Younès Ifticen, à la veille d’un match très important, pour ne pas dire le plus important, jusque-là, nous voudrions vous demander quel est votre état d’esprit sachant que vous jouez pratiquement votre saison ?
Avec l’expérience et le vécu que j’ai, aujourd’hui j’arrive à bien gérer cette pression. Parce que de la pression, il y en a, croyez-moi. Disons que dans un match aussi important que celui de demain (aujourd’hui, Ndlr), il faut savoir gérer l’humain, c'est-à-dire les joueurs. Ma méthode à moi, c’est de ne pas mettre trop de pression sur mes joueurs. Pour ce qui me concerne, je n’ai pas de match facile ni de match difficile, comme je n’ai pas de match important et d’autres sans importance. Tous mes matches, je les prépare de la même manière, c'est-à-dire avec le maximum de sérieux et de sérénité. Je ne laisse aucune place au hasard.
Quel sera votre discours demain (aujourd’hui vendredi, Ndlr) aux joueurs ?
Mon discours a toujours été le même, il ne change pas d’un match à un autre.
Depuis mon arrivée au NAHD, je dis toujours aux joueurs qu’ils portent le maillot d’un très grand et prestigieux club. Je leur dis que le NAHD a donné beaucoup de joueurs au pays, de très grands joueurs, c’est un club historique, porter ses couleurs est déjà un honneur en soi. Alors en portant ce maillot, il faut se donner à fond, il faut donner tout ce qu’on a. Je leur dis prenez cette responsabilité et allez de l’avant, vous êtes des joueurs du Nasria, un grand club. Ce match de l’ASMO, nous l’avons préparé avec le maximum de sérieux. Il est vrai qu’aujourd’hui nous sommes à 180 minutes du bonheur, faisons les choses dans l’ordre. Jouons d’abord ce match d’Oran, et ne pensez pas au match de Médéa.
Y’a-t-il risque d’oubli selon vous ?
Oui, je le pense. Il nous faut d’abord jouer l’ASMO, l’OM ne viendra qu’une semaine plus tard. Je crains qu’on se focalise trop sur ce dernier match contre Médéa, et on oublie de jouer contre l’ASMO. Moi je dis que si on revient d’Oran avec un résultat positif, on pourra faire la fête lors de la réception de l’O Médéa.
Et c’est quoi pour vous un résultat positif à Oran ?
Cela veut dire revenir avec les trois points, voilà ! Aujourd’hui, nous avons notre façon de jouer, nous avons nos atouts, on ne pense qu’à jouer et qu’à se faire plaisir sur le terrain. Moi, je dis toujours à mes joueurs si vous êtes capables de gagner à domicile, vous êtes sûrement capables de le faire en dehors de nos bases. Alors jouer et ne le faite que pour gagner.
Au tout début de la phase retour, votre équipe avait eu toutes les peines du monde à gagner, alignant une série de trois résultats négatifs. A ce moment-là, vous n’aviez pas douté ?
Jamais, non. A notre retour de Tunisie, où nous avions été en stage, on a joué l’US Chaouia à Oum El-Bouaghi, nous avons perdu, c’est vrai, mais quand je regarde ce que nous avions produit comme jeu, je me dis que la machine va redémarrer. Je n’ai jamais douté, au contraire, je savais qu’on allait repartir de plus belle. On rentrait de stage, il nous fallait un peu de temps pour récupérer après le travail foncier effectué en Tunisie. Sinon, je n’ai pas douté, ce fut juste un passage à vide, contre le MSPB au 20-Août 1955 et un match référence pour moi-même si on avait fait match nul. Le lendemain, je me suis réuni avec les joueurs et je leur ai dit qu’il faut croire en nos forces et rebondir. Une semaine plus tard, on était allé gagner à Saïda. Cependant, je tiens aussi à rendre hommage au comité directeur et au président qui n’ont pas lésiné sur les moyens. Si aujourd’hui le NAHD est à cette place, c’est aussi grâce au dévouement de son comité directeur.
Une question qui fâche maintenant. Il se dit que dans votre groupe, il y a un noyau qui est ingérable, des joueurs qui font les barbeaux…
Faux ! Ceux qui colportent de telles rumeurs ont tout faux. Tous les joueurs sont au même pied d’égalité, personne ne me dicte ce que j’ai à faire. Je gère des êtres humains et je les gère à ma manière, je suis intransigeant, certes, mais je sais que ce sont des hommes et qu’il faut les traiter en tant que tels. Je ne dis pas que c’est la meilleure manière de gérer un groupe, mais à moi, elle me donne satisfaction. Je suis désolé pour ceux qui disent qu’il y a des barbeaux, parce qu’ils ont tout faux.
Dans le cas des gardiens de but, il se dit aussi que ce n’est pas vous qui avez tranché, on vous a imposé Mokrani, bien que celui-ci soit en train de réussir un joli parcours, il faut bien le dire.
Faux. Vous le dîtes si bien, Mokrani est en train de s’imposer par lui-même, il a réalisé d’excellentes prestations. Qu’on se le dise, personne ne m’impose quoi que ce soit, et je tranche toujours en mon âme et conscience. Il y a eu le cas Mokrani. En effet, le président du club m’avait demandé, un jour, de l’écarter, et ce, sur la base d’un rapport et pour des raisons disciplinaires. Et c’est ce que j’ai fait en alignant Ghalem à sa place. Fallait-il que j’aille contre la décision de mon président pour plaire ? Non, bien sûr. Etant convaincu que dans son rapport, la direction du club avait toutes les raisons d’écarter Mokrani, je ne l’ai pas aligné, tout simplement. Le reste, c’est juste de la parlote, sans plus.
Qu’en est-il des jeunes du cru qu’on ne voit plus, comme le jeune Ouchen, Bessaha etc., pour ne citer que ces deux là, où sont-ils alors qu’ils jouaient en équipe première ?
Je vais vous répondre, je n’ai aucun problème. Moi, je m’en tiens au travail qu’on effectue en semaine et au match d’application d’avant la compétition. Si ces jeunes-là ne me montrent pas réellement ce qu’ils valent dans des matches amicaux, comment pourrais-je les aligner dans des matches officiels sachant que je joue l’accession ?
Vous savez qu’un des fondamentaux du NAHD, c’est la formation, alors les gens se demandent où sont les jeunes…
Les jeunes, j’en ai pris. J’en ai pris deux avec moi au stage de Tunisie et j’ai même libéré certains joueurs au mercato hivernal pour leur faire de la place. Mais si ces jeunes ne m’apportent pas un plus, je ne peux pas me hasarder à les faire jouer sachant que j’ai un objectif à atteindre, un objectif que tout le monde connaît.
Vous allez voir les jeunes jouer ?
Oui, autant que possible.
Serez-vous encore là la saison prochaine ?
Cela ne dépend pas de moi. Mais si le comité directeur le veut bien, je suis partant.
Harrachi de pure souche, vous n’avez fait que quelques brèves apparitions sur le banc de l’USM El-Harrach, pourquoi ?
Je pense qu’il faut demander cela aux dirigeants harrachis. Moi, ce club est toujours dans mon cœur, c’est grâce à l’USMH que je suis aujourd’hui l’homme que je suis.
Irez-vous à Lavigerie voir jouer l’USMH ?
Oui, dès que je peux. Pas plus tard que mardi, j’ai été voir le match USMH-MCA.
Vous avez quitté Blida dans des conditions controversées, dites nous brièvement pourquoi ?
Brièvement ? En revenant d’Annaba, après un match nul, le président Zaïm m’avait dit texto : «Je ne suis pas satisfait du match nul d’Annaba.» Cela voulait dire que le président n’était pas satisfait de mon travail et là il ne me restait qu’une seule chose à faire, c’était de partir, ce que j’ai fait après la victoire sur l’ESM.
M. O.
Bio express
Younès Ifticen est né le 27 avril 1957 à El-Harrach. Il fait toutes ses classes à l’USMMC qui deviendra par la suite USMH. C’est le défunt Ali Benfedda qui l’a fait jouer en équipe première alors qu’il n’avait que 17 ans. Le jeune Ifticen apprendra beaucoup aux côtés des chevronnés Mokore, Meraïki et autre Sebia, il gagnera sa place de titulaire et fera un très long chemin avec l’USMMC et l’USMH. Ayant côtoyé de grands entraîneurs, les trois B que sont les regrettés, Benfedda, Bahmane et Belabed, Ifticen passera de l’autre côté de la barrière au début des années 1990. C’est son ex-coéquipier, un certain Saïd Allik, devenu président de l’USMA, qui lui offrira son premier poste d’entraîneur d’une équipe sénior. Depuis, Ifticen a fait du chemin, en prenant la barre des meilleures équipes du pays, l’USMA, le MCA et le WAT, entres autres.
Il a été avant-centre
Contrairement à ce qu’on peut penser, Ifticen a débuté et a même été durant toute sa jeunesse un attaquant de pointe. «C’est feu Belabed, Allah yarrahmou qui m’a reconverti au milieu du terrain. Un jour, il avait besoin de quelqu’un au milieu, il était venu me faire un lavage de cerveau, pour me convaincre de reculer sur le terrain. J’étais avant-centre et je marquais beaucoup de buts, je ne me voyais pas jouer au milieu. Je l’ai fait une fois, cela m’a plu, j’y ai fait ensuite toute ma carrière», nous disait-il à ce sujet.
En 1974, il était dans le groupe de la finale
Juin 1974, l’USMMC est en finale de la coupe d’Algérie, qu’elle gagnera face au WA Tlemcen. Une équipe de rêve, avec Rachid Kabri, Belkacem Tahar, Abderrahmane Hadjloun, Hamid Meraïki, Nacerdine Selmi, Mustapha Mokore, feu Abdelkader Benahmed et tant d’autres grands joueurs, et parmi cette armada, un jeune de 17ans. Ce jeune, c’est Younès Ifticen qui se prépare pour cette finale historique. Mais comme à l’époque seuls deux remplaçants sont admis sur le banc, le jeune Ifticen va devoir regarder le match à partir des tribunes. Mais l’histoire retiendra qu’il était bel et bien dans le groupe ce jour-là.