Mahrez : «Prendre la place d’un autre, je ne réfléchis pas comme ça»

Hier dans le reportage, on vous a fait découvrir la vie de Ryad Mahrez dans tous ses aspects. Aujourd’hui, le nouveau venu chez les Verts, qui nous a reçus chez lui à Sarcelles, se livre et évoque cette première convocation en équipe nationale. Il nous parle aussi de son parcours et de la saison qu’il vient d’effectuer avec sa nouvelle équipe, Leicester. Entretien.

D’abord, merci de nous recevoir chez vous ici à Sarcelles avec votre famille et vos amis ?

Merci surtout à vous d’être venue et de vous être déplacée jusqu’ici.

Ceux qui suivent le football vous connaissent à présent, mais beaucoup d’autres Algériens ne vous connaissent pas encore, voulez-vous vous présentez aux supporters des Verts ?

Eh bien, je m’appelle Ryad Mahrez, j’ai 23 ans, originaire de Sarcelles en région parisienne. Mes origines sont algériennes par mon père et marocaine par ma mère. Sinon, en Algérie ma famille habite dans un petit village à côté de Tlemcen qui s’appelle Beni Snous. J’ai grandi à Sarcelles où j’ai joué au football dans le club de mon quartier. Après, à 18 ans, je suis parti dans un club de CFA en Bretagne, qui m’a fait repérer par le Havre, un club très connu en France de par son vécu. D’ailleurs, c’est le club doyen en France. J’ai donc signé au Havre où je suis resté quatre ans, quatre merveilleuses années où j’ai beaucoup progressé.

Vous avez rejoint directement l’équipe première ?

Non, j’ai d’abord joué en CFA. Après, j’ai joué en pro où j’ai connu quatre entraîneurs différents. Disons que j’ai fait toutes mes classes là-bas. Au HAC, c’est là où j’ai commencé et, comme on dit, la où on commence c’est souvent les meilleurs souvenirs, les meilleurs moments. Après cela, j’ai eu la chance de signer en Angleterre à Leicester, même si, je l’avoue, au début je n’étais pas très chaud.

Et pourquoi cela ?

Je ne connaissais pas trop, je me suis dis que l’Angleterre ça va être le dépaysement avec la barrière de la langue. En fait, j’étais un peu pessimiste.

Et qu’est-ce qui a fait que vous changiez d’avis ?

Mes proches, mon agent, mes amis, ma mère, ma famille qui m’ont tous conseillé de partir. Après, j’ai pesé le pour et le contre, j’ai demandé aussi à Allah pour qu’il me guide, et suite à cela j’ai pris la décision de partir en Angleterre et, franchement, je ne le regrette pas du tout.      

Vous venez de dire que vous aviez connu 4 entraîneurs au Havre, si vous deviez retenir un nom, ça serait lequel ?

Comme on dit, on prend un peu de tout le monde. Le premier entraîneur qui m’a fait venir au HAC, Yohann Novel, avec qui j’ai travaillé en CFA, ensuite il y a eu David Dorrie qui m’a fait signer en pro. L’entraîneur qui m’a vraiment fait progresser, c’est Erick Mombaerts. Les gens doivent le connaître, car c’est l’ancien entraîneur des espoirs en France. Donc, disons que ce sont ces trois coachs au Havre qui m’ont marqué.

Avant même de partir en Angleterre, suiviez-vous déjà les performances de la sélection algérienne ou pas du tout ?

J’ai toujours suivi la sélection même si des fois je ne regardais pas tous les matchs. Sinon, j’ai toujours suivi et cela depuis tout petit, car c’est mon pays, celui de mon père et j’ai de la famille en Algérie.

Avez-vous vu le dernier tour qualificatif pour le Mondial face au Burkina Faso, et si oui comment l’avez-vous vécu ?

Oui, bien sur, que j’ai vu ces deux rencontres. Bien évidemment, j’étais à fond derrière l’Algérie pour qu’elles se qualifient pour la Coupe du monde. Même si nous avions perdu le match aller, nous avions réussi à inscrire deux buts et j’étais très optimiste quant au match retour. En Algérie, on savait que ça allait être difficile, ils ont réussi et j’étais comme tout Algérien très heureux qu’ils puissent faire cette Coupe du monde, qui, pour moi, est l’une des meilleures de ces 50 dernières années, car jouer un Mondial au Brésil, ça n’arrive pas souvent.

Aviez-vous suivi le fameux match au Soudan en 2009 ?

Oh que oui, J’étais jeune en plus et je m’en rappelle comme si c’était aujourd’hui. Il y avait une ambiance de folie, et ça m’avait fait chaud au cœur qu’ils gagnent cette rencontre après tout ce qui s’était passé auparavant.

Que pensez-vous de cette équipe nationale ?

Franchement, il y a de très bons jeunes joueurs. Il y a aussi des éléments d’expérience qui encadrent ces jeunes et ce mélange va donner quelque chose de bien, incha Allah.

Partez-vous souvent en Algérie ?

Quand j’étais jeune, j’y allais tous les ans, voire tous les deux ans avec mon père Allah yarahmou. Pas plus tard que l’année dernière, j’ai passé dix jours là-bas. Personnellement, j’y vais souvent, car j’ai de la famille et j’estime que c’est important d’aller leur rendre visite et me ressourcer sur place.

Quand vous avez signé en Angleterre, vous êtes-vous dit : une convocation, pourquoi pas ?

C’est exactement cela, je me suis dis : la sélection ? ça pourrait devenir possible. Certes, j’ai toujours pensé que ça allait être difficile, mais je me devais d’y croire sans pour autant me mettre de la pression, car je sais que  sors de loin et qu’il était impératif de garder les pieds sur terre et ne pas trop s’emballer. J’y ai cru, j’ai tout fait pour y être, maintenant j’y suis, mais ce n’est pas une fin en soi. 

Que voulez-vous dire exactement par le fait que ça ne soit pas une fin en soi ?

Je suis fier de faire partie de cette sélection, après j’ai tout à fait conscience que je dois travailler pour les aider afin d’aller en Coupe du monde, incha Allah.

Connaissez-vous quelques joueurs de cette sélection ?

Je ne connais aucun joueur personnellement. J’ai parlé vite fait deux ou trois fois avec Rafik Djebbour ou Djamel Abdoun qui n’y est pas. J’ai aussi parlé une ou deux fois avec Guedioura, mais sinon je ne connais personne. Certes, les Brahimi, Feghouli, du fait qu’ils ont joué en France, mais pas personnellement.

Du fait que vous ne connaissez personne, ça sera le grand saut vers l’inconnu cette sélection ?

On m’a toujours rapporté de bons échos sur la sélection algérienne que c’est une famille et qu’on s’y intègre très rapidement. Donc, je ne me fais aucun souci par rapport à cela.

 

La concurrence sera rude quant à la liste finale pour les 23, votre objectif est de convaincre le sélectionneur ?

Oui, c’est normal, même si je pense que le coach a déjà la liste des joueurs dans sa tête. En ce qui me concerne, je vais travailler en ne ménageant aucun effort afin de jouer cette Coupe du monde. En résumé, je vais me mettre en condition, en me donnant à fond pour que si le coach me fasse appel, je serai prêt.

L’entraîneur national vous a contacté il y a de cela quelques jours, quel a été son discours ?

L’entraîneur national m’a fait savoir que j’avais fait des choses très intéressantes depuis que je suis en Angleterre, même s’il me suivait de loin déjà avant. Il m’a aussi fait savoir que je devais progresser dans certains domaines, notamment au niveau de l’agressivité. Mais sinon, on a parlé un peu de tout, de mon adaptation en Angleterre, mais sans pour autant qu’il me dise que j’allais être sélectionné. Sur ma convocation, le coach national ne m’a absolument rien dit.

Lorsque l’adjoint d’Halilhodzic est venu vous superviser et que toute la presse a commencé à parler de vous en Algérie, vous vous êtes dit finalement, cette Coupe du monde, ça peut être possible ?

Il est vrai que quand j’ai vu tout cet engouement autour de moi, ça m’a fait plaisir et ça m’a donné des forces. J’ai donc continué à travailler et je me suis dis que peut-être ça pourrait se faire. J’ai la chance d’être sélectionné et j’en suis très content.

Que pensez-vous apporter de plus à cette équipe nationale ?

Franchement, je ne peux parler de moi, je préfère laisser le soin aux autres de le faire. Maintenant, si je dois parler d’un truc, peut-être une certaine insouciance.

Quel a été votre sentiment lorsque vous avez su que vous seriez convoqué pour le stage ?

Franchement, normal, même mes pots me disent tu ne te rends pas compte de ça. Si je me rends compte, mais ce n’est pas une finalité, je ne suis pas encore en Coupe du monde…

C’est quand même pas mal, il y a trois ou quatre mois, personne ne vous connaissez, et là, vous êtes convoqué, sachant que beaucoup d’autres n’y sont pas ?

C’est vrai, c’est pas mal, mais je ne vais pas pour autant m’emballer. Même si je vais en Coupe du monde, je serai content et fier, mais ce n’est pas pour autant que je vais prendre la grosse tête. Je vais jouer pour mon pays, c’est quelque chose de grandiose. Avec toute l’équipe, on est là pour rendre les Algériens heureux, et Incha Allah, on réussira. 

Quand on est nouveau et convoqué pour l’ultime stage d’avant-Mondial, on ne se dit pas qu’on va peut-être prendre la place de quelqu’un qui était là depuis le début ?

Franchement, je ne calcule pas du tout ça. Moi, je suis là pour travailler pour me mettre en mode Coupe du monde et je vais tout faire et me donner à fond pour y être.

Vous êtes connu en Algérie depuis quelques mois, ressentez-vous cela en Angleterre avec les Algériens qui vivent là-bas ?

C’est exactement cela en plus, il y a beaucoup d’Algériens qui viennent me parler, d’autres qui me passent leurs drapeaux. Pas plus tard que cette semaine, quand on faisait le tour de la ville avec mon équipe de Leicester pour fêter le titre, des Algériens me jetaient leurs drapeaux pour que je les montre. Les Algériens, par rapport aux autres pays du Maghreb, aiment vraiment leur pays et c’est ça qui me plaît et me rend fier.

Que pensez-vous du groupe de l’Algérie ?

Honnêtement, c’est un groupe difficile, après, je pense que tout le monde a ses chances, car sur trois matches, tout est possible. On peut même battre la Belgique, car sur un match, c’est jouable. Il ne faut avoir peur de personne, même si on respecte la Belgique, car il y a certes de grands joueurs, mais je pense qu’on a notre chance et il faut la jouer à fond. La Belgique est une grande équipe, mais ce n’est pas non plus le Brésil.     

Pour vous, c’est une bonne chose de commencer le tournoi contre la Belgique ?

Franchement, j’estime que c’est très bien de commencer contre la Belgique. C’est le premier match de la Coupe du monde, c’est là où on va être mobilisés à fond. Après qu’on sorte un grand match et qu’on ne passe pas les poules, les gens seront contents, mais sans plus. Personnellement, je préfère qu’on fasse un match moyen et qu’on passe, que de faire des grands matches et rentrer après le premier tour. Moi, je vois le foot comme ça, y en a qui le voit autrement.

Vous allez rester à Leicester la saison prochaine ?

J’ai signé un contrat de trois ans et demi et je continuerai donc au sein de mon équipe la saison prochaine.

Vous n’avez pas fait de centre de formation, vous venez pratiquement d’un milieu de foot amateur, comment on fait pour garder les pieds sur terre avec tous ces événements qui s’enchaînent ?

J’ai un parcours assez atypique, car comme vous venez de le dire, je n’ai jamais fait de centre de formation, j’ai connu pendant très longtemps le football amateur, et quand on sait qu’on vient de loin comme c’est mon cas, et qu’on a été vite au-devant de la scène, on sait qu’on peut retomber très vite, c’est pour ça qu’il faut garder les pieds sur terre. Mais j’ai aussi un environnement, une famille et des amis qui me permettent de ne pas prendre la grosse tête.

Suite au joli but que vous avez marqué pour lequel vous avez reçu un trophée, que vous ont dit vos coéquipiers et votre entraîneur ?

Pour eux déjà, je mérite ce trophée de meilleur but. Le coach ne m’a pas parlé particulièrement de ce but, mais de toute la saison, il m’a fait savoir que je leur avais beaucoup apporté et qu’ils étaient très fiers et contents pour moi après ma convocation. Ils m’ont  même fait savoir qu’ils me suivront lors de la Coupe du monde en espérant que je serai bien.

A présent, quels sont vos objectifs ?

Je ne m’arrête jamais, j’ai toujours envie d’aller plus loin. Leicester est un très bon club, l’année prochaine, on jouera en Premier League et je ferai tout pour qu’on se maintienne, même si je sais que ça sera difficile. Je veux faire de bons matchs et, pourquoi pas, aller dans un grand club dans deux ans.

Généralement, quand un nouveau joueur arrive, il y a toujours un petit bizutage…

Pas de soucis pour cela. J’ai déjà eu mon bizutage quand je suis arrivé en Angleterre. On m’avait demandé de monter sur une chaise et chanter une chanson en anglais, j’ai trouvé une chanson et je l’ai chantée.

Quand on est joueur et qu’on vienne de Paris, est-ce qu’on ne rêve pas du PSG ?

Peut-être dans un petit coin de ma tête, même si j’ai toujours supporté l’OM depuis que je suis petit. Mais depuis que je joue en pro, je ne suis plus supporter, j’aime bien Marseille, mais si le PSG fait appel à moi, pas de soucis, mais on n’en est pas encore là.

Si jamais vous ne serez pas dans la liste des 23, ce n’est pas très grave, d’autant plus qu’il y a la CAN juste après ?

Il est clair que la vie ne s’arrêtera pas pour moi si je ne serai pas pris, surtout que dans le football, il y a beaucoup de nouvelles compétitions, mais bon, soyez en certains, je ferai tout pour aller en Coupe du monde.

Un dernier mot pour les supporters algériens qui vous découvrent à travers nos colonnes…

Fier et content d’être sélectionné en Algérie. Je vous rendrai fier et heureux Incha Allah bientôt.  

Asma H. A.   

 

«Ce que je peux apporter peut-être, c’est une certaine insouciance»

«La Belgique est une grande équipe, mais ce n’est pas non plus le Brésil»

«La sélection, j’y pense, mais sans me mettre de pression»

«Je ne connais aucun joueur de la sélection»

«Je garde les pieds sur terre, car je sais d’où je viens»

«Au départ, je ne voulais pas partir en Angleterre»

«Je suis de Paris, mais j’ai toujours supporté l’OM»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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