Adjali : «Ce n’est pas Gourcuff le problème»

Après une carrière de footballeur professionnel bien riche, Lakhdar Adjali, qui a été formé par le NAHD et fourbi ses armes dans les différents stades d’Afrique et d’Europe, est consultant à la télévision. Ancien joueur professionnel, diplômé des plus prestigieuses universités de France, titulaire du diplôme UEFA, le natif de Leveilley est une voix les plus écoutées. Ses analyses aussi percutantes que subtiles font de lui un technicien des plus crédibles.

Quel commentaire faites-vous sur la double sortie de l’équipe nationale ?

Je dirai tout d’abord qu’il s’agissait de deux matches amicaux, et à ce titre, ceux-ci sont faits pour qu’on essaye de nouveaux joueurs. Cela étant, je pense qu’il faut beaucoup de temps pour que l’amalgame soit parfait. Dans ces deux matches, nous n’avons pas vu ça. Je pense que certains de nos joueurs ont été impressionnés par l’immensité du stade 5-Juillet. Ils ont évolué dans un environnement qu’ils ne connaissaient pas, ils se sont sentis alors quelque part perdus. Je vous prie de me croire, mais le 5-Juillet est vraiment impressionnant. Moi j’ai joué dans de grands stades comme le Stade de France par exemple, en 2001, j’ai joué une finale de coupe de France. Mais aussi grand soit-il, le Stade de France n’est pas aussi impressionnant que le 5-Juillet. Pour cela, je dirai qu’il y a un aspect qui fait que notre stade est vraiment impressionnant. Au Stade de France, dès que tu pénètres dans le terrain et que tu jettes un coup d’œil aux tribunes, tu es vite rassuré en voyant des familles, des jeunes, des moins jeunes, etc. qui applaudissent. Tu as l’impression que tu es dans une salle des fêtes. Au 5-Juillet quand tu rentres, le public gronde ; ce public qui est fou amoureux de son équipe hurle parfois, et ça te donne la chair de poule. Tu te sens comme un gladiateur au milieu de l’arène et que le public crie «A mort, à mort». L’environnement joue un rôle très important.

 

Et sur le plan purement technico-tactique ?

Je pense que le groupe n’a pas eu assez de temps pour travailler ensemble. Comme je pense que certains de nos joueurs ont un déficit sur le plan technique. Sur les deux matches, ils n’ont pas su se mettre au niveau et ils n’ont pas une bonne lecture de situations de jeu. Cependant, il ne faut pas perdre de vue le fait que nous avons joué deux très bonnes équipes. Moi j’ai été impressionné, je ne le cache pas. Les Guinéens par exemple ont été tout simplement impressionnants dans la gestion du match. A un moment donné, ils avaient besoin de faire monter le rythme ; ils l’ont fait et quand ils ont voulu le faire baisser ils l’ont fait aussi. Cette gestion des situations de jeu est tout simplement impressionnante. Pour ce qui est du Sénégal, je ne suis pas d’’accord avec ceux qui disent qu’ils nous étaient supérieurs seulement sur le plan physique. Je pense que les Sénégalais nous étaient supérieurs sur tous les plans.

Et ceux qui disent que c’est Gourcuff le problème ?

Là aussi, je ne suis pas d’accord. Le problème est bien plus profond. Je pense qu’en l’état actuel des choses, vous pouvez ramener le meilleur entraîneur du monde, il aura les mêmes problèmes que rencontre Christian Gourcuff.

Il est où le problème alors ?

Une équipe nationale, c’est toute une politique technique nationale, c’est l’interaction de tous les systèmes du football national, notamment des clubs. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on constate ? Nos joueurs locaux n’ont pas le niveau pour concurrencer les équipes africaines. Il nous incombe de faire un travail tout en profondeur dans nos clubs, la formation en Algérie est complètement délaissée, c’est malheureux. On s’occupe de l’équipe première et on laisse de côté les jeunes. Aucune équipe n’a un projet de jeu, et je mets au défi celui qui osera me dire le contraire de le prouver.

C’est vrai, il s’agit là d’un sérieux problème que beaucoup de techniciens dénoncent…

Non, mais soyons sérieux, comment voulez-vous former de futurs internationaux avec des gamins qui ont au minimum 100 heures/an de retard dans leur formation ? Et encore, le travail qu’on est en train de faire à ce niveau n’est pas tout à fait conforme. Voilà où se situe le problème, il n’est pas chez Gourcuff. De toutes les manières, il faut bien dire les choses au sujet de cette équipe nationale qui ne représente pas du tout le football algérien. Cette EN représente l’Algérie en tant que pays, en tant que nation, mais pas le football algérien. Moi je dis aujourd’hui, que le football algérien est en danger. Il a été mis sur les mauvais rails. Prenant le cas Belaïli par exemple. C’est une victime. Oui, il est majeur et vacciné et devrait assumer ses actes, je vous le concède. Mais durant sa formation, que lui a-t-on appris ? Rien. La formation est constituée de trois aspects fondamentaux : le sportif, l’humain et le scolaire. Les jeunes, il faut les accompagner durant toute leur formation. Il faut les préparer à affronter l’avenir ; dans les deux cas, ou ils réussissent et deviennent des footballeurs pros, ou ils échouent et doivent intégrer la vie sociale. On ne prend pas un jeune de 20 ans qui fait deux, trois bons matches et on lui donne 500 millions de salaires. Non !

M. O.

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