Meribout : «La prison ? Un coup monté»

Avec lui, le club phare de Lalla Bouna a connu les meilleurs moments de son existence en D1 en pratiquant l’un des meilleurs footballs du pays et en alimentant l’EN en joueurs de talent à l’image des Abassi, Dellalou, Bensaïd, Djabelkheir, El-Hadi Adel et Maïza. Ange ou démon, l’ex-président de l’USMAn de caractère bouillonnant mais d’un cœur très sensible ne laisse personne indifférent par son dynamisme et sa façon de gérer le sport en général, lui l’excellent international en volley. Neuf ans après avoir démissionné, il nous ouvre son cœur avec une grande sincérité et aborde tous les problèmes sans détour et avec lucidité.

Quelle lecture faites-vous de la situation actuelle de l’USMAn ?

On ne récolte que ce qu’on sème. C’est malheureux ce qui arrive à ce prestigieux club actuellement. Personnellement, je suis très peiné. Ce club était parmi l’élite et nous avons réussi dans le temps à lui donner sa véritable place. Souvenez-vous du fameux 5-2 à Bologhine face à l’USM Alger devenu historique, des victoires face à la JSK, l’ESS ou le MCA. Annaba était un club très respecté. Malheureusement, il y a eu par la suite de la mauvaise gestion, des dérapages, des haines à assouvir, des comptes à régler et toutes formes de comportements malsains. Et en voilà finalement le résultat.

Comment arrêter cette hémorragie,  d’après vous ?

Il faut maintenant oublier les querelles et tenter de s’unir et de rassembler toutes les bonnes volontés  pour sauver cette équipe qui nous est très chère et pour laquelle nous avons tous fait des sacrifices.

Pour cela, il faut initier des actions concrètes. Y a-t-il quelque chose en ce sens ?

Hadj Mebrek, le président de la ligue régionale, l’ancienne gloire Baba Ali et moi-même cherchons un moyen de rassembler les forces vives afin d’établir un plan d’action pour sauver l’équipe. Nous sommes mobilisés à trois et nous allons activer sérieusement en ce sens pour convaincre tous les acteurs à mettre de côté les divergences et à s’unir ne serait-ce que pour la circonstance afin d’aider l’équipe à éviter le spectre de la relégation.  

Avez-vous pris contact avec l’actuelle direction ?

Non, pas encore, mais nous avons largement le temps pour le faire. Nous attendons la fin de la campagne électorale puis nous allons programmer une réunion à laquelle nous inviterons toutes les parties. C’est l’intérêt du club et sa présence en Ligue 2 qui sont en jeu. Alors, je dis Annaba avant tout. Déjà, le fait que l’équipe soit en Ligue 2 est une honte et une insulte pour le sport annabi.

 

Vous proposez une sorte de directoire…

Non, ce ne sera pas un directoire puisqu’il y a une direction légitime qui est en place ainsi que des actionnaires encore actifs. Nous voulons de par notre vécu et notre expérience mettre ce potentiel au service de l’équipe pour la défendre aussi contre les manœuvres des coulisses.

Le Tout-Annaba reconnaît que l’USMAn n’a jamais obtenu de bons résultats que sous votre règne.  Qu’est-ce que cela vous fait ?

C’est rassurant et cela fait chaud au cœur une telle reconnaissance. A l’époque, on imposait une certaine rigueur et une discipline dans les comportements des joueurs. Nous faisions des recrutements intelligents et rarement nous ramenions des joueurs limités. Nous ramenions plutôt des joueurs talentueux mais anonymes et nous en faisions des stars que nous chipaient par la suite les grandes écuries qu’étaient à l’époque l’USM Alger, le MCA la JSK ou le CRB. Nous avons fourni durant mon époque à la tête du club 21 joueurs à l’EN. Il y avait de la sincérité et de bonnes intentions. On couvait bien les joueurs qui nous faisaient confiance. Aujourd’hui, l’argent a tout faussé. Les joueurs ne mouillent plus le maillot et ne pensent qu’à l’argent, malgré leurs grandes limites  techniques. Annaba était un pole footballistique qui inculquait les valeurs du travail et de la persévérance aux joueurs pour réussir.

Même vos détracteurs de l’époque regrettent cette période qu’ils remémorent avec nostalgie…

Il y avait effectivement une certaine opposition, mais c’était de bonne guerre. Je ne pouvais pas satisfaire tout le monde. J’ai appliqué une certaine politique et j’ai toujours utilisé les sources de motivation pour réussir. D’ailleurs, j’ai gardé de bonnes relations avec tout le monde. On me propose souvent de revenir aux affaires du club, mais je ne peux pas à cause de mon état de santé. Mais, je reste à la disposition de l’équipe pour apporter mon aide aussi modeste soit-elle.

Cet amour pour cette équipe a conduit vos ennemis à vous tendre des pièges qui vous ont conduit en prison. Avec du recul, quelle analyse faites-vous ?

Je pense sincèrement aujourd’hui que l’affaire de la prison est un coup monté et bien calculé. Nous étions une association sportive et la loi est claire. L’AG a approuvé les bilans financier et moral à l’époque et subitement, je me retrouve en taule pendant 5 mois et 17 jours.  J’ai attrapé un cancer du colon à cause de cela. J’ai été par la suite innocenté. On ne peut pas remplacer cela. Je ne pense pas que le coup a été monté par des gens appartenant eu monde sportif. J’ai mis mon bus, mon hôtel à la disposition du club durant des années.  Mais, on ne peut rien contre la bêtise humaine.

Comment avez-vous vécu ces moments douloureux ?

Sur le plan psychologique, c’était terrible et insoutenable. J’ai attrapé un diabète, un cancer du colon. Ma famille a vécu un calvaire. Pourtant, Dieu sait combien j’ai donné à cette ville dans le domaine du sport. En volley-ball, nous avons réalisé d’excellents résultats avec la SRA. Nous avons gagné la coupe d’Afrique que nous avons ramenée d’Egypte, la coupe arabe de Beyrouth. Nous avons gagné le championnat et la coupe d’Algérie. Nous avons obtenu de bons résultats en basket-ball. En football, nous étions un pole sportif d’excellence à l’Est. Il y avait chaque semaine de la joie dans la ville.

Vous êtes très sollicité pour revenir à la tête du club. Comment vivez-vous cette pression ?

Revenir pour diriger le club, non. Par contre, je ferai en sorte d’aider l’équipe et apporter mon soutien et mon expérience.  Il faut cependant que les dirigeants actuels ou ceux qui viendront se serrent les coudes et fassent en sorte d’unir toutes les compétences et tous les acteurs dotés de bonne volonté. Le sport doit être notre trait d’union. Annaba a perdu son leadership sur le handball, le volley-ball et le basket-ball. Il faut au moins reprendre son statut dans le football. Les jeunes Bônois respirent cette discipline. Alors, il faut investir.

Durant la période Menadi, il y avait beaucoup d’argent, mais peu de résultats…

En mon temps et durant 7 ans nous avons fonctionné à raison de 2 milliards par an. Personnellement, j’ai  dépensé 7 milliards de mon propre argent. J’ai récupéré 3 et il reste encore 4 milliards. Malgré cela, on nous accuse de détournement et de gaspillage. Croyez-moi, jusqu’à aujourd’hui je ne comprends pas pourquoi on m’a mis en prison. Pourtant, tous mes bilans ont été approuvés par les commissaires aux comptes.

Un mot sur le prochain match déterminant face au CAB…

Il n’y a pas d’autre solution que les trois points. Il nous reste à jouer 3 matches à Annaba, il faut les gagner tous et par n’importe quel moyen. De l’extérieur, il faut surtout assurer un résultat au moins.

Que pensez-vous du conflit Raouraoua-Halilhodzic ?

C’est un conflit qui n’aurait jamais dû dépasser son cadre officiel. Mais, je crois que le dernier mot doit revenir au président de la FAF.  Je crois que l’employé doit se plier à la volonté de l’employeur et d’appliquer la politique décidée. Concernant le terrain et le choix des joueurs, là ce sont les prérogatives du coach qu’il doit exercer en toute indépendance. J’ai côtoyé Raouraoua et je trouve que c’est un grand Monsieur. Je suis un peu loin de l’actualité  de ce conflit, mais je pense qu’il doit y avoir des interférences. Nous sommes qualifiés pour la Coupe du monde et nous avons une bonne équipe. J’estime que Halilhodzic doit   remettre les pieds su terre et ne pas faire la grosse tête en croyant détenir la vérité. Raouraoua dirige une institution qui a le droit d’être ambitieuse et de fixer des objectifs à la hauteur de cette dimension.

Vous pensez que nous pouvons aller au second tour en Coupe du monde ?

Je pense que nous avons une bonne équipe équilibrée dans tous ses compartiments et que le coach dispose de plusieurs solutions de rechange. Il a un effectif riche composé d’excellents joueurs talentueux et les places sont déjà chères. Alors, pourquoi ne pas être ambitieux et investir dans cette réalité. Nous pouvons à mon sens aller au second tour et nous avons  tous les moyens pour le réaliser.

Un mot sur l’Association des présidents de clubs et son influence…

Je suis un peu déconnecté des événements depuis un moment. Mais, je pense que si elle sert pour servir le football, améliorer son image de marque et le moraliser il faut l’encourager. Le sport doit être sain. Il ne faut pas qu’elle se pose en une force de conflits. Elle doit coordonner en étroite collaboration avec la FAF et la LFP.

Un mot sur le conflit Yahi- Raouraoua…

Je crois qu’il faut rester lucide et régler le conflit calmement sans pour autant le médiatiser comme il a été fait. Yahi est un homme connu dans le monde sportif du football et il a servi son club pour lequel il s’est sacrifié.

B. R.

Bio express

Abdenour Meribout est né en 1953 et a fait ses études à Annaba et notamment au fameux lycée Moubarak El-Mili. Comme volleyeur, il a joué à la SRA, a remporté un championnat d’Algérie et une coupe arabe et a connu à plusieurs reprises la sélection nationale à la fin des cannées 1970 et au début des années 1980. Il a par la suite présidé avec succès aux destinées du grand club omnisport de la SRA (Solb Riadi Annaba) avec ses sections handball, volley-ball et basket-ball ball. Il a remporté avec ce club le championnat et la coupe d’Algérie, la coupe d’Afrique ramenée d’Egypte et la coupe arabe ramenée du Liban en volley-ball. Il présidé l’USMAn en football de 1998 à 2005 qui a obtenu la 2e place en championnat en 1998-1999 et une participation honorable à une coupe  arabe en Arabie saoudite.

 

 «A cause de ces gens, j’ai attrapé un cancer du colon»

«Mon hôtel, mon bus, mon argent, ma santé, ma jeunesse… J’ai tout donné à l’USMAn. Qu’est-ce que j’ai gagné en retour ? Rien»

 

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