Saïd Allik : «Notre football a gravement régressé»

Saïd Allik, voilà un homme dont le nom est intimement lié à l’USMA, mais pas que, parce que c’est un ancien footballeur, ancien président, un élément incontournable de la scène footballistique durant deux décennies. Il aura été de longues années durant une des figures marquantes du football algérien. Président émérite, avec lui l’USMA a gagné bien des galons, des titres, des lettres de noblesse et un grand respect de la part de tous. Retiré des affaires du football, Saïd Allik porte aujourd’hui un regard neutre sur le football algérien. Ses analyses sont plus que pertinentes.

Une question s’impose en premier. Que devient monsieur Saïd Allik ?

Je suis toujours en activité, je gère le CSA (Club sportif amateur, ndlr). Je m’occupe des sports Co, loin des tumultes du football. Franchement, je n’ai plus aucune envie de parler football, discipline avec laquelle j’ai pris du recul depuis quelque temps maintenant.

Vous ne suivez pas le football, l’USMA par exemple…

Si, mais pas avec la même passion ni avec la même envie. Je regarde ce qui se passe dans notre championnat avec un œil neutre. Je ne m’intéresse pas à une équipe en particulier.

Et quel regard portez-vous sur le football, justement, avec cet œil neutre ?

Et bien, je trouve que nous n’avons pas progressé. Bien au contraire, notre football a gravement régressé. Je trouve que nous sommes plus amateurs qu’on ne l’était avant l’avènement du professionnalisme. Aujourd’hui, l’Etat continue de financer les clubs soi-disant pros, en injectant plus d’argent que quand ces mêmes clubs avaient le statut d’amateur. Je ne vois pas, je ne sens pas ce saut qualitatif de notre football en passant professionnel.

Ça vous manque le football ?

Ecoutez, quand vous passez près de cinquante ans dans le milieu footballistique, et quand d’un coup vous le quittez, forcément que, quelque part, il vous manque. Mais s’il y a manque, cela ne va plus loin que ça. Parce que, franchement, je n’ai plus l’envie qui était mienne il y a de cela quelques années. Peut-être que je suis saturé et puis, franchement, le milieu footballistique n’est plus ce qu’il était, on ne sent plus la chose comme elle était. Je suis déçu de lire chaque jour dans la presse les affaires, les scandales, les querelles de clocher entre tel et tel. Vous vous rendez-compte, il ne se passe pas un week-end sans qu’on voit trois, voire quatre matches à huis clos. Ce n’est pas possible ?! Mais où va-t-on comme çà ? Moi, je dis que c’est là un échec total de ceux qui gèrent, et pas seulement les instances, parce que les présidents de clubs aussi ont une part de responsabilité. Et cette violence qui monte crescendo ? Vous pensez que cela incite les gens à aller voir un match ? Pas moi en tout cas.

C’est un échec, c’est sûr…

(Il enchaîne) Non, mais… Vous pensez que les sanctions infligées à la JSK sont justes ? C’est une injustice qui ne dit pas son nom. Mais pourquoi avoir sanctionné la JSK, elle qui est une victime dans cette tragique affaire ? S’il se trouve une partie qui a payé le plus lourd tribu dans cette histoire, c’est bien la JSK, alors pourquoi ces sanctions ? Mais soyons sérieux, cette sanction est plus que disproportionnée, elle est injuste, absurde. Si on veut vraiment combattre la violence, il y a tout un arsenal juridique, il y a des mois, il suffit juste de les mettre en application.

Un mot sur le championnat de cette saison…

Il est d’un faible niveau. Comme je viens de vous le dire, le football algérien a régressé. On a joué douze journées déjà, ça veut dire qu’il y a eu trente-six points en jeu. Normalement, dans sa feuille de route, un club qui se veut champion devrait avoir moins six, voire moins huit points sur les trente-six, c'est-à-dire il devrait comptabiliser trente, ou au pire vingt-huit points. Or, ce que nous constatons aujourd’hui, c’est que le quatuor de tête compte vingt et un points, soit pas moins de quatorze unités de retard sur la norme d’un vrai champion ; cela m’amène à vous dire une fois de plus que la preuve de la faiblesse de notre championnat est perceptible à l’œil nu. C’est malheureux de le dire, mais il y a un nivellement par le bas.

M. O. 

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