«Je ne suis pas d’accord avec Gourcuff qui remet en cause le potentiel du joueur évoluant en championnat local. Il suffit de se rappeler la consécration de l’Entente de Sétif en Ligue des champions face aux clubs dont les joueurs composent essentiellement l’effectif de la RDC, demi-finaliste de la CAN. » Ces propos proviennent du meilleur entraîneur africain de l’année 2014, Kheireddine Madoui, intervenant vendredi sur les ondes de la radio nationale. Une manière pour lui de répondre aux déclarations du sélectionneur national qui veut, visiblement, imposer un décalage entre le produit du cru et les joueurs « importés ». L’attitude du sélectionneur est intervenue après l’attitude de Soudani et Djabou qui n’auraient pas accepté leur statut de remplaçant. Qui a raison ? Lequel a tort ? La polémique revient de plus belle. Elle ne semble pas prête à trouver son épilogue. Tant les positions se divergent. Parfois profondément. Le patron de la barre technique aura, en tout cas, lancé le débat sur un sujet qui risque de ne jamais faire consensus. Chacun y va de sa propre vision. Médias et spécialistes, les avis divergent. Certains plaident pour une sélection nationale à « importation » dans la mesure où l’école algérienne ne produit plus de jeunes talents. Les désillusions des sélections nationales des jeunes confortent cette thèse. D’autres disent le contraire. A leurs yeux, l’école algérienne produit peu, certes, mais il y a des joueurs qui en émergent. Ils citent Belkalem, Halliche, Slimani, Soudani et autres Djadou qui s’imposent ostentatoirement en sélection. Pur produit local, ces joueurs ont été exportés vers des clubs étrangers où ils sont des titulaires. L’équipe nationale A’ n’a-t-elle pas donné le meilleur exemple du potentiel énorme du produit du cru. Lors du Championnat d’Afrique (CHAN 2011) au Soudan, les Verts, sous la conduite d’Abdelahak Benchikha, avaient « loupé » de (très) peu la consécration atteignant le cap des demi-finales. Les Algériens ont trébuché devant la Tunisie, vainqueur du trophée. Au regard de ces données, le constat est clair : le joueur local peut s’affirmer. Il sufit de lui faire confiance. L’ancien sélectionneur national, Vahid Halilhodzic, auteur de la qualification historique de l’Algérie au deuxième tour du Mondial brésilien, avait toujours vanté le mérite du joueur local. Il était derrière l’intégration de Slimani, pourtant contesté à l’époque par les supporters du CRB. La suite, nous la connaissons : le joueur en question s’est imposé de fort belle manière voyant sa valeur marchande passer de 300 000 euros à plus de 9 millions d’euros. Il est passé du CRB au prestigieux Sporting Lisbonne. De grandes écuries européennes courent actuellement après lui. Cela ne devrait-il pas donner à réfléchir à ceux qui veulent enterrer (fatalement) la compétence algérienne ? Le débat est lancé. Place aux spécialistes.
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Heddane : « Le décalage se trouve dans le tête de Gourcuff »
L’ancien membre du staff technique de l’équipe nationale Mustapha Heddane n’y va pas de main morte pour fustiger le sélectionneur national Gourcuff qui voudrait jeter l’anathème sur le joueur issu de l’école algérienne. Aux yeux de Heddane, « le problème se trouve dans la tête de Gourcuff ». Les qualifiant de « joyau du football algérien », Heddane prend la défense de Soudani et Djabou estimant que ces deux derniers représentant une valeur ajoutée certaine. Invitant d’abord l’ancien Merlu à « donner des motivations convaincantes sur la marginalisation de Djabou et la sortie injustifiée de Soudani percutant contre la Côte d’Ivoire. » Notre interlocuteur souligne : « Le football est une discipline obéissant à la nature humaine. C’est normal que des joueurs lésés expriment leur colère. Et puis, nous connaissons bien la bonne éducation de ces joueurs. » Le technicien en question est allé jusqu’à indiquer que « Soudani et Djabou ont été injustement éliminés ». Il estime, par ailleurs, que le sytème de formation est défaillant, mais cela ne pourra jamais occulter le potentiel du joueur algérien.
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Mouassa : « Si l’EN a échoué, ce n’est pas la faute au joueur local »
Le patron de la barre technique de l’USM Blida, Kamel Mouassa, refuse de coller l’échec de l’équipe nationale pendant la dernière coupe d’Afrique des nations au joueur local. « Pourquoi a-t-on soulevé cette question de décalage entre le joueur local et émigré en cette période précise ? » s’interroge Kamel Mouassa laissant entendre qu’il faudra aller chercher les causes de l’échec ailleurs et non pas tenter de faire des locaux des boucs émissaires. Pour Mouassa, la mission de faire l’amalgame entre ces deux catégories de joueurs doit incomber à l’entraîneur national. « Selon mon point de vue, c’est à l’entraîneur de trouver le meilleur moyen pour faire créer cet amalgame entre ls locaux et les émigrés », estime-t-il, avant de renchérir : « Il faut savoir que l’Algérie appartient à tous les Algériens. Ce serait une erreur de chercher à imposer une distinction entre les joueurs. La réussite d’un groupe passe par sa bonne gestion. Et cette mission revient au coach. » Mouassa se dit, en tout cas, intrigué du soulèvement de cette question de décalage entre les locaux et les émigrés au lendemain de l’élimination.
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Biskri : « Une façon de complexer le joueur du cru »
Pertinent dans ses analyse et sachant toujours mettre le doigt sur le mal, le technicien Mustapha Biskri pense que le problème ne doit pas être posé de cette manière. Il étaye sa position par le fait que les émigrés profitent des bienfaits du système de formation en Europe contrairement aux locaux qui se voient plutôt freinés par un système défaillant en la matière. Il accuse les prometteurs de cette thèse de « complexer le joueur local ». Pourtant, il avance un argumentaire tellement solide qu’il devra donner à réfléchir aux plus réticents. « Il ne faut pas oublier que les Soudani, Slimani, Djabou…sont produits par l’école locale. Ils ont rempli parfaitement leur mission en club et en sélection. Ils ont de la qualité. Ils ne sont pas loin du haut niveau. Une fois recrutés par les clubs étrangers, on voit bien qu’ils répondent positivement aux exigences du haut niveau. » « C’est pourquoi, poursuit-il, il faudra profiter de leur talent. Aussi, je pense que la sélection des émigrés n’a pas encore donné les performances souhaitées. L’Algérie n’a pas encore gagné une CAN depuis celle de 1990. »
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Yahi : « Voilà pourquoi ce décalage existe »
L’ancienne star de l’équipe nationale des années 1980, Hocine Yahi, admet l’existence d’une différence entre les locaux et les émigrés. « Le décalage entre les joueurs locaux et ceux formés à l’étranger existe bien. Il faut le dire et le reconnaître », estime, d’emblée, l’ancien entraîneur du Chabab de Belouizdad et du RC Kouba d’après lequel il faudra plutôt aller comprendre les raisons derrière le phénomène. Il donne son avis : « Je crois que les deux catégories de joueurs n’ont pas bénéficié de la même formation. Les joueurs venus de l’étranger ont profité d’une formation complète dans les écoles européennes, celles de France plus particulièrement. Cela leur a permis d’avoir un cursus assez complet avant de rejoindre le football de haut niveau. En Algérie, ce n’est pas vraiment le cas. Le système de formation est défaillant. Un constat épousé par tous les spécialistes. A partir de là, je dirais qu’il faudra mettre le joueur local dans les meilleures conditions de préparation pour espérer recueillir les fruits. C’est la seule voie en mesure de nous mener vers la production de joueurs capables de répondre aux exigences du haut niveau. »
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Mekhazni : « Il y a de bons joueurs en Algérie »
L’actuel responsable technique de l’ESM Koléa, Mohamed Mekhazni, situe le problème du joueur algérien dans la formation, mais il réfute l’inexistence de bons joueurs en Algérie. Dans la logique des choses, il évoque Soudani, Slimani, Djabou, Belkalem et Halliche, lesquels joueurs, note-t-il, ont « pu s’adapter avec le haut niveau après leur recrutement par les clubs étrangers. » Des mots qui mettent en relief le niveau acceptable des joueurs du cru. Aussi, Mekhazni a souligné, lui aussi, l’avantage dont profitent les footballeurs formés à l’étranger. Il explique : « Sans avoir la prétention de répondre à Gourcuff, il faut reconnaître que les joueurs venus de l’étranger ont eu droit à une formation de haut niveau conforme à un système performant et complet. En Algérie, ce n’est pas le cas. Le joueur algérien n’est pas bien pris en charge dans la phase formative qu’on appelle post-formation. Je tiens à souligner que les formateurs en Algérie trouvent des difficultés pour mener à terme leur projet. On compte sur les initiatives individuelles, car le système de formation présente des carences. »