce n'est pas facile…
- Toute proportion gardée, on pourrait prendre l'exemple de Casillas à  Madrid…
- Oui, c'est une icône qui ne joue pas, mais je n'ai rien à voir avec lui, la comparaison n’a pas lieu d’être ! Le poste de gardien de but est un peu compliqué, il est sûr que j'aimerais  jouer, mais c'est ça la vie et il faut l’accepter ! Je me contente de continuer à travailler en espérant que ça paiera un jour. Je sais encore que, même si on ne joue pas, on peut aussi apprendre des choses. 

H. D.

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